|
Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
| |
Le roi et ses divertissements | | | Evelyne Lever Le Temps des illusions - Chronique de la Cour et de la ville. 1715-1756 Fayard 2012 / 22.30 € - 146.07 ffr. / 439 pages ISBN : 978-2-213-66841-3 FORMAT : 15,3 cm × 23,5 cm
L'auteur du compte rendu : Agrégé et docteur en histoire, Alexandre Dupilet est professeur dans le secondaire. Imprimer
Que les fidèles lecteurs d'Évelyne Lever se rassurent. Contrairement à ce qu'indique le titre de son nouvel opus, la biographe de Marie-Antoinette n'a pas subitement décidé de raconter les premiers mois du gouvernement Mauroy. Cest bien du Siècle des Lumières qu'il sagit et plus précisément des années 1715-1756, qui coïncident avec la première partie du règne de Louis XV et qu'Yves Combeau, dans sa récente biographie du roi, a joliment appelé ''le temps des fleurs''. Car après la mort de Louis XIV et une fin de règne mortifère, la France respire enfin : la Régence apporte au royaume légèreté, paix et prospérité ; le jeune roi, dune beauté sans pareil, est adoré de ses sujets ; les philosophes des Lumières commencent à mettre du bleu au ciel.
Évelyne Lever a choisi d'aborder cette période à travers le genre de la chronique. S'appuyant principalement sur les diaristes de l'époque, elle nous livre le récit des principaux événements qui ont jalonné ce premier XVIIIe siècle. Plus que politique, c'est une chronique culturelle et mondaine qui nous est donnée. On fréquente les premiers salons parisiens, on suit lascension de Voltaire, qui bientôt exercera sur le monde des lettres un magistère incontestable, on assiste aux spectacles de lopéra, qui se jouent plus dans la salle que sur la scène, on ouvre avec curiosité les premiers tomes de lEncyclopédie. Paris éclipse Versailles même si Louis XV est, comme il se doit, le centre de cette chronique, celui vers qui tous les regards se tournent. Lenfant timide et souffreteux devient bientôt un adolescent se livrant sans répit à la chasse, le mari fidèle se transforme en Don Juan auquel nulle femme ne saurait résister.
La grande politique est certes abordée mais demeure au second plan. Comme le souligne malicieusement l'auteur, les Parisiens et la Cour s'intéressent plus aux amours du roi, à la montée en puissance de Madame de Pompadour ou aux scandales libertins qu'aux relations diplomatiques, aux conflits ou aux tensions avec le Parlement de Paris. Ce parti-pris, tout à fait défendable, ne permet de refléter quen partie la réalité. Il fait de Louis XV un roi libertin et fainéant, manipulable, sous influence, ne sintéressant quà ses conquêtes, passant sa vie à se divertir alors que la personnalité du Bien-Aimé était bien plus complexe et quil simpliquait dans la gestion des affaires, y compris durant le ministériat de Fleury. Louis XV na jamais laissé personne gouverner à sa place.
Cette réserve faite, la chronique dÉvelyne Lever est très réussie. On pouvait craindre qu'une approche si classique donne lieu à un livre sans relief et profondément ennuyeux. Mais la plume légère et enlevée de lauteur procure beaucoup de plaisir. Louvrage se clôt néanmoins de manière abrupte, juste avant que léclat de la lame mal acérée de Damiens ne vienne obscurcir dun voile sombre un règne qui avait commencé de manière si rayonnante. Évelyne Lever ne prend même pas la peine décrire de conclusion et dexpliquer pourquoi ce temps fut bien celui des illusions. Mais gageons quelle le fera dans un second tome dans lequel elle nous narrera les fortunes diverses des philosophes qui suivirent le chemin tracé par Voltaire et qui furent à leur manière des héritiers de lavenir.
Alexandre Dupilet ( Mis en ligne le 12/06/2012 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Louis XV - L'inconnu bien-aimé de Yves Combeau | | |
|
|
|
|