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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Moderne  
 

Polémique de la guerre
John Childs   La Guerre au XVIIe siècle
Autrement - Atlas des guerres 2004 /  33.95 € - 222.37 ffr. / 224 pages
ISBN : 2-7467-0428-5
FORMAT : 20x28 cm

Préface d'André Corvisier.

L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles.

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Entre un beau XVIe siècle et le siècle des Lumières, se glisse un noir XVIIe siècle, celui des guerres de Trente Ans, de Hollande ou de la Ligue d’Augsbourg, siècle de la guerre dont le graveur lorrain Jacques Callot (1592-1635) a si magnifiquement et horriblement illustré les grandes misères. Aussi La Guerre au XVIIe siècle revêt-il une importance particulière. D’abord parce que, troisième volume consacré à l’époque moderne dans la collection des Atlas des guerres, il en complète la série, après Les Guerres de la Renaissance (2002) et La guerre au XVIIIe siècle (2003). Surtout parce qu’aux yeux de certains spécialistes d’histoire de la guerre, le XVIIe siècle est au coeur de la «révolution militaire» chère à Geoffrey Parker qui en a affiné le concept.

Or, c’est par une belliqueuse «Faillite de la «révolution militaire»» que John Childs, professeur d’histoire militaire à l’Université de Leeds et administrateur des Armureries royales, introduit le volume, dénonçant le changement faussement envisagé comme révolutionnaire – et donc brusque – de la manière de faire la guerre au profit d’une vision évolutive sur le temps long. A l’autre extrémité du livre, une conclusion, pacifiquement baptisée «Réflexions», enfonce le clou de la démonstration et s’achève sur une nouvelle affirmation du caractère encore quelque peu incertain en raison du manque d’infrastructures et d’équipement que requiert une armée moderne selon l’auteur, aboutissement d’un livre construit comme une argumentation articulée sur quelques chapitres plus chronologiques.

A un bout du siècle, «la guerre de Trente Ans (1618-1648)» (chapitre 1) voit s’appliquer les réformes mises en place à la charnière du volume précédent. Son ampleur oblige à une vision synthétique dans le cadre d’un tel ouvrage, voulu accessible au plus grand nombre. Sont donc abordés tant les opérations militaires, non sans une certaine confusion inévitable en si peu de pages et compte tenu de la complexité du conflit, que les systèmes militaires, notamment celui de la Suède, les stratégies et les horreurs qui en résultent. «Les guerres du milieu du siècle» (chapitre 3) comprennent aussi les conflits avec l’Empire ottoman qui voit sa force décliner et le siège de Vienne (1683), amorcer le reflux et la reconquête autrichienne. A l’autre bout, «les guerres de Louis XIV» (chapitre 5) – c’est-à-dire celles de son règne personnel – de la guerre de dévolution (1667-1668) à celle de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), achèvent d’emplir ce siècle de bruit et de fureur.

Entre cette histoire parfois un peu bataille, deux chapitres soulignent les évolutions structurelles de la guerre. L’un met en évidence l’étatisation de l’outil militaire dans un «essor de l’armée permanente» (chapitre 2) à la fois commun aux pays européens, même les plus petits, et multiforme, touchant le recrutement comme l’entraînement, la généralisation des uniformes comme l’uniformisation de la manoeuvre, l’officier comme le soldat. L’autre s’attache à «la conduite de la guerre» (chapitre 4) depuis l’intendance qui commence à suivre jusqu’aux formations sur le terrain, prélude au combat que le néerlandais Grotius aurait voulu plus réglementé.

Sensiblement plus riche en cartes que le volume sur le XVIIIe siècle, La Guerre au XVIIe siècle frappe surtout par l’incomparable qualité de son iconographie qui souligne les multiples facettes de l’acte, non pas que les artistes du temps aient trop aimé la guerre à l’instar du roi-soleil, mais simplement parce qu’ils ont vécu dans la guerre. Certaines illustrations, comme le tableau de la bataille de Kahlenberg (1683) en page de garde et de la couverture, en magnifient la gloire selon une vision bien évidemment unilatérale, tandis que d’autres en dénoncent les horreurs comme Sebastian Vrancx et Jacques Callot (p.72-73). A ces œuvres d’art s’ajoutent de multiples pages de manuels d’instruction militaire, cartes d’époques des batailles et plans de fortifications. N’est-ce pas le siècle de Gustave-Adolphe, des géographes et de Vauban ?

Une chronologie, un glossaire des termes militaires, des notes biographiques et de très denses suggestions de lectures complémentaires achèvent de faire un outil de ce qui est au départ déjà un très beau livre. Il peut lui être reproché, et par extension à ces deux frères qui l’entourent dans la collection, d’adopter le découpage séculaire au sens strict, de date à date. Car s’il est compréhensible que l’étude commence avec la rapide adoption de réformes nées à la fin du XVIe siècle, parce que celles-ci résultent du regain intellectuel de la Renaissance, il est plus difficilement explicable que le livre ne s’achève pas avec la guerre de succession d’Espagne (1702-1714), prolongement de l’ambition hégémonique du roi-soleil. En revanche, la limitation géographique aux théâtres européens s’inscrit parfaitement dans la logique de l’ouvrage, d’autant qu’un tome dévolu à la guerre navale (Andrew Lambert, The Age of Sail 1650-1850, Cassell, 2000) reste à paraître en France.

Dès lors et en dépit de son aspect polémique, le lecteur ne pourra que suivre André Corvisier, pour qui, dans sa préface, La Guerre au XVIIe siècle est un ouvrage qui manquait à l’historiographie française. Mais au terme de la lecture, l’argumentation porte-t-elle ses fruits et la «révolution militaire» fait-elle faillite ? Le préfacier reconnaît la justesse des arguments de John Childs quant à la technique et à la pensée militaire, mais n’en dégage pas moins la naissance de l’outil pour l’État. L’auteur ne cherche pas à le cacher d’ailleurs mais pour lui cela n’en fait pas la naissance de l’armée moderne. L’impression domine que la divergence d’opinion est ailleurs. Il faudrait peut-être la chercher dans la définition de l’armée moderne et de la guerre telle que la livre la conclusion. Celle-ci en dresse un portrait comme d’un phénomène sophistiqué dont le manque d’information ne fait plus partie, pratiqué par une armée de soldats dotés d’esprit d’initiative, une vision qui n’a rien à voir avec ce qu’a été la guerre pendant presque tout le XXe siècle et dont on peut se demander, à la vue de certains chaos actuels, si elle existe vraiment au XXIe.


Hugues Marsat
( Mis en ligne le 01/12/2004 )
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