| Adalbert de Vogüé Histoire littéraire du mouvement monastique dans l'Antiquité - Tome 10, Le monachisme latin, Grégoire de Tours et Fortunat, Grégoire le Grand et Colomban (autour de 600) Cerf - Patrimoines Christianisme 2006 / 45 € - 294.75 ffr. / 370 pages ISBN : 2-204-07987-1 FORMAT : 14,5cm x 23,5cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
La longue et savante enquête que poursuit le P. de Vogüé à la découverte des moines dOccident, telle quon peut la déduire à travers les textes littéraires, le conduit avec ce tome X à interroger Grégoire de Tours, Fortunat, Grégoire le Grand et Colomban, personnages au rôle historique bien connu et prenant tous place à la fin du VIe et au début du VIIe siècles.
À dire vrai, le seul dentre eux qui ait rédigé une plusieurs même règle, au sens monastique du terme, et qui en ait inspiré dautres, cest Colomban, le moine irlandais aux multiples fondations continentales. Les autres ont laissé des récits de vies de saints, accompagnées de miracles, à travers lesquelles revivent moines et moniales, et se dessine leur façon de vivre. Le pape Grégoire le Grand, pour sa part, constitue une source pour la connaissance du monde monastique à travers ses Homélies sur les évangiles, sa très riche et abondante correspondance, et aussi bien sûr ses Dialogues, dont le Livre II tout entier est consacré à raconter saint Benoît. En effet, sa Regula pastoralis navait pas lieu dêtre mentionnée ici, puisque cest au clergé séculier quelle sadresse.
Quil sagisse, pour ne citer que quelques-uns des textes utilisés dans ce volume, de célébrer comme le fait lévêque de Tours, les martyrs, les confesseurs dont un quart seulement des personnages choisis sont moines et moniales, ou les Pères du désert, de raconter saint Martin ‑ Grégoire se montre admiratif des reclus, mais ne fut jamais moine lui-même ; quon envisage les deux vies de sainte Radegonde, faible reine devenue forte par sa foi, fondatrice qui se souvient des règles du Maître, de Benoît et de Césaire dArles ; quon écoute le poète Venance Fortunat chanter la sainteté de cette même Radegonde et celle dévêques-moines, partagés (comme le fut Grégoire le Grand) entre deux façons de vivre leur vocation ; quon suive le grand pape dans des récits qui conduisent dans le monde italien (lanalyse de ses uvres occupe une petite moitié du volume), la méthode suivie par le P. de Vogüé est toujours la même. Quil rapporte les faits et gestes de la vie ordinaire des moines mis en scène, quil suive les auteurs des textes dans leur émerveillement devant le fait miraculeux, il déduit habilement ce que ceux-ci nous apprennent sur la façon de vivre des héros des récits. Le lecteur les voit chanter loffice, découvre les rythmes de la prière collective ou personnelle, les suit au travail, au sommeil, à table, et grâce à la savante connaissance de lhistoire des moines acquise par le P. de Vogüé, rapproche avec lui ces modes de vie des règles monastiques plus connues. En Gaule, en ce tournant du VIIe siècle, se rencontrent deux types de monachisme : lun venu doutre-mer, lautre doutre-monts.
Quant aux textes relevant de Colomban lui-même ou de son milieu, il sagit bien de textes normatifs, parfois plus proches dans leur rédaction dun pénitentiel que dune regula, marqués sans doute des traditions de pénitence telles quelles sexpriment dans la littérature insulaire, mais connaissant aussi Cassien, Benoît, Jérôme, Basile, Patrick, Gildas et tant dautres. Tout manquement doit être suivi dune réparation. Et cest bien aussi ce quexprime la règle de Walbert destinée aux moniales de Faremoutiers, rédigée dans lesprit colombanien. Sy ajoutent des instructions et des lettres adressées par Colomban à certains de ses fils spirituels, qui complètent les règles proprement dites.
On appréciera, dans ce volume comme dans les précédents, le souci de son auteur de mettre à la portée du lecteur cultivé mais non spécialiste les résultats de son immense érudition. Le développement, toujours appuyé sur des citations textuelles dûment référencées mais traduites en français moderne, est facile à suivre. La bibliographie se développe au fur et à mesure des notes infra-paginales. Sans doute ne faut-il pas sattendre au moindre esprit critique dans le rappel des multiples miracles et exploits spirituels accomplis par les personnages mis en scène : ils font lobjet dun récit, analysé, mais sur lequel la critique historique ne sexerce pas. Bien sûr, le public érudit trouvera in fine toutes les tables et indices utiles.
Il ne reste plus quà attendre la suite de la publication de cette originale série.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 12/06/2006 ) Imprimer
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