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Histoire & Sciences sociales  ->  Moyen-Age  
 

Une réédition commode
Bernard Guenée   Histoire et culture historique dans l'occident médiéval
 26.40 € - 172.92 ffr. / 475 pages
ISBN : 978-2-7007-0416-7
FORMAT : 13,4 cm × 22,0 cm

L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé d’histoire et docteur en histoire médiévale. Sa thèse a porté sur «Église, richesse et pauvreté dans l’Occident médiéval. L’exégèse des Évangiles aux XIIe-XIIIe siècles».
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Les éditions Flammarion ont récemment réédité plusieurs ouvrages de la collection Aubier. C’est le cas de celui de Bernard Guenée, écrit en 1980 : Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval. Malgré l’ancienneté de l’ouvrage et l’importance des travaux conduits sur ces sujets depuis trente ans, cette réédition est très bien venue car cette synthèse, sans être remplacée ni même dépassée, était devenue introuvable hors des bibliothèques.

Écrit par un éminent spécialiste du politique et des historiens du Moyen Âge pour qui avait même été créée une chaire d’étude de l’historiographie médiévale à l’EPHE, ce livre est une synthèse et un essai sur la culture historique au Moyen Âge. Il est mû par la volonté de rendre justice aux historiens médiévaux : beaucoup d’entre eux «ne furent rien de moins que nos lointains “camarades”, nos dignes collègues, dont ce livre aurait voulu simplement marquer, avec toute la sympathie due à des collègues, surtout si lointains, les servitudes et les grandeurs» (p.367). Servitudes et grandeurs : le deuxième terme n’efface pas le premier et B. Guenée ne perd pas au cours de son exposé le sens des nuances et montre aussi les limites auxquelles ces historiens sont confrontés.

L’ouvrage est organisé autour de trois axes. Le premier décrit le contexte d’élaboration des œuvres historiques (chap. 1 et 2) ; le second étudie le travail de l’historien (chap. 3 à 5) tandis que le dernier porte sur la réception du travail historique (chap. 6 à 8). Les deux premiers chapitres dessinent les cadres dans lesquels s’écrit l’histoire au Moyen Âge. Le premier aspect, majeur, est qu’elle ne constitue pas, sauf peut-être à la fin du Moyen Âge, une discipline autonome. Elle porte dans sa définition des objectifs limités – écrire les événements en les replaçant dans leur temps et dans leur lieu – car elle est avant tout une discipline auxiliaire au service de la morale, du droit ou de l’exégèse et de la théologie. De même l’historien n’est pas, ou tardivement, reconnu comme tel. Les mots qui servent à le désigner existent – il est un historiographus ou un chronographus – mais ils sont peu employés, car l’historien est d’abord clerc, moine, juriste ou autre. De ce point de vue, une évolution se dessine : durant le haut Moyen Âge, l’histoire s’écrit principalement dans les milieux épiscopaux, puis ce sont les moines qui prennent le relai à partir de l’an mille et leur production demeure majeure jusqu’au XIIIe siècle. Le développement des cours à partir du début du XIIe siècle a suscité une production historique issue quant à elle du milieu des troubadours ou autres “gens de lettres”. À partir du XIIIe siècle, le développement des administrations publiques suscite en leur sein de nombreuses vocations historiques, avant que celles-ci ne s’expriment, aux XIVe-XVe siècles, dans des milieux plus indépendants d’érudits ou d’antiquaires.

La deuxième partie, consacrée au travail de l’historien, est divisée en trois chapitres. Le premier porte sur les sources. Celles-ci sont diversifiées : les historiens utilisent bien sûr surtout des livres, mais ils recourent aussi aux témoignages oraux (car ce sont les mêmes personnes qui étudient l’histoire “immédiate” et celle du passé), aux inscriptions et aux monuments et naturellement aux chartes que conservent les archives. Ils sont cependant soumis à de multiples contraintes : ce n’est qu’à partir du XIIIe siècle qu’apparaissent des dépôts d’archives organisés et ouverts à des personnes extérieures à l’institution ; et les bibliothèques demeurent rares, peu accessibles et peu ordonnées. La collecte des sources demeure donc à elle seule une épreuve difficile à surmonter.

Leur traitement fait l’objet du chapitre suivant. Dans l’avertissement qui ouvre son livre, B. Guenée prévient qu’il a voulu seulement «poser quelques questions et donner quelques incertitudes» (p.8). Cette formule vaut particulièrement pour ce chapitre (qui est un des plus intéressants) où l’auteur semble partagé entre la volonté de montrer l’existence d’un esprit critique chez les historiens médiévaux et le souci de demeurer objectif devant les limites de leur travail. Il en ressort tout de même deux aspects fondamentaux : les historiens médiévaux ont une «obsession de la date» (p.147) qui les a conduits à produire des calendriers et à mieux situer les événements de l’histoire postérieure à l’incarnation. Par ailleurs, ils ont une critique des sources qui se fonde principalement sur l’autorité de celui qui l’a produite : «Les historiens du Moyen Âge ne critiquaient pas des témoignages, ils pesaient des témoins» (p.134). L’important est donc de savoir si la source est “authentique”, c'est-à-dire approuvée. Des évolutions sont toutefois perceptibles : l’espace géographique est mieux connu, les nombres sont perçus de façon moins symbolique et une critique du témoignage lui-même se fait jour.

Le chapitre suivant, consacré à l’écriture de l’œuvre historique, présente d’abord les différents genres : la chronique ou l’histoire, la compilation ou l’écriture plus personnelle – même si ces distinctions s’effacent souvent. Il décrit ensuite les évolutions de la langue, depuis l’affirmation d’une nécessaire simplicité jusqu’à des productions stylistiques très élaborées, en passant par les textes écrits ou traduits en langues vulgaires. La dernière section, en étudiant la réception de l’histoire, porte plus spécifiquement sur la culture historique. Elle est aussi composée de trois chapitres. Le chapitre 6 est une réflexion méthodologique sur la mesure et les raisons du succès de certaines œuvres (qui tient à l’intérêt de leur contenu et à leur brièveté). Le chapitre 7 est un essai particulièrement utile pour présenter la culture historique moyenne qui, jusqu’au XIe siècle, est composée de la connaissance d’une dizaine d’œuvres, dont seulement deux de l’antiquité païenne (Lucain et Salluste). Par la suite, cette liste s’enrichit d’une autre dizaine d’œuvres, soit d’écriture nouvelle, soit redécouvertes. C’est sur ce fond commun que se diffusent des cultures historiques locales plus spécifiques. Le dernier chapitre ouvre des pistes de réflexion plus générales sur les rapports entre l’histoire et la politique, et sur l’importance de l’histoire dans les constructions politiques.

Cet ouvrage est donc construit selon une logique thématique, mais une riche conclusion propose un bel exposé chronologique mettant en valeur deux périodes : «l’extraordinaire épanouissement» de la première moitié du XIIe siècle et les XIVe-XVe siècles où «la recherche et la culture historique firent ensemble de décisifs progrès» (p.364).


Emmanuel Bain
( Mis en ligne le 24/04/2012 )
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