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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
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Croyances et attitudes religieuses à Athènes au IVe siècle av. J.-C. | | | Jon D. Mikalson La Religion populaire à Athènes Perrin - Pour l'Histoire 2009 / 16,80 € - 110.04 ffr. / 259 pages ISBN : 978-2-262-02959-3 FORMAT : 13cm x 20cm
Traduction de Jean-François Sené
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Louvrage fondateur de Jon D. Mikalson, professeur et doyen du département dHistoire ancienne de lUniversité de Virginie, vient dêtre traduit en français. On peut se réjouir de cette initiative, même si louvrage est déjà ancien, Athenian Popular Religion ayant été publié en 1983 aux Presses de lUniversité de Caroline du Nord. Le titre peut prêter à confusion, il est en fait plus large que le propos du livre, qui porte en fait sur les croyances et la attitudes religieuses attestées pour Athènes de la fin de la guerre du Péloponnèse (405 av. J.-C.) à la mort dAlexandre le Grand (323 av. J.-C.). Le cadre chronologique est ainsi plus resserré : loin de couvrir toute lhistoire grecque, et même toute la période classique, il ne sintéresse en fait quau IVe siècle (si lon excepte les dernières années du siècle précédent). Le cadre est aussi bien délimité géographiquement. Jon D. Mikalson ne traite pas de lensemble du monde grec, divisé en une centaine de poleis, de cités-Etats se flattant dêtre indépendantes les unes des autres, et différant également sur le plan religieux. Il se concentre sur Athènes, la cité certainement la plus documentée pour lépoque classique. Lauteur rappelle utilement en introduction : «Nous devons nous garder dimaginer quune pratique ou quune croyance religieuses devaient avoir eu cours dans toutes les cités-Etats et chez tous les Grecs simplement parce quelles étaient attestées dans une cité» (p.13). En limitant létude à cette cité et à cette période, Jon D. Mikalson espère éviter les inexactitudes et les contradictions inhérentes à une approche trop large, dans le temps comme dans lespace, de la religion grecque. Le terme de «populaire» est également quelque peu trompeur. Loin davoir ici une connotation péjorative, ne renvoyant pas non plus à une hiérarchie de classe, lemploi de ladjectif fait en fait référence aux opinions et attitudes religieuses acceptables pour la majorité des Athéniens de la période considérée, une sorte de routine religieuse. Les croyances et théories religieuses et philosophiques novatrices ont été exclues du champ de lanalyse, sauf lorsquil était possible de démontrer quelles avaient eu un impact sur la croyance religieuse du plus grand nombre au cours de la période considérée. Il sagit surtout dun travail descriptif ayant peu recours aux analyses sociologiques, anthropologiques ou psychologiques développées à la même époque sur la religion grecque (Marcel Detienne, Jean-Pierre Vernant ou Pierre Vidal-Naquet sont ainsi absents de la bibliographie de huit pages à la fin du volume).
Trois types de documents sont privilégiés : les textes des orateurs (Démosthène, Eschine, Isocrate, Lycurgue), les inscriptions, et les écrits de Xénophon. Les orateurs, soucieux de ne pas saliéner la sympathie du jury, exprimaient généralement des vues religieuses susceptibles dobtenir lassentiment du plus grand nombre. Les inscriptions, gravées sur la pierre et exposées au regard de tous, sadressaient à lensemble des citoyens. Elles comprenaient toute une série de dispositions sur les calendriers des fêtes, les sacrifices, les offrandes, les sanctuaires ou les décrets honorifiques, offrant dexcellentes illustrations de la pratique des cultes. Parmi les sources littéraires, seul Xénophon semble trouver grâce aux yeux de Jon D. Mikalson. Il ne doit pourtant pas être considéré comme un «Athénien typique» de la période, sa vie étant celle dun membre de lélite. Cependant, ses écrits sont parsemés de références anodines et banales aux croyances et aux pratiques religieuses, dépourvues de toute intention polémique ou novatrice.
