L'actualité du livre Vendredi 29 mars 2024
  
 
     
Le Livre
Histoire & Sciences sociales  ->  
Biographie
Science Politique
Sociologie / Economie
Historiographie
Témoignages et Sources Historiques
Géopolitique
Antiquité & préhistoire
Moyen-Age
Période Moderne
Période Contemporaine
Temps Présent
Histoire Générale
Poches
Dossiers thématiques
Entretiens
Portraits

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

''L'invraisemblable vérité''
Jan Karski   Mon témoignage devant le monde
Seuil - Points 2011 /  8 € - 52.4 ffr. / 570 pages
ISBN : 978-2-7578-2136-7
FORMAT : 11cmx18cm

Traduction de Céline Gervais-Francelle

Première publication française en mars 2010 (Robert Laffont)

Imprimer

Story of a Secret State est rédigé et publié aux États-Unis en 1944. Anonymement traduit en français en 1948 (Éditions Self ; traduit dans plusieurs langues, l’édition polonaise date de 1999), Mon témoignage devant le monde. Histoire d’un État secret est réédité en 2004 (Éditions Point de Mire, préface Jean-Louis Panné ; le 30 avril 2010, Pascal Galodié publie Jan Karski, le "roman" et l'histoire - Suivi de documents, entretiens et articles de Jean-Louis Panné). La troisième édition française de l’ouvrage, introduite et annotée par Céline Gervais-Francelle paraît le 8 mars 2010, en pleine polémique autour de l’appropriation diverse de ce témoignage et la crainte de possibles dérives vis-à-vis de l’Histoire (aujourd'hui en format poche).

Comme il le souligne à plusieurs reprises, l’auteur de Mon témoignage… «ne raconte que ce que lui-même a vécu, vu, entendu». Aussi est-ce un grand plaisir de lire Karski «dans le texte», avec l’accompagnement discret et érudit de Céline Gervais-Francelle. Cette dernière est maître de conférences honoraire d’histoire contemporaine à l’université Paris I-Sorbonne. Elle est responsable de la commission Histoire de la Pologne de la Société française d’études polonaises. Chaque annotation résulte de recherches approfondies, précisément référencées.

L’aspect le plus connu du passé du résistant catholique polonais (de son vrai nom Kozielewski, né à Lodz en 1914, mort à Washington en 2000) est d’être le premier, en plein conflit mondial, à avoir témoigné de «l’invraisemblable vérité» : l’extermination des Juifs en Pologne par les nazis. Ce n’est pas sa seule contribution. Son «témoignage…» rédigé à New York en six mois (de février à juillet 1944) ressemble à un passionnant roman d’aventures mais ici, il ne s’agit pas de fiction. À peine certains noms ou faits ont-ils été masqués pour rester secrets. Alliant l’humour, voire l’autodérision, à des analyses historiques, J. Karski sait captiver son public en racontant le vécu détaillé des années à peine écoulées avec un étonnant recul et un réel talent d’écrivain.

Des talents, il en possède bien d’autres : à la veille de sa mobilisation en août 1939, il a achevé ses études de droit et de diplomatie, parle couramment anglais, français et allemand ; son service militaire lui confère le titre de lieutenant dans l’artillerie montée. Il est de plus orateur aisé, sportif accompli, bel homme, d’allure distinguée de surcroît, d’après ses photos. Aujourd’hui, on parlerait de «surdoué». Mais pas plus que ses contemporains, il n’est en mesure de prévoir l’ampleur ni la durée du désastre de la guerre qui paradoxalement exaltera et brisera son glorieux destin.

Fait prisonnier de l’Armée Rouge dès les premières heures, il s’évade et entre dans la résistance. En tant qu’émissaire politique du gouvernement en exil de son pays, ses mandats consisteront à porter la parole secrète alors que le gouvernement de son pays est en exil en France puis à Londres. Il transmettra aussi des rapports, des microfilms et de l’argent en franchissant les frontières par tous les moyens. En raison de capacités, notamment mnésiques, peu communes, il se voit confier des mandats périlleux qui le «remplissent de fierté». Arrêté et torturé par la Gestapo lors de l’été 1940, il tente de mourir pour «échapper au déshonneur et à la honte de trahir» puis reprend son combat contre l’occupant à travers des missions de plus en plus lourdes, tandis que la Résistance s’organise dans la durée.

