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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Arnaud Zucker Les Classes zoologiques en Grèce ancienne Publications de l'Université de Provence - Textes & Documents 2005 / 28 € - 183.4 ffr. / 317 pages ISBN : 2-85399-603-4 FORMAT : 15 x 20.5 cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement élève conservateur à lEcole Nationale Supérieure des Sciences de lInformation et des Bibliothèques. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Arnaud Zucker, maître de conférences de langue et littérature grecques à lUniversité de Nice-Sophia Antipolis, est spécialiste de zoologie grecque et de la transmission des sciences dans lAntiquité. Il a soutenu en 1994 sa thèse de doctorat à la Ve section de lEcole Pratique des Hautes Etudes sur les Classifications zoologiques et modes de classement des animaux en Grèce dHomère à Elien, sous la direction de Marcel Detienne. Il publie aujourdhui une version remaniée de son travail dans la collection «Textes et documents de la Méditerranée antique et médiévale» des Publications de lUniversité de Provence.
Son livre est le résultat dune enquête systématique portant sur les différences zoologiques relevées dans la représentation grecque des animaux à partir des témoignages littéraires. Il étudie, sous la forme dun dictionnaire critique et encyclopédique, toutes les classes danimaux que les Grecs anciens ont formées pour mieux appréhender le monde animal, depuis la période archaïque jusquà lépoque impériale (il sarrête au IIIe siècle, avec luvre dElien, auteur de La Personnalité des animaux, éditée par Arnaud Zucker lui-même en 2002 aux Belles Lettres, collection "La Roue à Livres").
Lanimal nest pas en Grèce ancienne lobjet dun savoir unifié ; il existe en effet différents discours et savoirs de lanimal, différentes «zoo-logies». Lanimal est tour à tour appréhendé comme aliment, comme organisme, comme proie vivante, comme auxiliaire ou encore comme victime sacrificielle
La présence des animaux dans lenvironnement de lhomme et leur exploitation technique et symbolique imposent à ce dernier de recourir à des formes multiples de catégorisation. Rares sont les textes grecs dans lesquels létude et la connaissance de lanimal sont lenjeu ou le sujet principal, mais cest le cas de certains ouvrages techniques. On peut évoquer tout dabord certaines uvres de la littérature médicale ou paramédicale, qui comprend notamment la diététique (Hippocrate, Dioclès, Mnésithée, Galien, Oribase) et la gastronomie (Dorion, Athénée). La biologie aristotélicienne (Histoire des animaux, Génération des animaux, Parties des animaux) constitue un cas unique dans la mesure où elle intègre les perspectives des littératures techniques (élevage, pêche, médecine vétérinaire
) mais développe sur lanimal un discours à visée totalisante qui invente lanatomie, et privilégie les approches physiologiques et écologiques, sans renoncer pour autant à léthologie. On peut citer aussi les traités de chasse (Oppien dApamée) et de pêche (Oppien de Cilicie), les traités dagriculture ou de vétérinariat (Geoponica, Hippiatrica). Elien reste lauteur de la somme zoologique la plus volumineuse après celle dAristote, mais il ne fait pratiquement aucun usage de classèmes zoologiques
Le premier classement que lon rencontre dans les textes est constitué par la tripartition du monde animal en oiseaux (oiônoi) , fauves (thêres) et poissons (ichthus), qui apparaît au vers 277 de la Théogonie dHésiode. Ce cadre général garde toute sa pertinence à lépoque classique et hellénistique. Mais il ne constitue pas un cadre normatif ni une référence unique. Aristote, au début de son Histoire des animaux, détaille les principales pistes qui permettent de distinguer les animaux et les range sous quatre intitulés conditions de vie, fonctions vitales, parties anatomiques et comportements qui correspondent globalement à ce que nous appellerions écologie, physiologie, anatomie et éthologie. Dautres critères sont le lieu de vie ou milieu, la température, le degré dhumidité, la taille, le mode de reproduction, la distinction entre animaux sauvages et domestiques, le rapport de prédation (prédateurs, proies)
Certains assemblages de la littérature grecque peuvent parfois apparaître surprenants. Ils peuvent ainsi évoquer les ensembles qui figurent dans le classement zoologique chinois réinventé par Borgès, et repris par Foucault, et qui comprend «les animaux qui de loin ressemblent à une mouche», «les animaux innombrables» ou encore «ceux qui sagitent comme des fous» ! On remarque toutefois une absence notable et pour le moins étrange : celle de classèmes et de catégories fondés directement sur un critère religieux (notamment pour ce qui concerne le sacrifice).
Ce livre veut offrir un glossaire encyclopédique aussi complet que possible des termes supragénériques utilisés dans la littérature grecque. Il se donne comme objectif de rassembler et présenter toutes les classes danimaux que les Grecs ont formées pour conjurer léparpillement du monde animal, sans les sélectionner selon un critère de scientificité. Les notices présentées tâchent détablir pour chaque terme le nombre de ses occurrences, son sens ou ses différentes valeurs, son extension et les sujets auxquels il est appliqué, les types de discours dans lesquels il est présent, ses connotations, et enfin, le cas échéant, les classèmes avec lesquels il est combiné ou les subdivisions internes dont il est lobjet. Plutôt que de suivre lordre alphabétique, lauteur a fait le choix de suivre approximativement un ordre dimportance décroissante des critères.
Il examine dabord dans une première partie le vocabulaire commun des grandes catégories naturelles, ou des formes de vie, ainsi que les termes qui désignent le bétail et ceux qui évoquent de façon plus ou moins vague les «bêtes» et «bestioles». Il sintéresse ensuite aux classes déterminées par le degré de sauvagerie, des fauves aux animaux domestiques (2e partie), puis à celles qui mettent laccent sur les distinctions spatiales et motrices des animaux : entre terre, air, eaux douces, eaux salées, montagnes, plaines ou marais (3e partie). Puis il en vient aux termes qui expriment les différences physiologiques qui sont en rapport avec les organes internes des animaux, touchant à la reproduction (avec notamment la croyance, vivace jusquà Pasteur, dans la génération spontanée de certaines espèces
), la nature sanguine et le régime alimentaire (4e partie). La cinquième partie est consacrée aux classes qui rendent compte de différences anatomiques : déterminations liées à la nature du tégument, à la forme du pied, aux dents, ou à laile
Enfin, la dernière partie évoque des noms de classes plus discrètes et circonstancielles, qui mettent surtout en valeur des particularités comportementales de certains groupes danimaux.
Un appendice fort utile présente les définitions des lexèmes (entrées des lexiques) grecs étudiés dans les dictionnaires anciens ou byzantins. La bibliographie et un index des termes classificatoires grecs achèvent den faire un ouvrage fort pratique pour lhelléniste, malgré laridité et la complexité du propos qui pourront arrêter les non-spécialistes. Il sagit en effet dun ouvrage universitaire savant et très bien documenté, et lauteur maîtrise parfaitement son sujet.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 30/03/2006 ) Imprimer | | |
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