Le livre sintéresse dabord aux dieux. La priorité est en effet accordée au divin dans de nombreuses affaires humaines : réunions de lecclesia souvrant par un sacrifice purificatoire, consultation dun oracle avant toute entreprise guerrière
On pensait que les dieux intervenaient et exerçaient une influence dans les affaires humaines qui allaient de lEtat dans son ensemble jusquaux intérêts privés des individus. La bienveillance des divinités, entretenue par le respect des serments ou la pratique des sacrifices traditionnels, était censée apporter le succès, la prospérité ou la victoire à la guerre, mais la nature de lintervention divine restait le plus souvent très vague. Les dieux sintéressaient aussi à la justice humaine en punissant les meurtriers ou les parjures. Mais les autres crimes et délits ne les concernaient que lorsquils comportaient un acte dimpiété ou la trahison dun serment. La croyance selon laquelle ils envoyaient aux hommes des signes concernant lavenir semble avoir été presque unanimement acceptée. Doù limportance de la divination, qui concernait les aspects de la vie qui sortaient du champ du contrôle humain. Mais les dieux étaient supposés avoir peu ou aucune influence sur lheure et la nature de la mort dun individu, même sils pouvaient causer des maladies ou des périls en mer pouvant entraîner bien sûr le trépas. Quand la mort survenait, on invoquait plutôt la malchance, le mauvais génie ou la destinée. Lhomicide, quant à lui, était censé mettre en jeu des forces surnaturelles comme la souillure ou les esprits vengeurs. La nature des dieux semble se distinguer de celle des héros, des daimones ou encore dautres puissances comme les esprits vengeurs ou malveillants.
Les opinions des Athéniens concernant la vie après la mort témoignent dune diversité et dune incertitude plus grandes que leurs vues sur tout autre sujet religieux, quil sagisse de savoir si lâme continue à exister, en quel lieu résident les trépassés (enfers souterrains, ciel, îles des Bienheureux
), ou si les âmes sont récompensées ou châtiées dans lau-delà. La plupart des épitaphes attiques de cette période ne disent rien de lautre vie, à part de vagues références aux souverains des Enfers, Hadès et Perséphone. Elles dressent plutôt la liste des vertus de lindividu au cours de sa vie terrestre et décrivent le chagrin de ses proches survivants.
Chez les Athéniens, la vie religieuse était inextricablement liée à la vie sociale et politique, le citoyen étant en outre structuré non seulement par son appartenance à la cité, mais aussi à sa tribu, son dème, sa phratrie, son génos et sa famille. La piété relevait plus du comportement et de rituels effectués correctement que de croyances, car le polythéisme grec ignorait les dogmes. Les procès dimpiété pouvaient concerner lintroduction dun nouveau dieu non autorisée par la cité, la participation de manière éhontée à des festivités religieuses, la révélation et la dépréciation des Mystères dEleusis ou les atteintes à des objets sacrés (comme lors de la mutilation des Hermès à la veille de lexpédition de Sicile), mais aussi lhomicide, la traîtrise envers la cité, ou encore le non-respect des serments et du droit dasile. Selon Jon D. Mikalson, il existait manifestement à Athènes, à cette époque, un corpus établi et largement accepté de croyances religieuses, faisant lobjet dun consensus (autant chez Xénophon que chez les orateurs et leurs auditoires), sauf dans des domaines où sexprimait la plus forte incertitude, comme la conception de la vie après la mort.
Lauteur conclut en émettant les plus vives réserves sur lidée dune dégradation de la croyance religieuse à Athènes au IVe siècle av. J.-C, par rapport au siècle précédent. Il souligne que la différence des sources littéraires (uvres poétiques pour le Ve siècle, Xénophon et les orateurs pour le IVe siècle) a pu biaiser les regards modernes. De plus, la manipulation du culte et des oracles à des fins politiques était loin dêtre nouvelle (le tyran Pisistrate en avait déjà usé). En fait, de nombreux documents indiquent que les Athéniens étaient aussi fidèles, sinon plus, à leurs cultes religieux au IVe siècle quils lavaient été au siècle précédent.
Ainsi, ce livre ne saurait être vu comme une histoire générale de la religion athénienne, ce quil ne prétend pas dailleurs être. Il sagit en fait dune recherche sur ce que lon pourrait nommer le consensus de la croyance religieuse populaire, quun citoyen dAthènes pensait pouvoir exprimer en public et pour laquelle il sattendait à trouver un consentement général chez ses pairs. Lauteur est bien conscient de naborder ici quun aspect de la religion athénienne, quil sera utile de compléter par dautres études. Il nen reste pas moins que la clarté de lécriture (et de la traduction) destine cet ouvrage à tout honnête homme cultivé, et pas seulement aux spécialistes.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 17/11/2009 ) Imprimer
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