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| Henri Pigaillem Le docteur Guillotin, bienfaiteur de l'humanité Pygmalion 2004 / 22.50 € - 147.38 ffr. ISBN : 2-85704-943-9 FORMAT : 16 x 24 cm Imprimer
Amical : La Petite Louison ; technique : Le Rasoir national ; imagé : Le Moulin à silence ; chauvin : Le Raccourcissement patriotique, ou, plus glacial, La Veuve
Tels furent les divers surnoms qui fleurirent pour qualifier la machine à décapiter dont lusage fut introduit en France à partir de 1792. Mais cest sous lappellation de «guillotine», dérivée du nom de son plus ardent défenseur, que le funeste instrument passera à la postérité.
Dans une biographie courte mais sérieuse, Henri Pigaillem nous propose den savoir plus et de lever quelques préjugés tenaces sur celui qui se cache derrière les terribles «bois de justice». Le Docteur Guillotin traîne en effet de lourdes casseroles dans la mémoire collective française ; ce livre a le mérite de redonner un peu dépaisseur à ce fantôme et de recontextualiser sa machine sanglante dans un parcours fervemment «humaniste», au sens en tout cas où bien des scientifiques et des Jacobins lentendaient à une certaine époque
Précisons-le demblée : Guillotin na ni inventé ni même conçu les premiers plans de la guillotine. Lidée dune machine à couper les têtes remonte au Moyen Âge (on en retrouve une trace dans des textes irlandais du début du XIVe siècle) et se perfectionnera à la Renaissance, sans pour autant jamais supplanter la bonne vieille hache
Mais cest le 10 octobre 1789, dans le cadre des débats sur la réforme du code pénal devant la Constituante, que Guillotin propose pour la première fois en France de décapiter tout condamné à mort «par leffet dun simple mécanisme». Cette idée, dabord accueillie avec froideur, Guillotin va la défendre avec conviction, dans le seul souci de voir succéder aux exécutions barbares (à lépée, par pendaison ou sur la roue
) un système de mise à mort égalitaire, et dont il est également persuadé quil est moins douloureux. Dhabitude timide, le bon médecin semballe tel un bateleur quand il sagit dexpliquer le bien-fondé de sa démarche. Ainsi, il lance en 1790, toujours devant lAssemblée : «Messieurs, avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin dil, et vous ne souffrez pas. La mécanique tombe comme la foudre, la tête vole, le sang jaillit, lhomme nest plus.» Le projet ne sera finalement adopté quun an plus tard, en mars 1792. Cest à Tobias Schmidt, facteur de clavecins à Strasbourg, et à Charles-Henri Sanson, bourreau également mélomane à ses heures, quincombera la tâche de mettre au point le mécanisme fatal.
Pigaillem relate alors une foule danecdotes sur le développement et le «succès» de la machine durant la Révolution : les tests defficacité (dabord sur des moutons, puis des mannequins et enfin des cadavres), les premières exécutions publiques, la mode des boucles doreille en forme de couperet, la mort déshonorante de Charlotte Corday
jusquà la fin de la Terreur, où ce sera au tour de Robespierre de se faire happer par le monstre froid quil avait si bien alimenté.
Guillotin souffrira beaucoup des abus liés à lutilisation forcenée de sa trouvaille, à laquelle il laissera à contrecoeur son nom pour une ingrate postérité
Cest du moins ce que veut laisser entendre Henri Pigaillem, qui prend assez souvent le ton de la réhabilitation, parfois même du panégyrique naïf, et rappelle au tournant que Victor Hugo lui-même voyait en Monsieur Guillotin un parfait philanthrope. Le débat pour savoir si Einstein était responsable dHiroshima semble se poser ici avec deux siècles davance, et lambition du livre nest pas dy apporter une réponse. Il permet plutôt au lecteur, et ce de façon assez inattendue, dembrasser du regard la longue carrière dun médecin brillant dont on a oublié limportance considérable dans le monde scientifique de son temps et qui est à lorigine de bien dautres trouvailles
Car sil est bien une invention que lon doit à Guillotin, elle est plutôt dordre politique : il sagit de la première pétition. Au moment de la constitution des États Généraux, Guillotin eut lidée de passer par ce moyen de pression sur papier pour obtenir que la représentativité du Tiers Etat soit proportionnellement égale à celles de la Noblesse et du Clergé additionnée
Cette victoire infléchit considérablement le cours des événements qui allaient suivre et mener à la Révolution. On apprend encore bien dautres choses sur le personnage : ses rapports avec la franc-maçonnerie, sa participation dans la polémique du mesmérisme ou sa contribution au progrès de la vaccine anti-rabique
Sans Guillotin donc, pas de Deibler, pas de rôle pour Delon dans Le Juge et lAssassin ni même de signatures pour Greenpeace
Sil navait existé, la face de lhistoire aurait moins souvent mordu à la sciure du panier, mais elle aurait été changée
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 26/10/2004 ) Imprimer
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