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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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La Grande guerre et ses clichés | | | François Cochet La Première Guerre mondiale Le Cavalier bleu - Idées reçues 2008 / 9.50 € - 62.23 ffr. / 126 pages ISBN : 978-2-84670-221-8 FORMAT : 10,5cm x 18cm
L'auteur du compte rendu : Thérèse Krempp mène une recherche en doctorat à l'Ecole des hautes études en sciences sociales sur l'armée française d'Orient pendant la Première Guerre mondiale. Avec Jean-Noël Grandhomme, elle a publié Charles de Rose, pionnier de l'aviation de chasse (éditions de la Nuée Bleue, septembre 2003). Imprimer
François Cochet, professeur dhistoire contemporaine à luniversité Paul Verlaine de Metz, nous propose une petite étude de certaines idées reçues liées à la Première Guerre mondiale.
La société française du XXIe siècle est fascinée par la Grande Guerre. Livres et films se multiplient. Cette vogue est-elle réellement profitable à lHistoire ? Rien nest moins sûr selon F. Cochet. Car cest plus la mémoire de la Grande Guerre que sa mise en histoire qui fait vendre aujourdhui. Or la mémoire est caricaturale : elle exagère et simplifie. Et de ce fait elle élabore des idées reçues, véhiculées ensuite par les médias. Lhistorien se doit de les nuancer.
Jusquaux années soixante, la mémoire française de la Grande Guerre est surtout patriotique et héroïsante. Depuis lors, la mémoire pacifiste a pris le dessus. «La culture des bons sentiments, si forte dans les médias, impose sa vision dune boucherie sans espoir et sans raison fondamentale, en déconnectant la guerre de son époque». Mais la mémoire se trompe souvent et lhistorien a le devoir intellectuel «daffirmer son rôle social de passeur de vérité». Il doit transmettre lHistoire. F. Cochet souhaite par ce petit ouvrage rétablir quelques faits, nuancer certaines idées reçues, et préciser certaines approches pour éviter les stéréotypes.
Le livre est divisé en quatre parties ; au sein de chacune lauteur se livre à une courte présentation de quelques clichés qui sont monnaies courantes. La première partie concerne lentrée en guerre. F. Cochet nous montre que si lassassinat de François-Ferdinand est plus quun prétexte, il nest pas la cause unique du déclenchement de la guerre. De plus, le jeu des alliances européennes na pas agi de façon mécanique et arbitraire pour déboucher sur la guerre. Au contraire, le système des alliances na pas complètement fonctionné durant lété 1914. Autre point abordé : la «fleur eu fusil». Le départ dans lenthousiasme est en fait une construction médiatique de lépoque et ne résiste pas aujourdhui à lanalyse. Cependant, il est vrai que la mobilisation sest effectuée dans le calme, sans mouvement dopposition, et avec une sorte de «résignation déterminée». La question de la guerre courte est également évoquée dans cette première partie.
La seconde partie sintitule : «Un nouveau type de guerre». Cinq thèmes y sont abordés : la supériorité matérielle des Allemands, la guerre de tranchées et les conditions de vie dans les tranchées, la bataille de Verdun et le travail des femmes. On a souvent dit que larmée allemande était mieux équipée que larmée française, mais il faut comprendre avant tout que Français et Allemands navaient pas préparé le même type de guerre. Limage qui simpose dans limaginaire collectif à propos de la Grande Guerre, cest celle de la tranchée. Il est intéressant dapprendre que le système de tranchée retranchement de campagne existe depuis le Moyen Âge et quil avait particulièrement été utilisé lors de la guerre russo-japonaise (1904-1905). Le retour à la guerre de mouvement en 1918, qui permet la décision finale, montre bien que la guerre de tranchée sest imposée aux états-majors comme aux soldats et na pas été véritablement choisie. Enfin, à propos du travail des femmes, F. Cochet nous apprend que la Grande Guerre ne constitue pas vraiment une période «révolutionnaire» pour lactivité féminine. Elle nest ni un commencement ni une grande transformation, mais plutôt un accélérateur des mutations déjà en cours.
La troisième partie de louvrage traite des hommes et des chefs : notamment Clemenceau et Pétain, les troupes coloniales, lentrée en guerre des États-Unis. Larrivée de Clemenceau à la tête du gouvernement et de Pétain à la tête des armées a marqué une volonté de changement, après 1917, dans la conduite de la guerre. La dernière partie de louvrage sintéresse à laprès-guerre, avec la question du traumatisme de la population, des profiteurs de guerre, de la création de la SDN, ainsi que la question de la «génération sacrifiée».
Dans ce petit ouvrage très précis lauteur prend comme point de départ quelques idées reçues et apporte un éclairage distancié et approfondi sur ce que lon sait ou croit savoir. Il noublie pas, chose si importante et parfois si négligée, de toujours remettre les événements dans leur contexte et de rappeler les mentalités de lépoque.
Thérèse Krempp ( Mis en ligne le 17/02/2009 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Vrai et faux dans la Grande Guerre de Christophe Prochasson , Anne Rasmussen , collectif Penser la Grande Guerre de Antoine Prost , Jay Winter La Grande Guerre de Jean-Jacques Becker
Ailleurs sur le web :Lien vers le site de l'éditeur (présentation de l'ouvrage) | | |
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