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Dans les pas du premier Tragique
Bernard Deforge   Une vie avec Eschyle
Les Belles Lettres - Vérité des mythes 2010 /  35 € - 229.25 ffr. / 304 pages
ISBN : 978-2-251-32458-6
FORMAT : 15cm x 21,5cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne et d’un DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et ancien professeur d’histoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne.
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On peut quasiment dire de Bernard Deforge, professeur émérite de langue et littérature grecque à l’Université de Caen, qu’il a consacré sa vie à Eschyle, le plus ancien des trois grands Tragiques grecs du Ve siècle av. J.-C. Certes, il s’est intéressé également à Hésiode (Le commencement est un dieu, Les Belles Lettres, 1990, rééd. 2004) ou aux tragédies de manière plus générale (Le Festival des cadavres, Les Belles Lettres, 1997, rééd. 2004), mais ses travaux l’ont sans cesse ramené à l’auteur de l’Orestie, auquel il a d’ailleurs consacré sa thèse (Eschyle poète cosmique, Les Belles Lettres, 1986, rééd. 2004), sans parler des premières traductions qu’il a publiées avec son maître et ami Louis Bardollet, dès 1975. Il nous offre aujourd’hui, chez le même éditeur et dans la même collection qu’il dirige («Vérité des mythes», un ouvrage dédié à son auteur fétiche.

La première partie («Eschyleia») reprend la plupart des articles qu’il a consacrés à l’auteur tragique, de 1983 à 2008, sans les présenter forcément de manière chronologique. «Fonctions du mythe chez Eschyle» reprend pour partie une conférence prononcée à Madrid en 1994, exposant de manière très générale les sujets et personnages mythiques traités par le Tragique dans ses œuvres perdues (pour ce qu’on en sait par les fragments et les citations indirectes) ou conservées, en essayant d’en dégager le sens. «Le destin de Glaucos ou l’immortalité par les plantes» s’intéresse à trois personnages différents portant le même nom, et dont le mythe a été traité par Eschyle. Bien que distincts, Glaucos le Marin, Glaucos de Potnies et Glaucos le Crétois présentent des ressemblances par leur lien avec l’accès à l’immortalité grâce à une herbe magique. Ce thème semble remonter à une source orientale, car on l’observe aussi dans l’Epopée de Gilgamesh.

Le texte suivant s’intéresse au traitement de la légende des Argonautes par Eschyle. Ensuite, l’auteur nous dit tout le mal qu’il pense de l’ouvrage de l’écrivain albanais Ismaïl Kadaré sur Eschyle ou l’éternel perdant (Fayard, 1988), avant de s’intéresser à la thématique de la terre divine et des pays réels ou mythiques chez Eschyle. Bernard Deforge se place ensuite dans les pas de son maître Jacqueline Duchemin, insistant sur l’importance des sources orientales dans l’étude de la mythologie grecque, prenant l’exemple du mythe des Sept contre Thèbes, qu’il rapproche d’un texte babylonien, le Poème d’Erra. Dans «La mort tragique ou tuer n’est pas jouer» et «Le cadavre en morceaux», il revient sur le thème étudié dans Le Festival des cadavres, à savoir celui de la mise à mort et du deuil dans la tragédie. «Le glaive d’Ajax» parle autant du traitement du mythe du héros suicidé par Sophocle que par Eschyle, tout comme l’article sur «Les enfants tragiques» qui traite en plus d’Euripide. «Eschyle l’Etnéen» aborde les liens étroits du poète tragique avec la Sicile, l’île où il finit ses jours.

Bernard Deforge effectue ensuite un travail comparatif entre les Choéphores d’Eschyle et les deux Electre de Sophocle et Euripide. Mais il n’y en a pas que pour les Atrides, «Œdipe l’Eschyléen» s’intéressant à l’autre grande famille tragique, celle des Labdacides. Les Perses, seule tragédie grecque non mythologique conservée, fait l’objet d’une étude sur la poétique du corps. «La main de Zeus» revient sur le mythe de la naissance d’Epaphos, et plus particulièrement sur le toucher qu’offre le dieu à la jeune femme. Le dernier texte, qui est aussi le plus récent (2008), traite du rôle crucial et méconnu d’Eschyle dans la transmission des pensées mythico-symboliques du monde méditerranéen.

La seconde partie forme une sorte d’ego-histoire, où l’auteur revient sur son parcours, tout en livrant ses réflexions sur le métier d’enseignant et de chercheur, l’évolution des Universités et la place des sciences de l’Antiquité et des langues anciennes en son sein. Il nous narre sa découverte émerveillée du grec à douze ans, puis ses études littéraires pendant lesquelles se développent sa passion pour Eschyle mais aussi celle pour l’écriture poétique. Après une hypokhâgne, il renonce à passer en khâgne et à préparer le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure, et opte pour l’Université de Nanterre. Il garde des liens avec un de ses professeurs du secondaire, Louis Bardollet, qui le coache pour le concours de l’Agrégation de lettres classiques, tout en traduisant avec lui Eschyle. A Nanterre il rencontre son second mentor, Jacqueline Duchemin, qui l’initie aux mythologies orientales et à leurs liens avec les mythes grecs. Il prépare sous sa direction une thèse qui est publiée sous le titre Eschyle poète cosmique (Les Belles Lettres, 1986). Il connaît une expérience dans l’enseignement secondaire, au lycée de Colombes, puis à la Cité Scolaire d’Amiens, et passe aussi par le Cabinet du Ministre de l’Education Nationale de 1972 à 1973, avant d’être recruté comme assistant à l’Université de Nanterre. Devenu maître-assistant puis maître de conférences, il gagne en 1986 l’Université de Caen et un poste de Professeur. Il occupe des responsabilités de Directeur d’UFR et d’équipe de recherche, mais finit par quitter la carrière universitaire, amer et déçu par son non-recrutement à la Sorbonne et plus généralement par l’évolution de la situation de l’enseignement supérieur en France – sans parler de la situation de l’étude des langues anciennes.

Bien qu’il «ne prône nullement l’enseignement de jadis» (p.289), on sent chez l’auteur une certaine nostalgie du système tel qu’il existait dans sa jeunesse, allant même jusqu’à dire qu’un «authentique enseignement universitaire était encore dispensé dans l’Université d’avant 1968» (p.291), sous-entendant que ce n’est bien sûr plus le cas ensuite… La critique pourra paraître excessive, mais sa réflexion sur l’indépendance des Universités (trouvant sa source chez Wilhelm von Humboldt), à la fois vis-à-vis de l’Etat mais aussi des financeurs privées, est intéressante, même si l’auteur passe complètement sous silence le récent mouvement de résistance de ses pairs à l’application de la loi «libertés et responsabilités des universités» (LRU). Le livre de Bernard Deforge, dans sa seconde partie, participe cependant pleinement de son temps, rejoignant le genre de l’essai où des universitaires dissertent sur l’Université, illustré récemment par Louis Vogel (L’Université, une chance pour la France, PUF, 2010), André Cabanis et Michel Louis Martin (L’Universitaire dans tous ses états, Klincksieck, 2010), ou encore Olivier Beaud, Alain Caillé, Pierre Encrenaz, Marcel Gauchet et François Vatin (Refonder l’Université, la Découverte, 2010).


Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 31/05/2011 )
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