| Jean-Marie Lassère Manuel d'épigraphie romaine - 2 volumes Editions Picard 2005 / 70 € - 458.5 ffr. / 1167 pages ISBN : 2-7084-0732-5 FORMAT : 17,0cm x 24,0cm
Lauteur du compte rendu : Agnès Bérenger-Badel, maître de conférences d'histoire romaine à l'Université de Paris Sorbonne (Paris IV), est une spécialiste de lhistoire politique et administrative de la Rome impériale. Elle a rédigé plusieurs ouvrages liés au programme de l'agrégation et du CAPES, dont Rome, ville et capitale, de César à la fin des Antonins (Paris, Hachette, 2002). Imprimer
Lépigraphie, étude des inscriptions sur support durable, est une discipline couramment enseignée dans le cursus universitaire dès la licence, mais pour laquelle un manuel dampleur manquait cruellement.
En effet, la quatrième et dernière édition de louvrage de référence en langue française, le Cours dépigraphie latine de René Cagnat, date de 1914. Certes, des ouvrages dinitiation ont vu le jour ces dernières années, mais labsence dune véritable synthèse dampleur, prenant en compte les avancées de la recherche depuis près dun siècle, ne pouvait quêtre déplorée. Ce manque est désormais comblé et la somme impressionnante rédigée par Jean-Marie Lassère, éminent spécialiste de cette discipline, va remplacer «le Cagnat» dans toutes les bibliothèques. Le titre qui fait état dépigraphie romaine et non latine permet de saisir dès labord lambition de louvrage, qui entend ne pas se limiter aux inscriptions en langue latine, mais aussi prendre en compte la mine dinformations que fournissent les inscriptions rédigées en grec, que lon trouve dans la partie orientale du monde romain, mais aussi dans les provinces occidentales et à Rome même.
Toutes les démonstrations sappuient sur des exemples concrets et chaque inscription ainsi sélectionnée (elles sont au total 509 !) est transcrite, traduite et commentée. Un système de renvois internes permet de se reporter commodément à dautres inscriptions qui figurent ailleurs dans louvrage et qui peuvent également servir à illustrer telle ou telle argumentation. Une très substantielle introduction de 70 pages est consacrée à la présentation de la discipline, à lhistoire de sa constitution et à lexposé, très clair et minutieux, de la méthode suivie par les épigraphistes pour étudier une inscription. On remarquera la présentation particulièrement précise et abondamment illustrée des divers types décriture.
Le livre se divise ensuite en trois parties, consacrées successivement à lindividu, à la cité et à lÉtat. Dans la première, lauteur sintéresse dabord à lonomastique et en étudie les spécificités pour les citoyens, les pérégrins, les affranchis et les esclaves, puis se penche sur les inscriptions qui peuvent comporter des éléments biographiques, tout en remarquant que ces derniers sont au total assez rares. En revanche, les épitaphes, extrêmement nombreuses, comportent des formules banales, mais peuvent aussi présenter des particularités provinciales dignes dintérêt. Au total, létude des inscriptions révèle un respect de la diversité et une persistance des originalités au sein de lempire.
La deuxième partie sintéresse à la cité, unité de base de la vie dans lempire. Après avoir examiné les diverses catégories de cités (colonies, municipes, cités pérégrines), louvrage se penche sur les institutions municipales et le fonctionnement de la vie municipale. Il sort ensuite de ces aspects institutionnels pour sattacher à la vie matérielle et détailler les apports de lépigraphie pour notre connaissance des activités rurales (par exemple lirrigation), pastorales, artisanales et commerciales, mais aussi des productions elles-mêmes et des actes privés comme les ventes et les contrats. On ne saurait parler de cité sans évoquer la vie sociale et religieuse, qui est ici abordée par le biais des collèges, associations regroupant des artisans et commerçants, qui jouaient un rôle très important dans les cités de lempire. Une large place est bien sûr faite au phénomène de lévergétisme, dons spontanés faits par les notables à leur cité.
Enfin, la dernière partie est consacrée à lÉtat. Lempereur est ici à lhonneur : son onomastique et ses titres font lobjet de développements très précis. Les carrières suivies par les sénateurs et chevaliers sont présentées avec un grand souci du détail et de nombreux exemples de cursus individuels viennent appuyer la démonstration. Le métier des armes est présenté non seulement sous langle de la hiérarchie et des divers types dunités, mais aussi dans ses aspects les plus concrets, au travers des archives des camps. Enfin lauteur sintéresse aux textes officiels émanant de lÉtat, comme les sénatus-consultes, les documents émanant de la chancellerie impériale, ou encore les calendriers.
Mais cette recension serait incomplète si lon ne soulignait limportance et lintérêt de ce qui est modestement présenté comme des Appendices, et où lon trouvera, entre autres, les Fastes consulaires, liste des consuls année par année de 509 av. J.-C. à 541 ap. J.-C., et les titulatures des empereurs de César à Justinien, ainsi quune liste fondamentale des principales abréviations utilisées dans les inscriptions, qui sétend sur une quarantaine de pages. Enfin, de précieux indices viennent compléter cet ouvrage, qui simpose dores et déjà comme une somme incontournable et pour lequel la communauté scientifique ne peut que remercier chaleureusement Jean-Marie Lassère.
Agnès Bérenger-Badel ( Mis en ligne le 09/12/2005 ) Imprimer | | |