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Histoire & Sciences sociales -> Poches |
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Louis XIV, Angélique et les sorciers | | | Arlette Lebigre L’Affaire des poisons: 1679-1682 Complexe 2001 / 8.55 € - 56 ffr. / 174 pages ISBN : 2870278667 Imprimer
Les amateurs dhistoire de France, petite et grande, connaissent bien lAffaire des poisons, cette épidémie dempoisonnement et de sorcellerie qui submergea Paris à lapogée du règne de Louis XIV et éclaboussa les plus hauts personnages de la Cour de Versailles et de Saint-Germain. Il y a beau temps que la littérature sest emparée du sujet et que les détails qui avaient été soigneusement cachés à lépoque sont offerts en pâture au public. Depuis Angélique et le Roi, les télespectateurs sont accoutumés à voir, tous les deux ou trois ans, dire des messes noires sur le ventre de Madame de Montespan, et à suivre le policier Desgrex, sous les traits de Jean Rochefort, en train de pourchasser les assassins denfants.
Prenant le contre-pied de cette tradition historiographique et littéraire, Arlette Lebigre a donné dans sa version de lAffaire, publiée une première fois en 1984 et rééditée aujourdhui, une vision du dossier « par le bas ». Ce nest pas sur les accusations dempoisonnement formulées lors des morts suspectes de la première Madame ou de Louvois que lauteur sattarde, ni sur les sortilèges de la favorite du roi-soleil, mais sur le sous-prolétariat parisien où se recrutaient empoisonneurs et empoisonneuses, donneurs et donneuses de sort. Laffaire met en évidence le fossé culturel qui sépare des élites gouvernementales et intellectuelles qui ne croient plus à la sorcellerie, un petit peuple qui y croit beaucoup et une bourgeoisie qui y croit à moitié. Elle révèle aussi lenvers du décor dune société parisienne, où lempoisonnement, crime à la mode, libère une femme battue dun mari ivrogne, une jeunesse dun barbon, un héritier de ses vieux parents avares
et une maîtresse royale de possibles rivales.
Avec verve, Mme Lebigre suit M. de La Reynie, lieutenant général de police de Paris, dans sa difficile enquête. Alternant anecdote et tableau général de la société du temps, elle nous introduit dans les arcanes de la procédure judiciaire, dans lapplication de la fameuse ordonnance criminelle de 1670. Ainsi le lecteur apprend-il quun procès criminel dAncien Régime na pas grand-chose à voir avec nos sessions de cour dassises, que la fameuse « question préalable » - la torture destinée à obtenir des aveux nétait appliquée quà des individus déjà condamnés : elle était préalable à lexécution. Au milieu de lhorreur, le burlesque nest pas absent : en prélude à quelques scènes fameuses de la Folie des grandeurs, les protagonistes cherchant à combler quelques trous gênants dans leur biographie prétendent avoir été esclaves chez les barbaresques ! Il est regrettable que lannotation, fort intéressante et qui éclaire très à propos le texte, ait été rejetée en fin de volume. Cest une manie dont on narrivera pas à guérir les éditeurs.
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 05/02/2002 ) Imprimer | | |
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