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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Alain Malissard Les Romains et la mer Les Belles Lettres - Realia 2012 / 25 € - 163.75 ffr. / 348 pages ISBN : 978-2-251-33838-5 FORMAT : 14,0 cm × 22,5 cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE), est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne à Paris, où il est responsable du CADIST Antiquité. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Après la publication de louvrage de Jean-Nicolas Corvisier, Les Grecs et la mer, en 2008, la collection ''Realia'' des Belles Lettres nous offre aujourdhui son équivalent romain sous la plume dAlain Malissard, professeur émérite de latin et de civilisation romaine à lUniversité dOrléans. Lauteur connaît bien le sujet, ayant déjà publié dans la même collection, il y a près de vingt ans, un livre sur Les Romains et leau (1994, rééd. 2002), qui était cependant beaucoup plus centré sur les eaux douces.
La première partie de louvrage traite des aspects politiques et militaires du rapport à la mer des Romains. Un premier chapitre envisage la Méditerranée, la Mare nostrum, comme le cadre géographique où se déploie limpérialisme romain. Bien que les Romains naient guère le pied marin sous la République, ils sopposent à lhégémonie des Carthaginois pendant les guerres puniques. Plus tard, ils luttent contre les pirates, surtout Ciliciens, qui finissent par être défaits par Pompée. Le fils de ce dernier, Sextus, impose un temps son hégémonie sur les mers face au second triumvirat, convoquant la figure divine de Neptune sur ses monnaies. LEmpire augustéen sélève quant à lui sur la défaite navale dAntoine et de son amante Cléopâtre, dernière souveraine hellénistique indépendante, dans les eaux dActium, prélude à la prise dAlexandrie. Un deuxième chapitre sintéresse aux flottes militaires romaines, détaillant les divers types de navires de guerre, sans oublier létude des bases navales et de leur commandement. La flotte nest plus occasionnelle et éphémère comme sous la République, mais développe plusieurs types de missions, comme par exemple lacheminement des ordres et du courrier impérial, ou le déplacement des personnages importants et des empereurs.
La deuxième partie est beaucoup plus centrée sur la vie quotidienne. Un premier chapitre expose la législation du rivage (sur les permis de construire, les naufrages
) mais également les dangers de la vie en bord de mer comme les tsunamis ou les conséquences déruptions volcaniques comme celle du Vésuve en 79 ap. J.-C. Un deuxième chapitre est consacré aux techniques de construction navale, à la navigation et à la vie portuaire. Les activités commerciales maritimes font lobjet du chapitre suivant, qui donne également des détails sur les navires de commerce, les routes commerciales et le circuit de lannone ravitaillant Rome depuis la Sicile ou lEgypte. La pêche fait lobjet dun quatrième chapitre, qui expose les difficultés de la vente du poisson frais, les différentes techniques de pêche (y compris la plongée en quête déponges), mais donne aussi des éléments sur lexploitation du sel marin et les salaisons, sans oublier le célèbre garum, le condiment sans doute le plus apprécié des Romains.
Cela nous conduit tout naturellement à une troisième partie sur la mer et ses plaisirs, dont le premier chapitre traite de la gastronomie. Le poisson est bien évidemment au centre de lattention. Le souci davoir du poisson frais conduit au développement de viviers dans les villas des riches notables. Lucullus fut ainsi plus célèbre pour ses élevages piscicoles et ses qualités de gastronome que pour ses succès militaires. Les fruits de mer comme les huîtres (dItalie comme celles du lac Lucrin, mais aussi de Gaule ou du Pont-Euxin) nétaient pas non plus négligées des plus riches. Le deuxième chapitre de cette partie sintéresse aux produits de luxe issus de la mer, comme la pourpre issue du murex, déjà connue des Minoens et des Phéniciens, mais qui devient un insigne du pouvoir des empereurs, ou les perles dont le goût ne se répandit dans le monde antique quà partir de la période hellénistique, à la cour des Lagides dEgypte. Cléopâtre fut dailleurs célèbre pour avoir gagné sur Antoine son pari doffrir le repas le plus cher en faisant dissoudre une perle dans une décoction de vinaigre, quelle but à la santé de son amant. Le troisième chapitre traite dautres plaisirs maritimes, comme le goût pour les navires de luxe des souverains Hiéron II, Cléopâtre ou Caligula, ou des joies plus simples comme les promenades sur la plage, la nage ou les régates, sans parler de la thalassothérapie déjà ou lagrément des villas maritimes apprécié des élites, notamment dans la station campanienne de Baïes.
Les dieux, limaginaire et la littérature font lobjet de la dernière partie de louvrage. En ce qui concerne le monde divin, Neptune, assimilé au grec Poséidon et à létrusque Nethuns, se taille la part du lion dans lanalyse, même si son thiase de Tritons et de Néréides nest pas oublié. Limagination quittait cependant parfois le divin pour rejoindre le rationnel. La question des marées préoccupa ainsi beaucoup les savants romains, qui formulèrent des hypothèses plus ou moins fantaisistes sur leur origine. Locéan était quant à lui beaucoup moins connu que la Méditerranée, et lon sinterrogeait sur sa forme (la vision archaïque dun fleuve entourant une Terre plate laissant la place à dautres théories quand lidée dune terre ronde fut mieux accueillie), sur ses habitants (animaux monstrueux, tritons, néréides
), et sur lexistence dun autre rivage au-delà. La mer a aussi inspiré la littérature, notamment à travers la figure du pirate, les descriptions de tempêtes et les métaphores philosophiques du sage comme bon pilote, de la vie humaine comme un voyage maritime, sans oublier les images chrétiennes de la pêche et du poisson.
Le livre dAlain Malissard, qui comporte une dizaine de cartes et de figures (notamment de divers types de navires), fournit une bonne première approche de la question de lespace marin dans le monde romain antique, ouvrant des pistes prometteuses qui peuvent être complétées par la bibliographie de quatre pages donnée en fin douvrage. Deux index un pour les notions et les noms communs, lautre pour les noms propres de lieux, de personnes ou de figures mythiques permettent de retrouver facilement les différents thèmes abordés. Le mérite dAlain Malissard est de rappeler que lhégémonie maritime de Rome permet dassurer la cohésion de son immense empire quunit justement une mer commune. Et la fin de cet empire ne vint pas de la mer, mais plutôt denvahisseurs venus du fond des terres.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 21/05/2013 ) Imprimer
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