En dépit de la répression massive, s’installe en effet un «état clandestin», doté d’un bureau hiérarchisé, d’une presse, d’une armée de l’intérieur et d’une école. Le rôle sacrificiel des femmes agents de liaison y est salué avec déférence et compassion. En 1942, l’émissaire Karski sera envoyé à Londres via un long périple pour rencontrer son gouvernement et témoigner auprès des alliés anglais et américains de l’état de la Résistance polonaise. C’est dans cette perspective que sera effectué le rapport sur le ghetto de Varsovie à partir des suppliques conjuguées des représentants des organisations juives (sioniste et bundiste) et surtout en ayant vu, à deux reprises comme pour mieux y croire, la «cité de la mort». Plus insupportable encore sera la «visite» du camp d’extermination Izbica Lubelska où J. Karski est le témoin visuel, olfactif et auditif des corps déshumanisés et amoncelés dans les trains dont la seule destination est la mort programmée. Mais sans images pour preuve, il craint de ne pas être entendu. L’auteur du rapport aurait certainement apprécié la remarquable exposition «Filmer les camps» récemment proposée au Mémorial de la Shoah.

La rencontre à Londres avec le général Sikorski lui vaut une reconnaissance médaillée de son mérite. Il se dit «impressionné» par ses deux entrevues avec Anthony Eden. Reçu aussi par d’autres responsables politiques, culturels et religieux, dont celui de la Commission des crimes de guerre des Nations Unies récemment créée, Jan Karski constate que les actes résistants polonais, noyés parmi d’autres, n’ont pas le même écho à Londres qu’à Varsovie : «l’Europe tout entière restait passive ou transigeait». La spécificité de la résistance polonaise, intolérante aux compromis, n’est pas reconnue. Le 9 juin 1943, Jan Karski est à New York pour transmettre à nouveau sa requête auprès de nombreuses personnalités, des représentants des milieux juifs sionistes (dont le juge Felix Frankfurter souvent cité pour le «je ne vous crois pas» qu’il aurait prononcé). Le 28 juillet 1943 a lieu durant une heure quinze, en présence de l’ambassadeur, la rencontre avec «l’homme le plus puissant du monde, représentant la nation la plus puissante du monde». Le Président Franklin Roosevelt «semblait avoir tout son temps et être inaccessible à la fatigue». Il s’est renseigné très précisément sur toutes les modalités de la résistance polonaise, sur la véracité des exactions des nazis envers les juifs. «De même que Sikorski, il voyait plus loin que son propre pays, sa vision embrassait l’humanité tout entière».

Mission terminée. Pendant plus d’un quart de siècle, l’Europe oublie J. Karski, ce personnage peu ordinaire, jusqu’à ce que Claude Lanzmann filme en 1978 son éprouvant témoignage sur les camps dans le cadre de Shoah (Cf. son ouvrage Le Lièvre de Patagonie paru en 2009 chez Gallimard, et l’entretien sur publicsenat du 2 avril 2010 avec J.M. Colombani.). Il a alors 64 ans. Le public découvre sur l’écran en 1985 un homme blessé, hanté par des images insoutenables dont la parole n’a pas changé le cours de l’Histoire. Selon ses biographes, cités par Céline Gervais-Francelle, aux années de silence correspond aussi la difficile insertion d’après guerre : anti-communiste à l’est, suspect de communisme à l’ouest, il s’est vu rayé de la carrière diplomatique.

Surgit alors l’autre facette, celle grandiose du Phénix capable de reconstructions inattendues. Lors de la deuxième journée de tournage de Shoah, il se montre sous le jour du patriote héroïque, flatté d’avoir côtoyé les plus grands de ce monde. C’est ainsi qu’il a abandonné son patronyme pour devenir le Professeur Jan Karski, citoyen américain, universitaire en sciences politiques, reconnu et apprécié, auquel les honneurs justifiés seront enfin rendus. En 1982, J. Karski est élevé au rang de «Juste parmi les nations» suite à sa participation en 1981 à la «Conférence internationale des libérateurs des camps de concentration» organisée par Élie Wiesel et le Conseil américain du Mémorial de l’Holocauste.


Monika Boekholt
( Mis en ligne le 25/01/2011 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • Jan Karski
       de Yannick Haenel
  • Le Lièvre de Patagonie
       de Claude Lanzmann
  • Jan Karski. Le ''roman'' et l'histoire
       de Jean-Louis Panné

    Ailleurs sur le web :
  • Lien vers l'entretien de Claude Lanzmann sur PublicSénat
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd