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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Lucien d' Azay Tibulle à Corfou Les Belles Lettres - Eux & nous 2003 / 18 € - 117.9 ffr. / 300 pages ISBN : 2-251-17006-5 FORMAT : 14x21 cm Imprimer
Biographie décalée dun auteur majeur, quoique énigmatique, du paysage littéraire latin, ce livre brille de ces mille spécificités qui pourraient en faire un modèle doriginalité, si une impression de porte-à-faux nempêchait parfois le lecteur dapprécier les éclats déroutants dune langue aux reflets chatoyants. À limage du bel auteur élégiaque dont il narre léphémère existence, L.dAzay manie en effet les fugitives impressions et les élans tendres comme un orfèvre délicat, et sous sa plume les mots semblent exhaler paisiblement la tiédeur des printemps italiens. Retrouvant livresse de littérature qui avait saisi le jeune Tibulle, il va même jusquà se laisser aller à cette fragile euphorie (un peu artificielle comme le sont toujours les exaltations adolescentes) que provoque la découverte du plaisir jailli au détour dune phrase, cette étincelle née de lentrelacement inattendu de syllabes qui se répondent en écho. Triste et mélancolique, avide de beauté et damour, le style même de lécriture reflète cette part poétique dun caractère tendre, entouré de douceur parce quil ne pouvait en être autrement face à tant de perfection.
Mais voilà, lauteur na pas souhaité se cantonner à cette image pieuse dun kouros romantique, aux boucles blondes couronnées dépis dorés, étendu songeur à lombre dun bouquet darbustes presque séchés par lardeur du soleil méditerranéen
A partir des recueils délégies que nous a laissés léternel amoureux, il retrace le parcours étrange dun jeune homme aux prises avec son temps quand il aimerait nimber son monde de lumière et de rêve. Cest la mentalité de Tibulle, son rapport particulier à la poésie et à la vie que L.dAzay veut imaginer.
Cela peut donner des résultats assez étranges, et pour tout dire plutôt déroutants. En confrontant la mesquinerie de la réalité à lidéalisme dun jeune homme un peu naïf, et un peu faible même sil est désespérant de beauté, lauteur veut dégager un type psychologique, démarche dont luniversalisme déteint sur son style au risque de choquer les partisans dune approche plus «classique». Présenter Délie sous les traits dune nymphomane insouciante, Némésis sous ceux dune courtisane vulgaire et vénale, était déjà un choix particulier, mais il est vrai, après tout, que cela correspondait plus ou moins à la vérité. On pourrait néanmoins objecter quil nétait pas nécessaire de situer la rupture de cette dernière et de Tibulle après qu «un play-boy lui avait tapoté les fesses avec son chéquier et lavait invitée à faire un tour dans son cabriolet rouge à caisse dosier». Pas plus quil nétait forcément justifié de traduire «et canis ipse tacet» par «et le clebs cesse incontinent de moufter» et darguer de la philosophie hippie de Tibulle pour justifier son dégoût du matérialisme dialectique . Cette manière de présenter les choses apparaîtra plus vivante à certains, mais son infidélité au mythe, celui dun poète marqué par le pressentiment de la brièveté, et de lintensité de son destin, en irritera plus dun.
Tibulle a beaucoup voyagé. Cependant cest à Corfou, véritable paradis terrestre, quil a vécu les pires mois de sa courte existence ; il y a frôlé la mort, et dans cette étreinte glacée, il a trouvé lexpression des contradictions qui le déchiraient, de ses songeries bucoliques à ses fonctions militaires, dans une réalité trop vraie pour être poétique. Cest donc là que L.dAzay a décidé de placer lépicentre de cette vie de passion, et ici lon ne peut par contre quapplaudir à ce choix.
Aurore Lesage ( Mis en ligne le 09/02/2004 ) Imprimer
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