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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Un coup dans l’eau
Maurice Dupont   Les Flottilles côtières de Pierre le Grand à Napoléon - de la Baltique à la Manche
Economica - Campagnes et stratégies 2000 /  30.53 € - 199.97 ffr. / 276 pages
ISBN : 2717840109
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La collection « campagnes et batailles » des éditions Economica a beaucoup fait pour promouvoir et réhabiliter l’histoire militaire, qui avait trop longtemps souffert d’être associée à l’histoire-bataille du XIXe siècle. Après un recentrage salutaire, sur ses aspects sociaux, politiques et institutionnels, les études militaires osent désormais retourner à l’événement et aux monographies ciblées, consacrées à une guerre ou une campagne. Riche de plus d’une trentaine de titres, bénéficiant d’une diffusion assez large, la collection aborde les thèmes les plus variés, des plus classiques, comme Fontenoy, Malplaquet et la défaite de 1940, aux plus exotiques, à l’image de la conquête du Mexique par Cortés ou d’autres guerres coloniales. Une large place a notamment été accordée à l’histoire maritime, avec près de dix titres, de Béveziers à Mers El-Kébir.

Le thème abordé par l’amiral Dupont est lui aussi original sans être anecdotique. On ne connaît finalement que peu de choses du célèbre épisode du camp de Boulogne, au cours duquel Napoléon rassembla la plus belle et la plus expérimentée de toutes les armées qu’il eut jamais sous ses ordres dans la perspective d’un débarquement en Angleterre. La postérité n’en a guère retenu que la rapidité avec laquelle il fondit sur ses adversaires autrichiens et russes pour récolter une gloire immortelle à Austerlitz. Les historiens qui se sont intéressés aux chances de réussite du projet napoléonien ne l’ont fait qu’à travers l’étude de la manœuvre navale imaginée par l’empereur, qui conduisit au désastre de Trafalgar. Personne ne s’était véritablement penché sur la flottille rassemblée à Boulogne, ni sur les antécédents historiques d’un tel projet. Malheureusement, l’étude réalisée par l’amiral Dupont, qui comble un vide certain, est un relatif échec.

Dans le premier tiers de l’ouvrage est décrite l’histoire de la naissance de ces flottilles côtières dans la mer Baltique. Elles jouèrent en effet un rôle très important dans les conflits qui opposèrent les principales puissances de cette région, notamment le Danemark, la Suède et la Russie. La rigueur du climat et la multitude d’îles à conquérir, de détroits à franchir, de batteries côtières à faire taire les rendaient indispensables pour transporter les armées, les ravitailler et les soutenir de leur feu. Il faut bien le dire, le récit par le menu que l’auteur fait de toutes les opérations navales qui s’y déroulèrent aux XVIIe et XVIIIe siècles est assez fastidieux et décousu. En voulant parler de tout, l’amiral Dupont est contraint d’adopter un style elliptique qui rend la bonne compréhension des campagnes ardue. De plus, le lecteur n’arrive pas à dégager les grandes lignes de l’évolution du matériel et de l’emploi des flottilles d’archipel au cours de ces deux siècles. Il aurait été plus utile de ne sélectionner que quelques engagements particulièrement importants ou significatifs d’une innovation tactique ou technologique. De même, le croquis des différents types de navires apparus pendant cette période, comme les prames, les demi-galères russes ou les frégates d’archipel suédoises, fait cruellement défaut.

