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Histoire & Sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

Que dire de neuf sur les errances d'Ulysse ?
Jean Cuisenier   Le périple d'Ulysse
Fayard 2003 /  34 € - 222.7 ffr. / 450 pages
ISBN : 2-213-61594-2
FORMAT : 19x24 cm

L'auteur du compte rendu : Michel Debidour, ancien élève de l'ENS (Ulm), est agrégé de l'Université, ancien membre de l'Ecole Française d'Archéologie d'Athènes, et docteur es-lettres. Il est professeur à l'université Lyon III et directeur du Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Occident Romain. Il enseigne l'histoire ancienne et l'archéologie et travaille plus particulièrement sur l'économie du monde antique.
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Jean Cuisenier a été professeur de philosophie. Il a été aussi ethnologue, et a dirigé durant vingt ans le Musée national des arts et traditions populaires. Mais surtout c'est un passionné de navigation, qui, en quarante ans, a traversé quatorze fois la mer Tyrrhénienne. Comme beaucoup d'autres avant lui, Tim Séverin, Paul Faure et tout particulièrement Victor Bérard, il a été très tôt fasciné par le récit homérique et surtout par l'Odyssée. Il s'est attaché à mieux le comprendre, en utilisant au premier chef ses compétences nautiques. Parcourant bien des fois les routes maritimes de la Méditerranée à la recherche de ces itinéraires, il a même conduit deux expéditions, en 1999 et en 2000, en compagnie de deux hellénistes distingués (mais il n'y avait pas d'historien…).

L'auteur a suivi, et reprend dans son livre, les différentes étapes du périple d'Ulysse, il discute l'interprétation du texte (dont il cite de nombreux passages) et donne son opinion sur l'identification des différents lieux mentionnés, Ithaque, Aulis, Troie, les Cicones, les Lotophages, les Cyclopes, l'île d'Eole, le pays des Lestrygons, Circé, les Sirènes, la grotte de Calypso, l'île des Phéaciens à Schérie. A chaque fois, il cherche à faire parler les paysages.

On ne peut que se réjouir de voir que les grands textes continuent de passionner, même à notre époque, et de relire des passages d'Homère : l'auteur cite le texte tantôt dans la traduction de V. Bérard, tantôt dans celle de Ph. Jaccottet, tantôt encore il le retraduit lui-même pour obtenir plus de précision. Sa connaissance et sa pratique de la navigation lui font oser des remarques de praticien, souvent intéressantes, et à côté d'Homère, il connaît bien les autres auteurs antiques, même les plus méconnus comme Dictys. Il apporte des informations sur les tracés de vents ou de courants, reprises des instructions nautiques, et reproduit des cartes maritimes de beaucoup de sites ; attention cependant à des échelles qui ont été malencontreusement oubliées, aux p.158 et 193. Par ailleurs la compétence ethnographique de l'auteur apporte d'utiles remarques comparatives, mais il ne faut jamais oublier que comparaison n'est pas raison, surtout à plusieurs millénaires de distance.

Pourtant le lecteur ne laisse pas de ressentir un certain malaise devant ce volume. Peut-être l'ouvrage a-t-il été mûri au fil de toute une vie. Mais si J. Cuisenier est philosophe et ethnologue, il n'est pas historien. En tout cas, le résultat donne l'impression d'avoir voulu trop embrasser. Au fil des 29 chapitres, il aborde les problèmes et les lieux successifs, mais il a mêlé à ces analyses de larges citations de son propre journal de bord lors des deux expéditions, journal dans il évoque notamment des observations actuelles, voire des remarques à propos des touristes qu'il rencontre…

Enfin, c'est peut-être le principe même de la démarche de l'auteur qui peut susciter de la méfiance. Chacun connaît les efforts de Victor Bérard pour restituer le véritable périple d'Ulysse. Si, du point de vue maritime, J. Cuisenier apporte des compétences supplémentaires, parvient-il à de nouvelles certitudes ? On sait combien, sans remettre en cause la qualité rythmée de la fameuse traduction de l'Odyssée par V. Bérard (celle qui est toujours éditée par la collection des Universités de France), ses interprétations topographiques ont été, depuis son époque, remises en cause dans le principe même de leur précision illusoire. Or les mêmes reproches peuvent être adressés à la recherche de Jean Cuisenier : même s'il met souvent toute sa prudence à ne pas trancher, et à présenter parfois plusieurs hypothèses, nous nous trouvons en plein «fondamentalisme» homérique : est-il vraiment possible, aujourd'hui, de chercher dans ce texte littéraire admirable le récit précis d'un voyage qui pourrait être réel, et qu'il s'agirait de débusquer ? La méfiance s’accroît encore quand on voit citer plusieurs fois le livre de Demerliac et Meirat sur Hannon et l'empire punique (1983), un autre exemple de fondamentalisme nautique sur un récit célèbre.

Si ce volume est agrémenté de nombreuses cartes et gravures ou reproductions de vases ainsi que d'un cahier de 16 pages de photos en couleurs, certaines cartes sont vraiment trop petites pour être utiles : ainsi des trajets de retour en mer Egée des héros Nestor, Ménélas, Ajax et Ulysse (p.188). Le volume comporte aussi quelques notes explicatives, un glossaire (bien utile) des termes de marine grecs et de leurs équivalents français, une bibliographie, des index des personnages, des lieux et des thèmes.

Mais la table des illustrations est inutile, puisqu'elle donne la référence à la page en reproduisant la légende, au lieu de donner les références complémentaires identifiant l'objet. Ainsi pour les vases représentés, on nous donne le copyright de la photo quand cela est nécessaire, mais jamais le nom du musée, ni le n° d'inventaire, ni la publication ! Ainsi rien n'indique que le dessin reproduisant une des scènes du vase François d'Ergotimos et Clitias est conservé à Florence, ni que sa date est de plusieurs siècles postérieure à Homère. Par ailleurs il subsiste un certain nombre d'erreurs : dans le cahier de photos, la représentation du Silène à Thasos figure sur une porte de la ville et non sur un temple ; Fr. Salviat a écrit un article important sur les baux du dème d'Amos, et non d'Athos (p.424).
Au total, on ne peut que regretter que ce gros livre, œuvre d'un navigateur et d'un passionné d'Homère, n'ait pas été en même temps l'œuvre d'un historien.


Michel Debidour
( Mis en ligne le 26/11/2003 )
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