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Grandeur et misère de l’esprit chevaleresque
Jean Giono   Le Désastre de Pavie - 24 février 1525
Gallimard - Folio histoire 2012 /  9.60 € - 62.88 ffr. / 494 pages
ISBN : 978-2-07-044926-2
FORMAT : 11cm x 18cm
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Dans les années 1960, Gallimard lance une collection d’ouvrages historiques visant à mettre en lumière la construction de notre identité nationale, ''Trente journées qui ont fait la France''. La maison d’édition réédite ici l’un des plus grands succès de cette série, qui a pour particularité d’être l’œuvre d’un romancier, Jean Giono, et non d’un historien. Dès lors, le lecteur du Désastre de Pavie ne peut que s’interroger sur la relation entre histoire et littérature, et sur l’apport d’un regard romanesque sur la réalité historique. Depuis les années 1930, l’Héliogabale d’Antonin Artaud (qui est également à l’origine une commande d’éditeur) constitue certainement le modèle indépassable de ce genre hybride, le poète étant parvenu dans ce chef-d’œuvre à reconstituer l’univers sensuel et intellectuel de la période, tout en s’appuyant sur un réel travail historique.

L’ouverture du Désastre de Pavie semble également démontrer l’ambition d’employer des moyens littéraires afin de «faire vivre» les personnages du récit. Ces derniers sont principalement François Ier et son grand rival, Charles Quint, élu empereur du Saint-Empire romain germanique aux dépens du roi de France. Pour Giono, tout sépare ces deux individus aux caractères diamétralement opposés. Tandis que François Ier est présenté comme un géant orgueilleux emprunt de morale chevaleresque («en lui, rien de moderne, rien même qui fasse pressentir le moderne, il est totalement de son époque ; il est plus antibourgeois que Lénine»), Giono dépeint Charles Quint comme un goinfre, un avorton aux réflexes bourgeois, totalement étranger à la morale moyenâgeuse de son époque : «alors que son siècle se fait gloire de la victoire pour la victoire, pour le laurier, quitte à chercher ensuite maladroitement la soupe dans laquelle ce laurier donnera du goût, il se sert de ses victoires comme d’un carnet de chèques». Si cette comparaison paraît essentielle pour saisir les enjeux de cet épisode historique, on regrettera cependant la tendance psychologisante de l’auteur qui, afin de capter l’attention du lecteur moderne, en vient à rechercher la bonne formule, quitte parfois à forcer le trait et à rapprocher son style de celui d’un mauvais Audiard.

Le style vif de cette galerie de portraits contraste singulièrement avec les développements ultérieurs du récit, dans lesquels Jean Giono fournit un travail historique extrêmement sérieux. Soucieux de rendre compte avec exactitude des conditions de cette bataille de 1525, l’écrivain provençal a arpenté les lieux du combat et étudié d’après différentes sources la réalité climatique du jour fatidique (pleuvait-il, et s’agissait-il d’une nuit de pleine lune ?). Les amateurs d’histoire militaire seront ainsi comblés par cette longue description du champ de bataille, unité par unité, bosquet par bosquet.

Le Désastre de Pavie constitue un ouvrage à thèse (et c’est bien le principe de cette collection focalisée sur différents moments charnières de l’histoire nationale) ; Giono démontre en quoi cette défaite française sonne l’échec et la fin du monde chevaleresque. En effet, l’écrivain souligne la totale irrationalité du comportement de la noblesse française qui ne défend pas tant ses intérêts que son honneur. Les guerres d’Italie, initiées par Charles VIII puis poursuivies par Louis XII et François Ier, n’étaient nullement motivées par un quelconque intérêt stratégique et s’expliquent davantage, le royaume ayant été consolidé à la fin de la guerre de Cent Ans, par le désir de poursuivre le combat en «guerroyant» hors de ses frontières. François Ier, lorsqu’il conquiert une cité italienne, se porte sur un autre objectif sans se soucier de la conservation de sa conquête : la victoire constitue son propre aboutissement.

Cette morale chevaleresque semble partagée par certains adversaires, comme les troupes espagnoles qui font un véritable triomphe à la dépouille du chevalier Bayard, célébré pour sa bravoure bien que membre du camp ennemi. Giono souligne en effet les effets positifs d’une telle configuration morale : la guerre étant alors le fait irrationnel d’une minorité en quête de prestige (la noblesse) et de certains mercenaires (Picards, Suisses ou autres), la majorité de la population (les paysans, artisans et commerçants) se désintéresse du conflit et n’entretient aucun ressentiment envers les pays étrangers.

Giono décrit avec justesse la fin de cet univers qui correspond à la cuisante défaite d’un François Ier aussi arrogant qu’irresponsable. Ce monde s’achève, laissant deviner l’irruption au cours de ce XVIe siècle d’un nouveau type de conflit qui impliquera et endeuillera cette fois-ci l’ensemble de la population européenne : les guerres de religion.


Antoine Robineau
( Mis en ligne le 20/11/2012 )
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