| Caterina Virdis Limentani Mari Pietrogiovanna Retables, l’âge gothique et la Renaissance Citadelles & Mazenod 2001 / 167.94 € - 1100.01 ffr. / 432 pages ISBN : 2-85080-178-3 FORMAT : 25 x 32 Imprimer
Retable : tout le monde connaît le terme. Mais que recouvre-t-il
exactement ? Létymologie offre, comme souvent, une aide non
négligeable. Retable vient de retro tabulam, cest-à-dire «derrière
lautel». Il sagit de la composition picturale - et parfois sculptée - qui est
placée dans une église derrière lofficiant, de façon quelle puisse être
vue par les spectacteurs. Elle se découpe en plusieurs compartiments,
doù le terme de «polyptyque», signifiant littéralement «plusieurs plis»
(du grec ptuc, ptukhos, pli). La composition obéit à des règles
strictes. Au centre, un épisode majeur de lhistoire sainte : lAnnonciation,
la Crucifixion ou la Déposition de Croix. Sur les côtés, des saints ou les
donateurs, dépeints dans une attitude de dévotion. Au-dessous, la
prédelle, où de petites peintures représentent dautres saints, souvent
des martyrs saint Sébastien criblé de flèches ou Pierre de Vérone, un
sabre dans le crâne - ou des docteurs de lEglise. Un plus grand
raffinement porte parfois à ajouter un garde-poussière, comme dans le
retable du maître de Castelsardo, en Sardaigne. Cette plinthe
supplémentaire permet daccroître le stock de personnages : le retable
est bien une bande dessinée éducative
Les retables étaient souvent pourvus de volets. Leur ouverture
cérémonieuse ajoutait à la mise en scène. Les volets, à lextérieur,
étaient peints en grisaille, dune matière qui pouvait rappeler le papier
marbré. Mobile à lorigine, comme les reliquaires, dont il partage
certaines des caractéristiques, le retable devient peu à peu une véritable
architecture de bois et dor, totalement intransportable. Celui de la
cathédrale de Palencia, en Espagne, en est une illustration saisissante :
sa réalisation sest étendue sur tout le 16e siècle, faisant intervenir
plusieurs générations dartistes célèbres, de Juan de Flandes à Gregorio
Fernández. Ce modèle, qui sadapte parfaitement à lhorror vacui
de lère baroque, aura une grande influence en Amérique latine et jusquà
Macao.
Comme à son habitude, léditeur propose un ouvrage où la pertinence du
texte dans lequel les auteurs, de luniversité de Padoue, évitent avec
bonheur de se montrer trop savants saccompagne dune iconographie
de haute qualité. Après les essais introductifs, trente retables majeurs
sont étudiés de façon approfondie. LItalie et lAllemagne sarrogent la
part du lion avec Crivelli, Vivarini, Piero della Francesca, Cranach,
Lochner ou Dürer mais, dans ce domaine, on assiste à une globalisation
avant la lettre. Ainsi les retables sardes sont dévidente matrice catalane
et lun des chefs-duvre de Bosch, Le Jardin des délices, après
sa commande - probablement par un membre de la famille de Guillaume
le Taciturne - a été réquisitionné par les occupants espagnols et a fini
près de Madrid, dans le glacial Escorial de Philippe II. Quant aux grands
retables conservés sur le territoire français, ils sont abordés,
dIssenheim à Moulins, de Nice (Triptyque de la Pietà par Louis
Bréa) à Aix-en-Provence (Retable du buisson ardent de Nicolas
Froment). On apprécie la rigueur jusque dans les détails de terminologie.
Les noms de saints sont bien traduits, ce dont beaucoup déditeurs se
dispensent. Egidio est bien Egide et Gaudenzio Gaudens. Dernier
raffinement : grâce à un système de pliures, les retables à volets
souvrent. Il ne vous manque que lautel
Rafael Pic Sélectionné par ArtAujourdhui.com ( Mis en ligne le 28/12/2001 ) Imprimer | |