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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
| Nicole de Blomac Voyer d'Argenson et le cheval des lumières Belin - Histoire & société 2004 / 23 € - 150.65 ffr. / 398 pages ISBN : 2-7011-3454-4 FORMAT : 16x24 cm
L'auteur du compte rendu : Emilie Lauzy est professeur dhistoire-géographie et suit actuellement un DEA dhistoire culturelle à Paris I sous la direction de Pascal Ory. Imprimer
Pour Nicole de Blomac, historienne et chercheur à lEHESS, «écrire lhistoire du cheval, cest sintéresser à celle des hommes qui ont géré son existence et son devenir au cours des siècles passés». En effet, écrire sur le cheval des Lumières nous permet dappréhender la figure de René de Voyer dArgenson (1722-1782), personnalité riche et attrayante des règnes de Louis XV et de Louis XVI. Mais inversement, dépouiller les archives privées, les correspondances, les mémoires du marquis nest quun prétexte pour sattacher à lhistoire équestre du siècle des Lumières.
Dans cet ouvrage, le cheval et Voyer dArgenson fusionnent, semmêlent et parler de lun revient à parler de lautre. Le siècle des Lumières est le troisième acteur principal de ce livre. Cest dans ce siècle tiraillé entre persistances et nouveautés, conservatisme et innovations, que le marquis de Voyer dArgenson est à la recherche dune troisième voie concernant le devenir du cheval.
La première partie de lessai met un instant le cheval entre parenthèses pour brosser le portrait dun homme des Lumières, «un homme en son temps». Lauteur appréhende le marquis selon divers angles dapproche : sa volonté de sinscrire dans la vie culturelle et artistique de son temps, sa carrière militaire brillante mais inachevée, ses réseaux de sociabilité, son patrimoine immobilier
Un portrait très éclairant pour cerner cette noblesse toujours avide de pouvoir et de reconnaissance sociale.
La deuxième partie est consacrée au cheval, et, par là même, à Voyer dArgenson, «homme de cheval». Après avoir rappelé lorigine des haras nationaux, et expliqué que dès 1749, lors de la fin de la Guerre de Succession dAutriche, la Cavalerie ne jouait plus un rôle décisif dans le déroulement du combat, de Blomac se pose la question de la production du cheval dans la diversité de ses usages et de son intégration dans une économie capitaliste naissante. Le marquis de Voyer, directeur général des Haras depuis 1752, souhaite réglementer uniformément une production diversifiée, ce qui déplait à certains producteurs. Lauteur nous fait revivre le contexte bouillonnant de la remise en question du regard porté sur le cheval, et nous livre toute la réflexion technique et éducative sur lanimal.
Voyer dArgenson fut un des premiers à avoir compris que produire un cheval utile est une gageure qui relève de la zootechnie, de la politique, de lhumain et de léconomie. Cest dans sa propriété des Ormes, à partir de 1770, quil devient acteur à part entière sur le terrain de la production du cheval de sang, et devient «son propre entrepreneur». Nicole de Blomac sattache à réhabiliter la démarche entrepreneuriale et capitaliste du marquis, quelle considère comme «occultée par la mémoire post-révolutionnaire» et décrit ses ambitions, en butte à certains esprits conservateurs qui ne saisissent pas lutilité de tels chevaux de course. Voyer saisit cette résistance aux changements et doute que ses théories basées sur le Progrès et la Raison aient une quelconque résonance sur le court terme. Toutefois, il est le passeur didées qui trouveront un large écho au siècle suivant.
Tout comme pour Voyer dArgenson pour qui le cheval est prétexte à la mise en uvre de son génie visionnaire, Nicole de Blomac se sert de Voyer pour brosser un XVIIIe siècle déchiré entre idées inauguratrices et esprit de conservation.
Emilie Lauzy ( Mis en ligne le 21/12/2004 ) Imprimer | | |
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