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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Annette Becker Les Cicatrices rouges. 14-18 - France et Belgique occupées Fayard 2010 / 24.50 € - 160.48 ffr. / 380 pages ISBN : 978-2-213-65551-2 FORMAT : 13,5cm x 21,5cm
L'auteur du compte rendu : Thérèse Krempp mène une recherche en doctorat à l'École des hautes études en sciences sociales sur l'armée française d'Orient pendant la Première Guerre mondiale. Avec Jean-Noël Grandhomme, elle a publié Charles de Rose, pionnier de l'aviation de chasse (éditions de la Nuée Bleue, septembre 2003). Imprimer
Le dernier ouvrage dAnnette Becker est consacré aux territoires occupés par larmée allemande pendant la Première Guerre mondiale sur le front occidental. Lessentiel de la Belgique mais aussi dix départements français du Nord et de lEst de la France ont vécu «à lheure allemande» entre 1914 et 1918. Annette Becker avait déjà traité du même sujet dans un ouvrage publié en 1998 : Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et culture de guerre, populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre.
Lhistorienne utilise le terme «outre-guerre» pour qualifier ces territoires situés derrière, au-delà des tranchées, mais aussi pour qualifier cette expérience de guerre particulière que constitue une occupation militaire, expérience particulière à la fois pour les occupés et pour les occupants. Pour lauteur, qui inscrit une fois de plus son analyse dans le cadre de la violence de guerre et de la guerre totale, les territoires occupés (ou envahis, la nuance nest pas neutre) sont des lieux dexpérimentation consciente ou inconsciente dune violence jusque-là inconnue. Cest un «laboratoire pour le XXe siècle : un terrain dexpérience de la violence, un lieu dessai pour la mettre en pratique et optimiser ses effets sur les hommes et sur le matériel».
Lanalyse commence par les exactions et atrocités qui ont suivi linvasion des troupes allemandes en 1914. Agresseurs et agressés ont construit chacun une représentation de lautre qui leur permit de justifier leur haine et les actes qui en découlaient. La peur irrationnelle des francs-tireurs, le blocus allié envers lAllemagne, puis la volonté, en 1918, de ne laisser aucune ressource au futur vainqueur expliquent les destructions, les arrestations arbitraires, la détention dans des camps de concentration, les déportations.
Chaque chapitre présente un type de comportement de loccupé ou de loccupant ou bien un type de violence consécutif à linvasion. Ainsi, un chapitre est consacré à ceux qui ont fui devant larrivée des Allemands et qui ont essayé de trouver refuge sur des territoires non occupés. Mal perçus par une population préservée de la guerre sur son sol, ces réfugiés ont souvent été assimilés à des parasites, des lâches, et traités de «Boches du Nord». Un autre type de souffrance est étudié : la famine. En effet, leffondrement de la production agricole, lié bien évidemment à la guerre, et les réquisitions multiples ont entraîné disette puis famine, particulièrement dans les villes, dès la fin de lannée 1914. Laide internationale se mit alors en place, notamment par lintermédiaire du Committee for Relief of Belgium (Comité pour le secours de la Belgique), au sein duquel le futur président des États-Unis Herbert Hoover a joué un rôle décisif.
Le dernier chapitre du livre sintitule «Juger, oublier, rappeler». Ceux qui sétaient rendus coupables dintelligence avec lennemi ont été jugés après la guerre pour «faits de collaboration». Si ces cas furent très rares (83 affaires et 43 condamnés dans le Nord de la France), ils ont suscité un intérêt local extrêmement fort. Très vite cependant les souffrances endurées par les populations des régions occupées ont été en France du moins totalement oubliées ou refoulées. Et selon Annette Becker, cette amnésie qui a entouré les violences de loccupation pendant la Première Guerre mondiale a empêché les contemporains de comprendre «les points communs observables durant la Seconde Guerre mondiale».
Thérèse Krempp ( Mis en ligne le 08/03/2011 ) Imprimer
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