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Désaccord général sur les tarifs douaniers et le commerce | | | François Crouzet La Guerre économique franco-anglaise au XVIIIe siècle Fayard 2008 / 29 € - 189.95 ffr. / 424 pages ISBN : 978-2-213-63601-6 FORMAT : 15,5cm x 23,5cm
L'auteur du compte-rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Les chiffres ont un temps fasciné les historiens, principalement les démographes mais pas seulement eux, mais les modes et les approches changent, conduisant à une histoire culturelle ou à un renouveau de lhistoire politique. Aussi le dernier livre de François Crouzet, éminent spécialiste de lAngleterre hanovrienne et économiste, détonne-t-il quelque peu, moins par son sujet, la dimension économique de la rivalité opposant France et Angleterre au XVIIIe siècle, que par le traitement de celui-ci : lutilisation exclusive des statistiques douanières publiées par les deux pays.
La Guerre économique franco-anglaise au XVIIIe siècle est donc à prendre dabord dans le sens dune guerre commerciale, non pas tant pour le contrôle des routes de navigation la guerre proprement dite nest évoquée ici que pour expliquer les fluctuations des échanges, à la seule exception du chapitre XIII qui étudie les conditions du commerce en temps de guerre mais pour la possession des monopoles commerciaux. Encore faut-il rappeler quà cette époque, la théorie économique, marquée par le mercantilisme, spécule sur un volume fixe du commerce avec en arrière-pensée la hantise de voir les industries nationales seffondrer à cause des importations, doù la rivalité acharnée pour sattribuer une part importante du commerce, doù lapplication de principes protectionnistes et de monopoles, de marchés captifs, notamment entre une métropole et ses colonies.
Or le siècle des Lumières est aussi celui dune intensification de la colonisation par les deux puissances européennes principalement, un siècle de forte croissance commerciale (2,3 % par an pour les exportations françaises entre 1716 et 1789). La rivalité ne porte donc pas seulement sur les seuls échanges, légaux ou non, entre la France et lAngleterre mais aussi sur le commerce de produit mondiaux, dont lun, le sucre, voit triompher la production des Antilles françaises, réexportée dans toute lEurope (chapitre III), le sucre anglais étant, il est vrai, en grande partie absorbé par la population des îles britanniques.
A lexception des chapitres consacrés au sucre et à la traite des esclaves (chapitre XI), la méthode rigoureuse suivie par François Crouzet consiste à une déclinaison des différents espaces commerciaux, de lEurope du Nord (chapitre IV) aux Indes orientales (chapitre XII), en passant par les espaces ibériques (chapitres V et VI), le Levant (chapitre VIII) et lAmérique (chapitre X), pour lesquels sont comparées, décortiquées et analysées les données statistiques des deux pays.
Une méthode rigoureuse un premier chapitre se livre à une critique des sources - mais ô combien aride, ce dont lauteur prend soin de sexcuser à demi-mot dans son introduction. La richesse des données et des analyses fournies par La Guerre économique au XVIIIe siècle lexcusera sans peine, mais il est plus difficile au lecteur de pardonner la sécheresse du ton, qui donne parfois à penser que louvrage a été conçu comme une succession darticles scientifiques, mais aussi laspect un peu horrible de la froide comptabilité lorsque la traite est évoquée. Il ne faut cependant pas sen émouvoir outre-mesure, car une telle somme de travail se veut dabord un outil pour les chercheurs, même sil a dû concéder lappareil critique de mise en repoussant les notes en fin de volume.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 18/06/2008 ) Imprimer | | |