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Histoire & Sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

Histoire d'un mythe
Edmond Lévy   Sparte - Histoire politique et sociale jusqu'à la conquête romaine
Seuil - Points histoire 2003 /  9 € - 58.95 ffr. / 364 pages
ISBN : 2-02-032453-9
FORMAT : 11x18 cm

L'auteur du compte rendu : Chargée de cours d'Histoire Ancienne à la Sorbonne, Julie Delamard débute une thèse sur l'archéologie et l'identité des colonies grecques d'Italie du Sud et de Sicile.
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Cet ouvrage a la densité et le caractère complet qui font la réputation, le plus souvent justifiée, des publications de la collection «Points Histoire» du Seuil. Ce volume était particulièrement attendu, dans la mesure où, comme le souligne la 4ème de couverture, Sparte a souffert de ne devenir que difficilement objet d’histoire ; le plus souvent étudiée pour telle particularité de son organisation sociale et politique, ou pour telle bizarrerie proverbiale que lui prête sa légende, elle avait rarement fait l’objet d’ouvrages de synthèse en français depuis la Sparte de P. Roussel – «la» référence, édité pour la 1ère fois en 1939. Les recherches sur la société, le régime politique et les questions que posent Lacédémone se poursuivent pourtant ; elles sont le fait d’historiens comme J. Ducat, N. Richer ou E. Levy lui-même en France, St. Link en Allemagne, ou encore P. Cartledge et St. Hodkinson en Angleterre. La Sparte. Histoire politique et sociale de E. Levy propose au lecteur, néophyte motivé ou amateur éclairé, une synthèse complète de ces recherches et des problèmes qu’elles soulèvent.

Dès son avant-propos, l’auteur replace son objet dans la perspective d’une réflexion plus large sur la définition de l’histoire, «vérité partielle et provisoire» (p.7) ; basant son ouvrage sur «l’exposé le plus clair possible des éléments de la démonstration», E. Levy n’accepte pas seulement la possibilité d’une remise en cause, mais encore il appelle à l’approfondissement critique de ses propos. En effet, il a dûment intégré les apports des recherches sur le «mirage» ou la «légende» spartiate (cf. F. Ollier, Le Mirage spartiate. Etude sur l’idéalisation de Sparte dans l’Antiquité grecque, de l’origine jusqu’aux cyniques, Paris, 1933 ; pour une bibliographie complète, cf. F. Ruzé, Eunomia. A la recherche de l’équité, Paris, 2003) ; son introduction insiste sur la nécessité de trier systématiquement les informations sans céder à l’adhésion totale aux sources, ni à la tentation du dénigrement systématique au titre de la «construction tardive» et céder ainsi au relativisme absolu.

L’auteur se base donc sur des textes soigneusement relus, afin de faire le point sur les grandes questions que pose le cas spartiate : il ne s’agit pas seulement d’illustrer sa réflexion, mais ce sont bien les sources, leurs contradictions et leurs convergences, qui guident ses arguments et les phases du débat. Les problématiques principales y sont traitées, qu’il s’agisse du système éducatif, des règles égalitaires censées régir la citoyenneté, ou encore de la place des non-citoyens – femmes, Périèques, Hilotes et autres Inférieurs - dans cette cité où, selon Critias, les hommes libres étaient plus libres, et les esclaves plus esclaves qu’ailleurs.

Le plan adopté est à la fois thématique et chronologique : après une présentation des origines, l’auteur expose les composantes du système social, puis l’organisation politique, avant de traiter les grands épisodes historiques et leurs débats spécifiques.
Commençant par les origines – sujettes à discussion - de Lacédémone, l’auteur se confronte d’emblée aux mythes spartiates et tente d’intégrer les traditions véhiculées par les Anciens eux-mêmes, les reconstructions tardives et les données disponibles pour l’historien.

Les deux parties consacrées au «portrait» social et politique de la cité rassemblent le plus de données possible pour l’ensemble des périodes prises en compte (de l’archaïsme à la victoire de Rome en 146). Embrassant une période si longue, l’auteur entend ainsi refléter la stabilité des institutions lacédémoniennes, tant vantée par les Anciens. Ce faisant, il courait aussi le risque de gommer les évolutions et les mutations propres à la Sparte des époques classique et hellénistique ; mais il parvient à intégrer l’explication des tensions auxquelles le régime et la société furent soumis à partir du IVe s. av. J.-C., au moment du déclin du proverbial «modèle spartiate» de citoyenneté.

L’histoire de Sparte à proprement parler est divisée en deux phases principales, celle des succès spartiates jusqu’à la bataille de Mantinée en 362 av. J. C., et celle des «décadences et des révolutions», de 362 à 146 av. J. C. Chacune de ces périodes est lue au prisme d’une problématique spécifique ; les relations de Sparte avec l’extérieur tout d’abord : de la fermeture radicale – à l’époque archaïque - à l’ouverture, victorieuse et dangereuse, de la fin du Ve s. av. J. C. ; d’autre part, la dégénérescence et les tentatives pour mettre en place une impossible réforme institutionnelle, particulièrement au IIIe s. av. J. C. avec l’action des rois Agis IV et Cléomène III.

E. Levy explore donc les multiples contradictions d’une cité qui fut moderne pendant la période archaïque et inclassable dès l’époque classique. Dans cette société à la fois communautariste et basée sur l’émulation perpétuelle, l’égalité tant vantée des Homoioi (Les «Semblables», les «Egaux», c’est-à-dire les citoyens de plein droit) reposait sur l’oppression et l’exploitation d’une foule grandissante d’Inférieurs aux statuts variés. Au cours de la période prise en compte par cet ouvrage, Lacédémone fut à la fois le symbole de la fermeture la plus grande, et de l’impérialisme le plus menaçant face à celui d’Athènes. Coalition de cités, mais unité politique à l’échelle régionale, elle fit éclater la notion de cité-Etat. Cultivant le secret et un mutisme désormais proverbial, elle a laissé aux autres le soin de la décrire et de diffuser sa légende avec sa renommée.

Finalement, c’est l’exaltation de son particularisme qui constitua sa plus grande faiblesse ; E. Levy souligne ainsi en conclusion de son ouvrage qu’à trop faire de son archaïsme un signe d’excellence, Sparte fut la seule cité grecque où les révolutions se sont présentées comme un retour au passé, jusqu’à être la première victime de sa propre légende. Elle est ainsi l’un des rares objets d’histoire dont le mythe est la clef.


Julie Delamard
( Mis en ligne le 04/02/2005 )
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