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Ut pictura fabula
. Boccace   Le Décaméron - illustré par l'auteur et les peintres de son époque
Diane de Selliers - La Petite collection 2010 /  60 € - 393 ffr. / 664 pages
ISBN : 978-2-903656-57-7
FORMAT : 19,4cm x 25,5cm

Traduction de Marthe Dozon, Catherine Guimbard et Marc Scialom, sous la direction de Christian Bec

L'auteur du compte rendu : Françoise Poulet est une ancienne élève de l'École Normale Supérieure de Lyon. Agrégée de lettres modernes, elle est actuellement allocataire-monitrice à l'Université de Poitiers et prépare une thèse sur les représentations de l'extravagance dans le roman et le théâtre des années 1630-1650, sous la direction de Dominique Moncond'huy.

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Ce volume est la réédition de l’ouvrage paru dans «La grande collection» en octobre 1999, au format 24,5 x 33, relié pleine toile, sous coffret de luxe illustré. S’appuyant sur le texte italien de l’édition de Vittore Branca, spécialiste de Boccace décédé en 2004, la traduction de ce Décaméron est signée par Marthe Dozon, Catherine Guimbard, Marc Scialom, sous la direction de Christian Bec, selon un travail collectif qui avait déjà donné lieu à une publication à la Librairie Générale Française en 1994. Le livre contient, en guise de paratextes, deux articles liminaires de Vittore Branca, «Le Décaméron, "comédie humaine" et épopée marchande» et «Le Décaméron, la narration en paroles et en images», traduits par Frédérique Verrier, ainsi qu’une notice biographique et des notes bibliographiques, du même auteur italien, en fin d’ouvrage.

Cette réédition est elle aussi d’une grande richesse : de format 19 x 26, broché avec jaquette à larges rabats, le volume présente l’intérêt d’être d’un prix beaucoup plus abordable que l’édition précédente, mais aussi de rendre à nouveau l’ouvrage disponible, puisque la version de 1999 est épuisée. La présence des illustrations est abondante et luxueuse : diverses, tant par les formats et les emplacements des documents iconographiques insérés (de la petite vignette intégrée dans le texte aux pleines doubles pages), par les noms de leurs auteurs (de Boccace lui-même à Fra Angelico et Botticelli, en passant par Andrea del Castagno, Ambrogio Lorenzetti, Domenico di Bartolo, Giotto, Pisanello, etc.), que par leurs origines et leurs supports (huiles sur toile ou sur bois, enluminures, xylographies, dessins à la plume, fresques), ces illustrations magnifient considérablement l’ouvrage, en soulignant l’intérêt du texte et en enrichissant sa lecture. Ainsi, on appréciera le décalage entre les illustrations de l’auteur, par nature fidèles au texte, et les approximations commises par d’autres artistes qui ne connaissaient pas toujours suffisamment le contenu des nouvelles, faute parfois d’en posséder la traduction dans leur langue.

Le choix d’intégrer le Décaméron aux Éditions Diane de Selliers paraissait d’emblée légitime, voire attendu, dans la mesure où l’histoire de ce texte a nourri dès son origine l’art pictural, comme le rappelle l’éditrice dans son «Avant-propos», ainsi que Vittore Branca, dans son second article introductif. Composé entre 1349 et 1351, le texte a inspiré en premier lieu l’auteur lui-même, puisque Boccace compose, en amateur, des dessins vers la fin des années 1360. Le manuscrit sera par la suite copié par un marchand florentin, Giovanni d’Agnolo Capponi. Mais l’ouvrage est voué à un large succès européen : du XIVe au XVIe siècle, il circule dans plusieurs pays voisins de l’Italie en inspirant de nombreux artistes. Pour ne prendre qu’un seul exemple, vers 1414, la traduction française de Laurent de Premierfait s’accompagne de cent miniatures dues au Maître de la Cité des Dames, et constitue le premier exemplaire entièrement illustré de l’œuvre. Il nourrira à son tour des enluminures françaises et flamandes. De fait, le Décaméron servira encore très longtemps de source d’inspiration pour les artistes : des coffres de mariage peints par Botticelli au Decameron de Pasolini, des plateaux d’accouchées du quattrocento toscan aux lavis de Chagall en 1950 et aux illustrations de Dali en 1972, l’œuvre a marqué l’imaginaire d’artistes divers sur plus de six siècles. Un autre choix éditorial aurait d’ailleurs pu consister à retracer cette influence picturale sur le long terme, même si l’ouvrage dont nous disposons, pour plus de cohérence, se concentre sur les productions artistiques de la Renaissance italienne.

Rappeler en quelques lignes l’importance littéraire du Décaméron pour la littérature européenne du XVe au XVIIIe siècle tient de la gageure. Lors de la peste qui ravage Florence en 1348, alors que toutes les relations sociales, familiales, amoureuses et amicales sont mises à néant, sept jeunes femmes et trois jeunes hommes trouvent refuge dans un écrin naturel préservé, locus amoenus dans lequel ils s’attachent à recréer un microcosme policé, civilisé, entièrement dédié à l’otium pacifique et idyllique : racontant tour à tour des nouvelles, chantant, se promenant, ils érigent un nouveau monde par la parole, reflet de la société italienne dans toute sa diversité, mais avant tout placé sous le signe de l’amour et de l’amitié. Vittore Branca insiste particulièrement, dans son premier texte introductif, sur cette variété de la représentation sociale, qui fait de l’œuvre, selon lui, l’épopée de la société marchande et commerçante alors en pleine expansion dans les cités italiennes. À ce titre, la métaphore picturale du récit premier comme cadre (cornice), entourant de multiples tableaux, convient parfaitement à une œuvre dans laquelle la dimension visuelle d’une civilisation haute en couleurs prédomine, chaque nouvelle étant pensée comme la miniature de l’une des facettes du monde.

Ces «cent nouvelles, fables, paraboles ou histoires», ainsi que les nomme le Prologue (p.50), marquent, de même que les œuvres de Dante et Pétrarque, poètes du dolce stil novo, l’expansion de la littérature en langue vernaculaire, mais aussi une forme de narration polyphonique moderne, qui marquera un large pan de la littérature européenne (voir Les Contes de Canterbury de Chaucer, Les Cent Nouvelles nouvelles, l’Heptaméron de Marguerite de Navarre).

On peut relever quelques détails qui, dans l’ensemble du volume, en altèrent quelque peu la cohérence : par exemple, le choix d’avoir dissocié les repères chronologiques, donnés en position liminaire, et la notice biographique finale, s’explique mal, de même que la présence, à la toute fin de l’ouvrage, de quelques notes explicatives sur le texte, difficilement consultables et utilisables à cette place. Les deux textes introductifs de Vittore Branca, qui portent essentiellement sur le contexte économique dans lequel naît l’œuvre et sur les rapports entre textes et images, demanderaient à être complétés par une préface plus étoffée sur le Décaméron, qui en soulignerait davantage la richesse et l’importance, pour un lecteur non averti.

Malgré ces quelques remarques, cette édition constitue un ouvrage d’un grand luxe, que tous les amateurs d’art et de littérature seront ravis de posséder.


Françoise Poulet
( Mis en ligne le 14/06/2010 )
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