Durant la guerre de Sept ans, dans le cadre de leurs projets d’invasion de l’Angleterre, les Français virent dans la construction de flottilles inspirées de l’exemple baltique une solution au problème apparemment insurmontable que constituait le transport et le débarquement d’une armée entière sur les côtes ennemies. Cet intérêt nouveau connut un développement supplémentaire pendant la Révolution. On crut alors que les flottilles pourraient compenser à elles seules l’infériorité navale française, et permettraient de franchir par surprise et sans dommages la Manche. Malheureusement, l’amiral Dupont parle trop des plans d’invasion et des opérations navales n’ayant qu’un rapport très indirect avec le sujet de l’ouvrage, et pas assez des flottilles. Ce reproche vaut également pour la période napoléonienne. Il était inutile d’évoquer avec autant de détail l’expédition d’Egypte ou même la grande campagne navale qui déboucha sur Trafalgar. Il suffisait de rappeler que la flotte de haute-mer ne fut jamais en mesure de disputer aux Anglais le contrôle de la mer, et encore moins celui de la Manche. Au lieu de simplement replacer l’histoire des flottilles françaises dans le contexte des opérations navales, l’auteur ne fait qu’un résumé, trop succinct pour être intéressant, de tout ce qui a marqué les annales de la marine au XVIIIe siècle. Au lieu d’être le centre de son ouvrage, les flottilles n’en forment qu’un élément privilégié.

C’est dommage, car l’étude de la flottille du camp de Boulogne est bien menée. On comprend enfin que la Manche est loin d’être une mer facile, avec ses courants et ses vents violents et incertains. L’amiral Dupont montre à quel point les infrastructures portuaires françaises étaient défaillantes. Les différents types de navires composant la flottille sont bien décrits, dessins à l’appui, et une judicieuse sélection de quelques escarmouches navales illustre toutes les limites des chaloupes-canonnières et autres bateaux canonniers, incapables de s’éloigner des côtes sans courir le risque d’être arraisonné par l’ennemi ou sévèrement endommagé par la tempête. Une intéressante annexe donne par ailleurs la liste des autres combats navals impliquant des petites unités en Manche et Mer du Nord de 1803 à 1808. Il est donc regrettable que cette partie de l’ouvrage soit marginale par rapport au reste.

Quant à la forme, il y a beaucoup à redire. L’auteur use d’un style pour le moins laborieux, émaillé d’expressions malheureuses. Certaines ne prêtent pas à conséquence. Ainsi, l’amiral Dupont dit de la réponse de Napoléon à une demande de Decrès qu’elle « gicla aussitôt ». On espère pour ce dernier qu’elle n’aura fait que fuser. D’autres sont plus graves. Il fait une interprétation caricaturale du droit de remontrance des cours souveraines quand il affirme que les parlements refusèrent de « voter l’impôt » pendant la guerre de Sept ans. Il qualifie madame de Pompadour de « premier ministre sans le titre », ce qui est ridicule. Il s’étonne que Choiseul n’ait pas été emprisonné après qu’il eut reproché au roi la négligence avec laquelle il traitait la marine de guerre, prenant sans doute Louis XV pour un despote oriental, entièrement dominé par ses maîtresses, disposant de la vie de ses sujets sur un simple claquement de doigts. L’auteur a également la manie, toute militaire, d’user d’une débauche de majuscules. L’Armée, la Flotte, la Première Flottille, la Seconde, la Troisième, le Chef, le Groupe, la Brigade, le Plan, le Programme, le Grand Rêve, le Grand Dessein, tout y passe, et donne parfois l’impression que l’auteur a plaqué des concepts tout droit sortis de l’Ecole navale sur des réalités sans doute moins institutionnalisées.

Enfin, l’amiral Dupont fait fréquemment montre d’un esprit un peu trop cocardier. Il met ainsi entre guillemets Frédéric « le Grand », comme si les bons ou les mauvais points se décernaient en fonction de l’attitude des souverains étrangers vis-à-vis de la France. Il répète à deux reprises que le retour réussi de Bonaparte en France après l’expédition d’Egypte fut « un beau bras d’honneur » fait à Nelson. Certes, la flotte française avait été entièrement détruite à Aboukir et l’armée d’Egypte désormais abandonnée à elle-même sans le moindre espoir de retour, mais pour un bras d’honneur, ah ça, quel beau bras d’honneur !

En somme, un sujet intéressant, un livre apportant indéniablement des éclairages nouveaux, mais un récit mal dominé, dérivant trop souvent de son cap pour se perdre dans les méandres de l’anecdotique ou du déjà-vu.



Amable Sablon du Corail
( Mis en ligne le 10/07/2001 )
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