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Un très bon manuel malgré lui ?
Xavier Barral i Altet   Contre l'art roman ? - Essai sur un passé réinventé
Fayard 2006 /  27 € - 176.85 ffr. / 415 pages
ISBN : 2-213-60887-3
FORMAT : 16,0cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé d’histoire ; il est actuellement allocataire-moniteur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, où il prépare une thèse en histoire médiévale sur «les fondements bibliques du discours ecclésiastique sur riches et pauvres aux XII-XIIIe siècles».
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Le titre de cet ouvrage est à tous égards surprenant. Contre l’art roman ? Du spécialiste probablement le plus reconnu sur ce qu’il est convenu d’appeler l’art roman, il est difficile d’attendre une remise en cause de cette période. Par ailleurs, que peut signifier une telle expression ? Le lecteur attiré par ce titre provocateur risque de rester longtemps perplexe. Il faut en effet attendre la conclusion pour comprendre ce que ce titre peut signifier. En quelques formules sans appel, l’auteur y livre alors un jugement esthétique inattendu : «Osera-t-on me suivre si j’affirme que les tympans romans sont d’une incroyable laideur ?» (p.305). Dégoût, plus que goût, qui s’articule sur la connaissance de la portée idéologique de l’art roman : «L’art roman vise à traduire dans toute sa rigidité monumentale, le système politique de la féodalité, la volonté de domination de l’Église qui en même temps sert les puissants en justifiant et en perpétuant l’ordre social établi» (p.305). Le succès actuel de l’art roman ne serait alors que le résultat d’un malentendu ou peut-être d’une ignorance, et il serait grand temps de lui préférer le gothique qui, lui, recherche la beauté, tire sa vigueur de la liberté urbaine, et fait une place aux humbles.

Que l’Église ait été intimement liée au pouvoir des puissants à l’époque dite romane, cela ne fait pas de doute, mais la présence de telles assertions en conclusion de ce livre est bien plus étonnante. Si l’on y trouve quelquefois cette idée affirmée (par exemple pp.184-185), elle ne fait pas l’objet d’une démonstration. Au contraire, un des principaux objectifs de ce livre est de montrer que l’“art roman” ne se réduit pas à l’“art religieux”, et qu’il se manifeste tout autant dans les constructions des laïcs et dans l’art profane, sur lesquels l’auteur ne montre pas particulièrement l’influence de l’Église, même s’il serait possible de le faire. Par ailleurs, le jugement sur l’art gothique semble étonnamment naïf : Comment croire que les cathédrales gothiques du XIIIe siècle n’expriment pas la domination de l’Église ? Si la ville participe à leur construction, c’est en tant qu’elle s’intègre dans les structures de cette Église qui plus que jamais se construit comme une institution centralisée, soucieuse de gouverner les âmes des laïcs. Quant à la place faite aux humbles, elle n’est probablement qu’une illusion.

Mais ceci importe peu. L’intérêt de cet ouvrage n’est ni dans son titre, ni dans cette partie de la conclusion. Tout cela semble surajouté, peut-être par conviction de l’auteur, peut-être par pression de l’éditeur pour attirer l’attention.

En revanche, c’est un excellent manuel sur l’art roman. Sa principale qualité est d’inscrire constamment la présentation des savoirs dans une perspective historiographique. C’est ainsi une réflexion sur l’histoire de l’art, appliquée à l’art roman. Il ne se contente pas de remettre en question des “erreurs historiographiques” parfois encore bien ancrées dans l’esprit du grand public : Non, l’art roman n’est pas seulement un art d’Église, non les routes de pèlerinages ne l’ont pas structuré, non ce n’est pas seulement un art monumental, non ce n’est pas un art en noir et blanc. Il montre sans cesse les difficultés pour construire un concept d’“art roman” (Existe-t-il des caractéristiques originales ? Une chronologie commune ? Est-ce un art européen ou local ?), et inscrit les approches des différents historiens de l’art dans leur contexte politique, et leur conception même de l’art médiéval. Les pièces fournies en annexe sont de ce point de vue très intéressantes en donnant, à côté de textes médiévaux, quelques “grands textes” de l’histoire de l’art révélateurs des différents prismes idéologiques.

Ce faisant, X. Barral i Altet dresse un tableau complet de l’art des X-XIIe siècles, abordé dans tous ses genres, son évolution, ses différences géographiques, son insertion dans la société. Il y déploie l’ampleur de ses connaissances, dans un style clair et élégant, qui s’adresse aussi bien au grand public qu’aux étudiants. Les premiers y trouveront une synthèse riche, problématisée, appuyée sur des exemples très nombreux, très variés, mais tout de même assez longuement présentés pour ne pas être de simples allusions. Les seconds auront la joie de trouver à chaque étape du parcours une bibliographie récente et riche, qui permet facilement d’approfondir chaque point, et de connaître les ouvrages récents fondamentaux.

Parmi les reproches qui peuvent être adressés à ce livre, vient en premier lieu la faiblesse de l’iconographie, qui est très pauvre. Malgré la qualité des descriptions, quelques plans ou de plus nombreuses images aideraient beaucoup à la compréhension du propos. Mais il aurait peut-être fallu pour cela que ce livre s’assume plus comme manuel, et aussi qu’il soit à un prix moins accessible...

Un autre regret concerne la partie «Questions ouvertes et controversées», qui apporte beaucoup plus de réponses qu’elle n’ouvre de pistes. L’auteur invoque souvent le souhait d’établir des liens plus étroits entre l’histoire et l’histoire de l’art, sans vraiment dessiner de perspectives claires et concrètes. Ce serait pourtant probablement une voie à poursuivre...


Emmanuel Bain
( Mis en ligne le 10/04/2008 )
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