| Victor Serge Les Hommes dans la prison Flammarion - Climats 2011 / 18 € - 117.9 ffr. / 265 pages ISBN : 978-2-08-122314-1 FORMAT : 13,5cm x 21cm
Préface de Richard Greeman
Voir également, réédités en mars 2011 par Flammarion :
- Victor Serge, Naissance de notre force, 277p., 18, ISBN : 978-2-08-124875-5
- Victor Serge, Ville conquise, 278p., 18, ISBN : 978-2-08-124874-8 Imprimer
Coupable davoir hébergé quelques amis auteurs de hold-ups meurtriers (la bande à Bonnot), puis de ne pas les avoir dénoncés malgré un total désaccord avec leurs façons dagir, Victor Serge (1890-1947) écope de quatre années de prison. Il est dabord incarcéré à Fresnes puis à La Santé et enfin à Melun jusquà sa libération en 1916. Cest en 1930 quil relatera dans ce «roman» son expérience carcérale. Dès les premiers pages, on prend note du caractère tranché de son auteur. Incorruptible et courageux.
Un roman qui nen est pas véritablement un, si ce nest, peut-être, grâce à lenchaînement des dialogues et des anecdotes entre prisonniers que lauteur relate quinze ans après les faits. Mais tout est vrai, comme le confiera Serge, dans ce témoignage des bas-fonds carcéraux. Cest cet aspect réaliste dans la description, et populaire dans le ton, qui ressort de ces pages. Victor Serge, anarchiste, puis communiste et trotskiste, nétait pas un enfant de cur. Et son écriture est à limage de son existence : mouvementée, brutale et parfois maladroite.
Serge mêle ici à la fois la chronique simple et chirurgicale du monde de lenfermement avec son cortège de solitude, de désespoir, de déshumanisation, de maladie, de morbidité et de mort, et le roman populaire avec ses tics de langage, ses personnages hauts en couleur et fantomatiques, et ses situations vaines. Serge, au moyen de la littérature, replonge dans ses souvenirs et dans les cachots de la Santé des années 1910. Le lecteur devient le témoin peu banal des frasques et des petitesses des uns et des autres, et de la tristesse de tous. Pas ou peu despoir dans ces pages écrites au charbon, mais de la sueur, des larmes et de la violence. Une densité à la fois formelle et sociale née dune plume, parfois difficilement lisible, qui dresse un tableau réel et noir de ces années dincarcération. On nest pas loin de Francis Carco par la description de ce prolétariat révolutionnaire et de cette population délinquante. Serge est seul dans sa cellule crasseuse ou sur son lit dhôpital mais lécrivain observe les bassesses et les espoirs de ses compagnons dinfortune, les geôliers et les directeurs y compris.
Reste que contrairement à ce quécrit Greeman dans sa préface, Serge nest pas Dostoïevski ; et l'on est loin du chef-duvre qu'est Récit de la maison des morts. Certes lunivers carcéral et linjustice qui y règne sont évoqués (malgré les différences dépoque et de système politique décrits par les deux écrivains.), mais Serge na pas le souffle littéraire du génie russe. Son style, trop en osmose avec son récit et donc non distancié, laisse parfois de marbre. Il y manque ce quelque chose qui ferait de ce témoignage un classique des livres de prison.
Mais il est bon de redécouvrir cet auteur hybride, ce révolutionnaire antistalinien qui annonce déjà avec ce livre des uvres plus achevées comme Naissance de notre force (1931) et Ville conquise (1932), également réédités tout récemment par Flammarion. On attend également la réédition de son grand roman Sil est minuit dans le siècle (1939) qui traite des purges staliniennes.
Les Hommes dans la prison est une curiosité littéraire, un peu comme Victor Serge, un auteur quil faudrait réhabiliter définitivement.
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 24/05/2011 ) Imprimer
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