Catherine Guigon Les Cocottes. Reines du Paris 1900 Parigramme 2012 / 45 € - 294.75 ffr. / 190 pages ISBN : 978-2-84096-727-9 FORMAT : 25,7 cm × 32,0 cm
Lauteur du compte rendu : agrégée dhistoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur honoraire de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié LHistoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à lhistoriographie (Flammarion, 2002). Imprimer
Les éditions Parigramme ont conçu une superbe maquette pour louvrage de la journaliste Catherine Guigon : couverture habillée dun tissu jaune dor, incrustation dune photographie en noir et blanc de la très belle Cléo de Mérode, louvrage parle demblée de luxe, d'élégance, de féminité
Un livre tout entier dédié aux femmes que lon nommait dans le meilleur des cas «demi-mondaines» («une demi-mondaine est une femme qui se donne à un homme sur deux» - Sacha Guitry), ou encore «cocottes», ces petites surs de lOdette de la Recherche, qui avaient fait de la séduction leur métier et occupèrent de façon plus ou moins durable le haut du pavé parisien à une époque - la Belle ! - où Paris était encore capitale internationale. Leur période de gloire commence avec la «fête impériale», sous Napoléon III on les nommait alors «biches» ou «lionnes» : Hortense Schneider, La Païva, la comtesse de Castiglione mènent grand train de courtisanes enviées et en vue.
Avant dentrer dans le texte, on plonge dans les images. Catherine Guigon a rassemblé une iconographie abondante et bien choisie qui présente ces dames, toutes superbes et dune beauté qui souvent simpose encore aujourdhui, alors que notre regard et nos codes esthétiques ont évolué depuis 1900
Recueil de belles photographies, en noir et blanc ou colorisées, mais aussi de dessins, caricatures, affiches, sur scène ou en privé, qui les montrent habillées
plus ou moins !
Venues dans de nombreux cas de milieux modestes ou pauvres, elles sont les artisanes de leur réussite spectaculaire, qui démarre souvent sur une scène de théâtre ou de ballet. Elles profitent pleinement du renouvellement des salles de spectacle, des revues, du joyeux Montmartre. Femmes «entretenues», elles gèrent leur carrière avec efficacité et sans scrupule. Elles lancent les lieux à la mode, sont aimées des rois, collectionnent les riches amants, accumulent les bijoux, paradent dans leurs hôtels particuliers pour des journalistes avides de sensationnel. Elles savent se mettre en valeur, sont rivales et sans pitié entre elles. Plaire est une occupation à plein temps et leur métier ; elles sy consacrent entièrement, soucieuses de leurs toilettes, présentes partout où il faut être : bois de Boulogne, hippodromes, patinoires, sans oublier les cafés et restaurants étapes obligées de «la tournée des grands ducs», au premier rang desquels Maxims ; Riviera lhiver, Paris en saison... Elles sont très modernes dans leur façon de saisir loccasion, de faire lactualité. Conscientes de leur image, intelligentes, elles ont souvent écrit leurs mémoires et construit leur légende de leur vivant : on nest jamais si bien servi que par soi-même. Femmes à hommes, elles nen apprécient pas moins les femmes et Catherine Guigon consacre un chapitre à leurs amours saphiques : ''Du côté de Lesbos''.
Un jour pourtant ces dames vieillissent, et le dernier chapitre intitulé «Des fins édifiantes» est émouvant, illustré entre autres par deux belles photos de Cléo de Mérode et de la belle Otero très âgées, mais encore séduisantes, chacune à sa façon. Face à ladversité qui a souvent marqué la seconde partie de leur vie, elles ont montré du panache. Mata Hari refuse de se laisser bander les yeux face au poteau dexécution : «Nayez pas peur. Je sais comment mourir». Certaines meurent dans la misère, telle Emilienne dAlençon, dautres dans la piété, cest le cas de Liane de Pougy, devenue tertiaire de lordre de saint Dominique. Ruinée par les fonds russes et par le jeu, la belle Otero séteint à 97 ans à Nice, en 1965, aidée par lassociation La Roue tourne, fondée en 1957 pour soutenir les artistes dans le besoin. Cléo de Mérode vit difficilement à Paris où elle meurt à 96 ans.
Cléo de Mérode, la belle Otero, Emilienne dAlençon, Liane de Pougy, et tant dautres : Catherine Guigon campe ces personnalités étonnantes dans un texte bien documenté, qui accumule les anecdotes. Elles ont scandalisé mais aussi fait rêver la société de leur époque comme elles nous font rêver encore aujourdhui lorsque Catherine Guigon, pleinement sous leur charme, les fait revivre dune plume alerte.
Un beau livre plaisant sur un aspect séduisant de lhistoire parisienne
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 06/11/2012 ) Imprimer |