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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
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Bonbon Robespierre, la manière douce ? | | | Sergio Luzzatto Bonbon Robespierre - La Terreur à visage humain Arléa 2010 / 16 € - 104.8 ffr. / 153 pages ISBN : 978-2-86959-881-2 FORMAT : 12,5cm x 20,5cm
Traduction de Simone Carpentari Messina Imprimer
Augustin Bon Joseph Robespierre, affectueusement surnommé Bonbon en raison de son deuxième prénom, est le frère cadet du plus célèbre des Robespierre. Il a longtemps été considéré comme un simple exécutant docile de Maximilien, comme une «cruche» qui «résonnait quand son frère frappait dessus». Lambition de Sergio Luzzatto est de défendre lidée, qui nest pas nouvelle, selon laquelle Augustin na pas été un simple outil dans les mains de son frère, mais bien plutôt un révolutionnaire qui «osa regarder en face la République jacobine et reconnaître ce quelle comportait dambiguïté, de fausseté, voire de laideur» (p.21) et tenta par conséquent de modérer lapplication des lois terroristes. Une Terreur «douce» en somme. Mais avant dexposer plus précisément cette idée, il faut revenir sur le parcours dAugustin.
Plus jeune de quelques années que Maximilien (il est né en 1763), il suit les traces de son aîné : il est élève boursier au collège Louis-le-Grand à Paris puis, après avoir obtenu son diplôme davocat, retourne exercer dans sa ville natale, Arras. Sergio Luzzatto suit lhistoriographie classique qui le présente comme étant à ce moment dans une «dépendance totale» (p.25) vis-à-vis de Maximilien. Augustin ne cesse de demander à son frère du soutien et une place à Paris. Cest chose faite en septembre 1792 : Augustin est finalement élu député à la Convention et sinstalle à Paris. Peu actif à la Convention, il se fait en revanche remarquer au club des Jacobins.
En juillet 1793, Augustin est, comme dautres députés de la Convention, envoyé comme représentant en mission en province. Il est envoyé avec un autre député, Jean-François Ricord, auprès de larmée dItalie, laquelle est cantonnée à Nice. La mission nest pas aisée en raison du contexte (révolte fédéraliste) et dautres représentants en mission font les frais à lépoque de lhostilité envers la Convention. Après un début peu glorieux, les fédérés sont peu à peu maîtrisés et lannée 1793 se termine par la reprise de Toulon, où sillustre un jeune général victorieux remarqué par Augustin, Bonaparte. Après quelques brèves semaines à Paris, Augustin est de nouveau envoyé en mission en janvier 1794 pour poursuivre le travail entamé dans le Sud. Il fait un détour par la Haute-Saône, où il reste la majeure partie de lannée 1794.
Il semble quà loccasion de ces deux missions, Augustin se soit distingué par sa modération. Lidée de Sergio Luzzatto est quAugustin, en contact avec la réalité du terrain, se serait fait une idée différente de la politique à mener : confronté aux excès de la Révolution, il aurait été rebuté par eux, contrairement à Maximilien, enfermé dans sa chambre à Paris. «Terreur légale» dun côté, «Terreur réelle» de lautre. Cest le contact avec la réalité qui aurait fait comprendre à Augustin la vanité sinon la nocivité de lexercice effréné de la Terreur, et de là viendraient les critiques quil a formulées contre les excès de la politique terroriste : «Il est donné à si peu dhommes de sentir quon ne peut et quon ne doit plus révolutionner un pays révolutionné» (lettre du 24 février 1794, citée p.99). Vidant les prisons des innocents injustement incarcérés, modérant les excès déchristianisateurs, Augustin aurait tenté de tempérer localement les effets de la politique du Comité de Salut Public. Pour Sergio Luzzatto, Augustin Robespierre est un «thermidorien avant la lettre», étant entendu que Thermidor est une «tentative louable pour réconcilier la révolution avec elle-même». Même si cette dernière idée demanderait à être argumentée, on est tout disposé à écouter la thèse soutenue par lauteur. Malheureusement, un ouvrage de vulgarisation nest pas le lieu pour la prouver, donc le lecteur reste un peu sur sa faim. Sergio Luzzatto na pas loccasion de développer ses arguments et peine à emporter la conviction du lecteur.
La fin héroïque dAugustin Robespierre est bien connue : lorsque son frère est mis en accusation le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), il prononce cette phrase passée à la postérité : «Je suis aussi coupable que mon frère ; je partage ses vertus. Je demande aussi le décret daccusation contre moi». Les conventionnels ne se le font pas dire deux fois, Augustin est exécuté le lendemain avec son frère, Couthon, Saint-Just et dix-huit autres accusés.
On pourra reprocher des développements trop longs sur des sujets un peu éloignés dAugustin et des passages trop courts (notamment sur les années 1789-1793 avant le départ en mission). Il ne sagit pas là des résultats dune recherche historique mais bien dune compilation détudes déjà parues sur le sujet. Voilà un ouvrage honnête qui dit ce quil est et qui sy tient : de la vulgarisation grand public qui ne prétend pas apporter de pierre à la construction de lhistoire dAugustin Robespierre, mais plutôt donner à connaître quelques jalons de la vie du petit frère du grand homme
et peut-être aussi susciter des vocations. La note bibliographique cite très précisément, chapitre par chapitre (presque paragraphe par paragraphe) les sources employées et fait donc de louvrage une porte daccès à un éventuel approfondissement. Au terme de cette plaisante lecture, on en arrive à la même conclusion que lauteur : «le cadet des deux frères attend encore son biographe» (p.120).
Cécile Obligi ( Mis en ligne le 16/02/2010 ) Imprimer
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