| |
Avertissement sans frais… | | | Victor Serge Ce que tout révolutionnaire doit savoir sur la répression La Découverte - Zones 2009 / 14,50 € - 94.98 ffr. / 176 pages ISBN : 978-2-355-22020-3 FORMAT : 14cm x 20,5cm
Annotations de Jean Rière. Préface d'Eric Hazan. Postfaces de Francis Dupuis-Déri et Richard Greeman.
L'auteur du compte rendu : Gilles Ferragu est maître de conférences en histoire contemporaine à luniversité Paris X Nanterre et à lIEP de Paris. Imprimer
La figure de Victor Serge (Victor Kibaltchitch 1890-1947) est relativement oubliée, une énième victime du système quil a contribué à porter sur les fonts baptismaux le communisme soviétique et qui a fini, tel Saturne, par dévorer une parti de sa progéniture. Anarchiste puis communiste, internationaliste membre actif du Komintern, trotskyste impénitent, il fait partie des premières victimes du stalinisme, exclu du parti (1928), emprisonné, proscrit finalement (1936) et partant finir sa vie au Mexique, sans toutefois rencontrer un Ramon Mercader. Bref, un témoin et un praticien de la révolution, une victime du stalinisme et un thuriféraire du Parti axiome trotskyste : le parti a toujours raison
envers et contre tous. Cest cet homme là que lon redécouvre par éclipses à loccasion de quelques rééditions : romancier, essayiste, historien, militant
Aussi faut-il savoir gré aux éditions de La Découverte, et à la collection «Zones», de présenter au public français un ouvrage depuis longtemps disparu, publié une première fois en 1925 et réédité en 1970 (chez Maspero, évidemment), Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression.
Un ouvrage qui pourrait sembler anecdotique, à mi chemin de larticle historique et du militantisme, dans une uvre foisonnante : une réflexion, adossée à des archives russes (celles de lOkhrana, la police secrète tsariste), sur la répression et la lutte anti-subversive
Infiltration, filature, manipulation, intoxication, retournement : Serge dévoile les méthodes de luttes de lOkhrana ainsi que ses agents infiltrés, traîtres à la cause (y compris des agents extérieurs, telle la figure également oubliée de Raymond Recouly)
Certes, le lecteur critique jettera sur cette prose dun homme du Komintern un regard prudent, faute darchives à croiser.
Un ouvrage rédigé en deux temps, depuis 1921 (lheure est à la victoire, dans la guerre civile qui déchire la Russie depuis 1917, et à la reconstruction) jusquen 1925
alors que la mort de Lénine et surtout lombre de Staline vont jeter sur la révolution bolchevique un voile neuf
Serge prend conscience de la machine bureaucratique et réalise - après Cronstadt la nocivité du système. Surtout, il se met, dans la deuxième partie du texte (chapitre 4) à réfléchir sur les moyens de la lutte : machine à écrire ou mitraillette, lalternative rituelle entre violence révolutionnaire et pédagogie politique
Aveu dun échec ou réflexion à plume haute ?
La présentation est amusante : la signalétique de la collection imite la littérature grise, et louvrage est nanti dune préface utile dEric Hazan (qui évoque la genèse de louvrage) ainsi que dune postface longuette de François Dupuis-Déri, qui fait un parallèle entre la lutte anti-subversive tsariste et le conflit entre altermondialistes et forces de sécurité un parallèle discutable mais qui semble désigner une postérité aux penseurs tels que V. Serge
Une seconde postface plus légitime celle-là -, de Richard Greeman, rappelle la trajectoire de Serge, une trajectoire encore éclairée par un texte conclusif, évoquant les violences politiques actuelles dans la Russie contemporaine
Autre temps, mais même murs. Bref, une lecture intéressante, qui permet de redécouvrir une voix oubliée - car contestataire - de la révolution soviétique, pour historiens et révolutionnaires en mal de comparatisme.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 10/11/2009 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Mémoires d’un révolutionnaire de Victor Serge | | |