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De Péguy à Houellebecq
Michel Winock   L'Effet de génération - Une brève histoire des intellectuels français
Thierry Marchaisse Editions 2011 /  14 € - 91.7 ffr. / 130 pages
ISBN : 978-2-362-80002-3
FORMAT : 14cm x 20,5cm

L'auteur du compte rendu : agrégée d’histoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur émérite de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié L’Histoire en France du Moyen Âge à nos jours. Introduction à l’historiographie (Flammarion, 2002).
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Historien, né en 1937, professeur émérite des Universités à Sciences Po, Michel Winock a été l’un des pionniers de l’histoire des intellectuels et, dans ce domaine, son ouvrage Le Siècle des intellectuels (prix Médicis Essai, 1997, même année de publication que son Dictionnaire des Intellectuels français, avec J. Julliard) demeure une référence. Il a aussi publié en 2001 Les Voix de la liberté.

L’Effet de génération, que publient aujourd’hui, avec une élégante maquette, les éditions Thierry Marchaisse, reprend, en les développant, des articles parus dans diverses revues (Vingtième siècle, revue d’histoire, Mil neuf cent, Le Débat, L’Histoire). Rien de très neuf donc pour ceux qui connaissent l’œuvre de l'historien, mais l’occasion pour un plus grand public de la découvrir.

C’est de génération intellectuelle que nous parle Michel Winock dans ce stimulant essai en proposant d’emblée une définition : «En se référant à cet épisode fondateur (l’affaire Dreyfus), on définira l’intellectuel comme celui qui, ayant acquis une réputation ou une compétence reconnue dans le domaine cognitif ou créatif, scientifique, littéraire ou artistique, use de son statut pour intervenir dans l’espace public sur des questions qui ne concernent pas sa spécialité, mais l’ensemble de la communauté politique à laquelle il appartient». (pp.5-6). A partir de cette définition, Michel Winock propose de distinguer trois types d’intellectuels : ''l’intellectuel critique'' (par exemple Voltaire ou Zola qui parlent et contestent les autorités au nom de leurs convictions), ''l’intellectuel organique'' (dont l’exemple peut être François Guizot, qui défend un régime au nom de la cohésion sociale) et ''l’intellectuel partisan'' (exemples : Maurras ou Henri Barbusse qui défendent avant tout une cause ou un parti). L’intellectuel partisan est celui-là même que Julien Benda met en accusation dans La Trahison des clercs.

Le projet de Michel Winock est d’appréhender ces intellectuels et leurs manifestations par une approche générationnelle. Se pose alors à nouveau la question de la définition pour un concept qui par ailleurs ouvre une grille d’analyse fort intéressante. La génération ne se confond pas absolument avec la classe d’âge (à la différence de l’approche d’Albert Thibaudet dans son Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours) d’autant que les hasards de la vie font que certains individus font des choix qui ne sont pas ceux de leurs exacts contemporains. Ceci étant, la formation qu’a reçue une génération donnée (enseignement, etc.) est un critère fort pour prendre en compte ses opinions. Autre critère, un événement fondateur : crise, guerre, choix idéologiques, etc.

A partir de ces réflexions de départ, Michel Winock identifie des générations successives d’intellectuels : générations de l’affaire Dreyfus, d’Agadir, du Feu, de la crise, de la Résistance/Vichy, de la guerre froide, de 1968, la plus jeune pouvant être... une génération Mitterrand ? Et il constate que le ciment est plus ou moins fort ; ainsi, il considère que pour la génération de la guerre froide, il serait sans doute plus juste de parler de strate : «Strate générationnelle dans l’histoire du communisme français, dans l’histoire du catholicisme, dans l’histoire des courants intellectuels, mais non génération au plein sens du terme» (p.41).

L’approche générationnelle peut être particulièrement pertinente lorsqu’il s’agit d’analyser une institution, de suivre par exemple une revue, mais Michel Winock reste prudent : «Cette approche générationnelle, il ne faut pas lui demander trop ; il ne faut pas davantage la mépriser. Elle ne peut être une explication globale du champ intellectuel - ou de tout autre domaine étudié. Facteur causal à côté d’autres déterminants, l’effet de génération doit jouer son rôle dans la partition mise en œuvre par l’historien» (p.57).

Après avoir abordé la figure de «l’écrivain engagé» et étudié des cas précis - Brasillach, Sartre et Aron -, Michel Winock se pose la question de l’essor ou du déclin des intellectuels, et répond en considérant qu’au début du XXIe siècle s’impose une autre typologie, en reprenant Michel Foucault qui opposait «l’intellectuel spécifique» à «l’intellectuel universel». L’intellectuel spécifique parle en fonction de sa capacité d’expertise, à ce titre Pierre Bourdieu s’impose, qui apparaît comme le successeur de Michel Foucault. Le «grand écrivain» a disparu, laissant désormais la place à l’intellectuel qui reste dans le champ de ses compétences ; à titre d’exemple, Michel Winock donne Véronique Vasseur, auteur de Médecin chef à la Santé, ou encore Irène Frachon qui n’a eu de cesse que soit entendues ses dénonciations du médicament Médiator.

A ces deux catégories, il convient d’en ajouter une troisième : ''l’intellectuel anonyme'' qui prolifère dans une société dont le nombre de bacheliers et d’étudiants a considérablement augmenté et dans laquelle les moyens de communication, l’accès à la parole s’ouvrent à un nombre croissant d’acteurs. Dans ce déferlement de parole et de prises de position, les intellectuels ont tendance à se réfugier dans la critique de la «modernité» (Murray, Finkielkraut…) ou à y consacrer leur œuvre : «Au demeurant le pourfendeur le plus réputé de ce qu’il appelle «l’optimisme con» est sans contredit Michel Houellebecq, qui, de roman en roman, se révèle le caricaturiste le plus acéré du monde moderne : le vide existentiel de ses personnages décérébrés, automates sans émotion, sans but, incapables d’amour ou d’amitié, conditionnés par la publicité et les medias, compose une repoussante comédie humaine des temps nouveaux» (p.130). Contre «l’à-quoi-bonisme» qui caractérise nombre d’entre eux, Michel Winock invite les intellectuels en conclusion à tenter de «donner un sens aux temps obscurs où nous vivons». L’enjeu fort est là pour Michel Winock : que des penseurs se lèvent dans notre société !

Un essai intéressant qui permettra aux lecteurs ignorant l’œuvre de Michel Winock de la découvrir et à ses lecteurs de retrouver ses grands thèmes.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 01/11/2011 )
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