| Rome, les Césars et la Ville aux deux premiers siècles de notre ère 21 € - 137.55 ffr. / 415 pages ISBN : 2-86847-607-4
Sous la direction de Nicole Belayche Imprimer
La Rome impériale en tant quobjet historique jouit depuis une vingtaine dannées dune renouveau historiographique considérable. Les découvertes archéologiques et les réflexions nouvelles sur la nature du pouvoir impérial sont loccasion de recherches nombreuses, en France comme à létranger, liant la Ville à son Empereur.
Nicole Belayche, professeur dhistoire romaine à lUniversité de Rennes-II, propose dans cet ouvrage un état de cette recherche. Aidée de divers spécialistes de toutes nationalités, elle a rassemblé des travaux de grande qualité, précis et très riches, sur plusieurs aspects de la corrélation entre un pouvoir politique et une ville.
Le Prince se raconte en effet dans le marbre de sa Cité. Rome, ville-monde , est le siège dun pouvoir qui sy met en scène. Lurbanisme, lévergétisme, les choix esthétiques initiés par Auguste, poursuivis et transformés par ses successeurs, font de la Cité aux sept collines le spectacle dune puissance. Cest à Auguste que les premiers articles sont consacrés. Véritable initiateur dun pouvoir nouveau mais qui tait son vrai nom, le restaurateur de la République est en fait linstaurateur dun régime aux contours monarchiques. Andrew Wallace-Hadrill rend compte de ce glissement à travers lexemple des arcs de triomphe qui, dans leur sémantique même, traduisent ce passage. Diverses mesures augustéennes, administratives comme urbanistiques, se font lécho de ce changement.
John Scheid sintéresse aux rapports nouveaux entre culte public et culte impérial naissant, notamment à travers lexemple des compitalia, fêtes de quartier auxquelles le Prince ajoute son propre culte en prenant toujours garde de ne pas sembler trop porter atteinte aux cadres traditionnels quil prétend restaurer. Larticle de Paul Zanker, rappelant les travaux de Paul Veyne sur «le pain et le cirque», traite des rapports entre lEmpereur et le peuple de Rome. Évoquant les portiques, hauts lieux de la sociabilité romaine, les thermes et les lieux de spectacles, (théâtres, amphithéâtres, cirques et Colisée), lhistorien montre combien lempereur intervient dans lorganisation des loisirs et les divertissements de masse, toujours dans une optique de représentation du pouvoir mais aussi de sécurité publique par encadrement et divertissement dune population environnant le million dhabitant.
Selon une approche sinscrivant plus dans lhistoire sociale, Frédéric Hurlet, Aloys Winterling et Ségolène Demoungin se penchent sur la notion sujette à débat de cour impériale. Le statut des sénateurs, celui des affranchis impériaux, souvent très puissants, les questions de cérémonial autour des salutations matutinales et des banquets impériaux, sont autant daspects afférents à cette réalité dune cour à géographie variable et dont certains, à linstar de Veyne, ont prétendu quelle sétendait à Rome entière. Cette question de la cour pose le problème de lutilisation de concepts et didéaux types en histoire. La notion moderne de cour princière, à linstar de celle de Louis XIV, risque de brouiller la lisibilité dun phénomène antique qui, aussi proche soit-il dun processus de curialisation, sen distingue sensiblement. De même, le recours au droit et à la distinction entre public et privé nest pas opératoire dans la société romaine du Haut Empire. Enfin, citons la participation éclairante et très précise de François Chausson sur le deuil dynastique à Rome dAuguste aux Antonins.
Louvrage exige une lecture attentive. Certains articles, ardus, dérouteront sans doute les non-spécialistes. Lensemble mérite une attention pour les réflexions quil amorce et les données nouvelles quil apporte sur la Ville Eternelle.
Thomas Roman ( Mis en ligne le 19/06/2002 ) Imprimer | | |