| Sergio Guarino La Renaissance à Rome Actes Sud 2008 / 140 € - 917 ffr. / 384 pages ISBN : 978-2-7427-7859-1 FORMAT : 28cm x 33cm
Traduction d'Anne Guglielmetti. Imprimer
La Renaissance à Rome de Sergio Guarino est une somptueuse fresque qui court sur un peu plus dun siècle, depuis le retour à Rome en 1420 de Martin V, après la période avignonnaise, jusquà lachèvement du Jugement Dernier de Michel Ange, quelques années après le sac de Rome en 1527. Plus que les artistes, ce sont les papes qui sont au cur de cet ouvrage dart impressionnant.
Puissants seigneurs plus quhommes déglise, davantage préoccupés de conquêtes militaires que de vocation religieuse, de gloire que dhumilité, ils vont, chacun, tambour battant, rendre à la ville son éclat passé. En 1420, la ville est rongée par les luttes intestines, les monuments antiques accaparés par les grandes familles ont été transformés en forteresse, les édifices sacrés tombent en ruine, «toute trace de civilisation urbaine semble avoir disparu». Pour Martin V, comme pour ses successeurs, il faut remettre de lordre et affirmer son autorité, dabord dans la curie, puis successivement dans la ville de Rome elle-même, les territoires pontificaux et enfin la chrétienté tout entière. «Nous sentons que seuls ceux qui sont versés dans les études peuvent comprendre cette grande chose quest lEglise romaine. En revanche, il faut que le vulgaire soit frappé par la grandeur de quelques réalisations matérielles qui simpose par sa magnificence et que les enseignements des clercs soient confirmés par le caractère grandiose des édifices», déclare le pape à ses cardinaux.
Du faste, de la splendeur, de léclat, des chantiers. Lart sera donc un instrument politique et les artistes, au service de cette cause. Les papes auront à cur de solliciter les cours voisines, de Florence à Mantoue en passant par Milan, pour obtenir le concours de leurs meilleurs éléments. Cependant par-delà leur gloire propre, symbolisée par dabondants blasons et armoiries peints ça et là, les papes ont également lambition de se projeter dans une dimension atemporelle et dopérer une réconciliation entre lhéritage de la Rome antique et le message chrétien, «une synthèse entre la pensée classique et la pensée chrétienne, entre le temps historique et le temps du salut». Là aussi, les artistes seront des acteurs de premier plan à linstar dun Raphaël qui peint, dans la Chambre des Signatures située dans les appartements pontificaux, lAssemblée dAthènes où les philosophes antiques sincarnent sous les traits de peintres contemporains.
Alors, comme le note un ambassadeur milanais, si quelquefois «la volonté est plus grande que le pouvoir», les souverains pontifes ont à cur de trouver de nouvelles ressources pour financer outre leurs chantiers permanents, leur train de vie dispendieux et leurs conquêtes militaires. Leur imagination est foisonnante pour remplir leurs caisses toujours vides : confiscation dhéritages, ventes lucratives de joyaux, de grâces spirituelles, de charges vénales, dindulgences etc.
Gentile da Fabriano, Mantegna, Botticelli, le Pérugin, Raphaël, Michel Ange et tant dautres aujourdhui méconnus se succèdent au fil des générations et ne relâchent jamais la cadence infernale pour satisfaire aux désirs pontificaux. Rome devient un centre artistique majeur et irradie dun éclat renouvelé, tandis quau loin se répandent les prêches dun moine de Wittenberg qui annonce «la défaite la plus déchirante de lEglise, la perte de lunité du monde chrétien»
Damien Brem ( Mis en ligne le 15/04/2009 ) Imprimer | | |