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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
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La prédication au-delà du sermon | | | Matthieu Arnold Annoncer l'Evangile (XVe-XVIIe siècle) - Permanences et mutations de la prédication Cerf - Patrimoines Christianisme 2006 / 44 € - 288.2 ffr. / 483 pages ISBN : 2-204-07827-1 FORMAT : 14,5cm x 23,5cm
L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé dhistoire, Assistant Temporaire dEnseignement et de Recherche à lUniversité de Nice, où il prépare une thèse sur «les fondements bibliques du discours ecclésiastique sur riches et pauvres aux XII-XIIIe siècles». Imprimer
Les études sur la prédication au Moyen Âge se sont multipliées depuis une vingtaine dannées, mais ce nest pas encore le cas pour lépoque moderne. La publication des actes du colloque qui sest tenu à Strasbourg en novembre 2003 ouvre de nombreuses pistes pour combler cette lacune. Ce nest en effet pas un ouvrage de synthèse, mais plutôt la réunion de chercheurs, dans un cadre transdisciplinaire et interconfessionnel, dont les interventions, sur des dossiers précis, montrent lintérêt du sujet et proposent des réflexions méthodologiques pour laborder.
Après deux interventions préliminaires qui ont présenté le cadre médiéval une étude de G. Dahan sur les sens de lÉcriture, et une synthèse de N. Bériou sur la prédication , louvrage a été divisé en quatre grands ensembles. Le premier porte sur les «sources» ; il est illustré par cinq études de cas, qui correspondent à cinq types de «sources» : lAncien Testament (Françoise Chevalier : «Usages de lAncien Testament dans la prédication réformée au XVIIe siècle»), le Nouveau Testament (Christoph Burger, «La polémique de Luther contre la vénération de Marie», qui porte largement sur la réception du Magnificat), un Père de lÉglise (Bassir Amiri : «Linfluence dAugustin sur Bossuet»), la mystique rhénane (Marie-Anne Vannier : «Luther et la Theologia deutsch»), ou encore la pratique du commentaire biblique, quétudie Annie Noblesse-Rocher chez Bucer.
Le second ensemble, qui est le plus développé, porte sur «Les formes et les milieux de production». Deux interventions étudient les pratiques musicales et chorales : Ulrich Asper présente «Le rôle du choral et de la musique polyphonique dans le culte luthérien», tandis quAlain Bideau se concentre sur la figure du «pasteur-poète» Paul Gerhardt. La prédication réformée est ensuite abordée à travers deux cas très différents : celle, légale, de Genève au XVIe (Christian Grosse), et celle, clandestine, des protestants français au moment de la révocation de lédit de Nantes (Marianne Carbonnier-Burkard). La prédication catholique est présente à travers les interventions de Louis Châtellier («De linstruction à la conversion : la prédication en question après le concile de Trente»), Stefano Simiz («La prédication catholique en ville, du concile de Trente au milieu du XVIIe siècle»), et Catherine Martin, qui présente un genre plus particulier la controverse à travers le personnage de Charles Abra de Raconis.
La troisième partie aborde quelques thèmes : la dénonciation des abus par Geiler de Kaysersberg (Francis Rapp), lapologie du mariage par Bucer (Stephen F. Buckwalter), la sainteté dans la prédication de Luther (Marc Lienhard). Rofl Decot présente quant à lui plus globalement les thèmes évangéliques de la prédication à Mayence dans la première moitié du XVIe siècle. La quatrième partie porte sur la «réception» de la prédication. Deux approches se croisent ici : celle qui recherche des traces de la réception à travers le discours (ainsi Mathieu Arnold à travers ce que Luther lui-même a pu en dire ; ou Marie-Hélène Colin à travers limage qua laissée le prédicateur lorrain Pierre Fourier ; ou encore Olivier Millet dans une stimulante étude de lHeptameron de Margueritte de Navarre) ; lautre approche consiste à rechercher les réactions de la société sur une courte durée (Pierre-Olivier Léchot : «Limpact de la prédication évangélique à Neuchâtel en 1529-1530»), ou dans une perspective plus longue (André Séguenny : «La prédication contestée par les spirituels»). Mais la réception de la prédication reste très difficile à saisir, comme le montre très bien larticle conclusif dHervé Martin, qui constitue une belle réflexion méthodologique.
Cette rapide présentation à laquelle sajoute en conclusion larticle de Philippe Martin sur les chaires montre la très grande variété des interventions, qui portent souvent sur des points précis et ne prétendent pas établir une synthèse. Mais cette variété des méthodes, des sujets et des périodes, éclaire dautant mieux quelques points de convergence. Dabord limportance de ce sujet. Tous les articles soulignent en effet la place majeure de la prédication, la qualité des réflexions quelle suscite, les nombreux renouvellements du genre pour dépasser les limites et les cadres traditionnellement admis quelle que soit la confession. Ce livre, dans sa diversité même, traduit une véritable période deffervescence pour la prédication.
Le second apport est plus méthodologique. Sans quune section ait été prévue à cet effet, nombres dinterventions insistent sur la nécessité délargir létude au-delà de la stricte prédication, en intégrant dautres pratiques liturgiques (musique, chant, communion), en considérant lensemble de la mise en scène susceptible de préparer le sermon, en prenant en compte le contexte politique et social local. Le titre de la publication Annoncer lÉvangile illustre bien cette volonté de montrer que lannonce de la parole dépasse la parole
Emmanuel Bain ( Mis en ligne le 18/10/2006 ) Imprimer | | |
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