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Histoire & Sciences sociales -> Moyen-Age |
| Marcel Gay Roger Senzig L'Affaire Jeanne d'Arc Florent Massot 2007 / 19.50 € - 127.73 ffr. / 279 pages ISBN : 978-2-916546-04-9 FORMAT : 15,5cm x 24,0cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
Revoilà la Pucelle sur le théâtre des grandes énigmes de lhistoire, dans un livre enthousiaste publié par une maison dédition connue notamment pour ses courageuses publications duvres non conventionnelles.
Son histoire, telle que généralement connue, cest vrai, est surprenante : cest celle dune paysanne de 19 ans, mue par une foi obstinée, qui parvient à imposer à la France un roi jusqualors inhibé dans les difficultés du temps et dans ses propres incertitudes, dune jeune femme qui bataille non sans succès contre lennemi étranger, et qui, honorée puis abandonnée, meurt sur un bûcher sous le poids dune lourde condamnation religieuse. Pas étonnant que le merveilleux et le tragique de son épopée aient suscité questions et spéculations ; et ce dès son temps. À lépoque contemporaine, la publication des textes rendant compte des procès de condamnation et de réhabilitation ont nourri le dossier tandis que la célébration littéraire quen ont faite les meilleures plumes brouille quelque peu les choses. Il faudrait, cest vrai, manquer de la plus élémentaire curiosité pour ne pas se demander quelle est la part de la réalité et celle de linterprétation dans la carrière de vivo et post mortem dun personnage à la dimension devenue mythique. Le questionnement salourdit de la présence, autour de lhéroïne, de personnages aventureux, voire sulfureux, amis ou ennemis. La science des historiens et lappétit de savoir des admirateurs de la jeune femme saffrontent sur un terrain dont chacun est sûr de lavoir balisé solidement.
Parmi les questions que relaient, au fil de cette nouvelle Jeanne dArc, Roger Senzig et Marcel Gay, certaines sont de simple bon sens. Qui ne sest étonné de laplomb dont fait preuve lhéroïne de laffaire, à la cour de Charles VII comme au tribunal de Rouen ? Où donc cette jeune femme a-t-elle acquis sa science de la chevauchée, de la bataille ? Non sans fondements historiques, les auteurs sinterrogent aussi sur le rôle joué par Yolande dAragon, dont on sait bien quelle a, de tout temps, mené une politique parallèle à celle du roi son gendre. À juste titre, ils soulignent que lentourage religieux de Jeanne était franciscain, donc pas vraiment en phase avec les dominicains qui présidaient habituellement aux tribunaux inquisitoriaux.
Leur démarche se veut scientifique. En fait foi la publication, en annexe, de documents propres à justifier la thèse. Avec la volonté revendiquée de redresser lhistoire «officielle» de la Pucelle, les auteurs accumulent les «preuves» dune occultation générale et concertée de la vérité. Celle-ci ne les range ni parmi les «survivistes», qui prétendent quune substitution a permis à la condamnée déchapper au bûcher, ni parmi les «bâtardisants», lesquels résolvent les questions concernant la personnalité de Jeanne en arguant de son extraction royale. Plus précisément, la reconstitution ici proposée se rattache à lune comme à lautre, puisque R. Senzig et M. Gay font de Jeanne une princesse dOrléans, épouse en 1436 de Robert II des Armoises, décédée en 1449 et dont on retrouve les restes dans la basilique royale de Cléry-Saint-André (près dOrléans). Un cahier-photos présente les lieux de mémoire de la Jeanne reconstituée par leurs soins.
Dans la masse des informations, découvertes, démarches les leurs appuyées de celles dautorités diverses appelées à la rescousse , dans laccumulation enthousiaste des démonstrations sans appel, le lecteur se perd parfois un peu. Sans doute la fougue avec laquelle les auteurs pourfendent lhistoire officielle suscite-t-elle une certaine sympathie. Dautant quils admettent, ici et là, en filigrane de leurs explications, que les données positives manquent à lappui de telle ou telle thèse. Reste que largumentation a silentio nemporte pas nécessairement ladhésion du lecteur : comment établir un fait sur la simple constatation que «rien ne soppose à ce que
» ?
Au cours dune telle démarche, il était bien sûr inévitable que soit mentionné un complot de lÉglise, volontairement destructrice et dissimulatrice déléments quelle met au secret dans les Archives du Vatican, institution toujours mise en cause lorsque les destructeurs de mystères sattaquent à lInquisition, aux Templiers ou autres Francs-Maçons. Dommage toutefois que ces archives naient de «secret» que la transcription en français du qualificatif latin désignant un organe princier purement privé ; dépôt au demeurant parfaitement ouvert aux chercheurs.
Faire appel à la sainteté dun personnage, proclamée certes bien tardivement et circonstanciellement par des autorités religieuses ne rend assurément pas compte des légitimes questions que peut se poser lhistorien. Mais pas davantage la référence aux travaux menés par un chirurgien maxillo-facial, quil soit venu dUkraine ou dailleurs, et mystérieusement condamné au silence.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 19/04/2008 ) Imprimer
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