| Hal Vaughan Dans le lit de l’ennemi - Coco Chanel sous l’Occupation Albin Michel 2012 / 20,90 € - 136.9 ffr. / 374 pages ISBN : 978-2-226-24392-8 FORMAT : 15,5 cm × 22,5 cm
Guillaume Marlière (Traducteur) Imprimer
Coco Chanel a longtemps incarné lélégance française. Elle a par ailleurs contribué à profondément révolutionner limage de la femme dans la société moderne, et donné son nom à lune des plus prestigieuses maisons de couture au monde. Personnage emblématique sil en est, Coco Chanel avait déjà fait lobjet douvrages biographiques, dont celui classique, L'Irrégulière ou mon itinéraire Chanel, signé par Edmonde Charles-Roux en 1974.
Avec le livre Dans le lit de lennemi. Coco Chanel sous lOccupation, Hal Vaughan, ancien diplomate et écrivain américain, renouvelle tout à fait la question à partir de létude darchives récemment déclassifiées. Pour ce faire, il rapporte des preuves irréfutables des (nombreux) actes de collaboration de Gabrielle Chanel avec les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Cet ouvrage est assorti dannexes et de photographies, dont notamment un document des services despionnage allemands, lAbwehr, notifiant limmatriculation de Coco Chanel sous le pseudonyme de «Westminster» dans les services secrets du IIIe Reich. Son nom de code provient du fait que, pendant longtemps, elle entretint une correspondance amicale avec Winston Churchill, quelle avait connu lorsquelle fréquentait le duc de Westminster. Il sagissait, pour les Allemands, dun «V-Mann».
Non contente de pratiquer avec vigueur la collaboration horizontale, elle fut donc recrutée en 1940. La créatrice entretint alors une relation passionnelle avec le baron Hans Günther von Dincklage, un espion allemand de haut rang, lequel fut longtemps considéré à tort comme un play-boy inoffensif. Coco Chanel fréquenta, au surplus, avec une déconcertante assiduité, une petite clique de collaborateurs fort actifs. Elle ne se contenta pas de trahir sa patrie, elle ajouta à sa triste panoplie de traitresse la pire fourberie. Dincklage favorisa les relations de Coco Chanel avec les plus hauts dignitaires nazis, ce à Paris comme à Berlin. Il lui permit de vivre à lhôtel Ritz, où avait pour habitude de se rencontrer le fin «gratin» du monde de lOccupation et de la collaboration. Les Allemands avaient en effet affecté le Ritz à la réception des hautes personnalités nazies. Très rares étaient les non-allemands autorisés à vivre dans le luxueux hôtel. Pour des questions de sécurité, lhôtel était gardé par des sentinelles allemandes.
Alors que daucuns vécurent des années très noires durant lOccupation (rationnement, pénurie, déportation, etc.), Coco Chanel vécut quant à elle dans la plus insolente opulence. Elle fut donc arrêtée à la fin de la guerre par les FFI. A la Libération, cest Churchill qui la sauva des griffes des Forces Françaises de lIntérieur. Ensuite, par précaution, elle senfuit en Suisse avec son amant nazi. Deux ans après la Libération, le 16 avril 1946, un mandat damener «urgent» fut lancé contre elle par le juge dinstruction Roger Serre.
Dans cet ouvrage très documenté et précis, Hal Vaughan réussit à reconstituer latmosphère du tout-Paris de l'époque On passe de légarement amoureux à lhistoire dune aventurière. A partir de 1945, Coco Chanel se mit à acheter le silence de tous ceux qui avaient connu ses relations on ne peut plus troubles avec lOccupant. Dans ce même esprit, elle demanda aussi à Michel Déon de lAcadémie française décrire une biographie, en partant de son point de vue à elle
On nest jamais mieux servi que par soi-même !
Le livre dHal Vaughan est passionnant. Cette enquête a le mérite de rétablir une vérité historique méconnue, sinon occultée. Il convient peut-être de méditer cette réflexion du professeur Georges Minois, qui affirme, dans sa récente Histoire de la célébrité, que «le peuple en effet est incapable de discerner les vrais des faux grands hommes» (p.322).
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 30/10/2012 ) Imprimer
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