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| Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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L’implacable analyse d’un massacre démocratique | | | Alain Gérard Vendée, les archives de l’extermination
Centre vendéen de recherches historiques 2013 / 27 € - 176.85 ffr. / 692 pages
ISBN : 978-2-911253-55-3
FORMAT : 15,5 cm × 24,0 cm
L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007) ainsi que Monsieur Descartes (Flammarion, 2010).
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Un dépôt d’archives, un livre d’histoire, une thèse méditée et à méditer, c’est ce tout à la fois ce que nous donne aujourd’hui Alain Gérard, Editeur des Mémoires de la Marquise de La Rochejaquelein (2010). Après un ouvrage magistral publié en 1999 («Par principe d’humanité…» La Terreur et la Vendée) où tout semblait avoir été démonté et dit, l’historien réalise le tour de force de maturité d’aller encore plus loin et plus profond, au fil d’une critique fine et attentive des documents portant sur un sujet, la guerre de Vendée, dont l’historiographie complexe et discutée a trop souvent servi de prétexte à toutes les démonstrations, à toutes les causes à charge comme à décharge de la Révolution française.
C’est le mot d’extermination qui lui est ici associé et sa simple justesse éclate à la lecture des documents, à tel point que l’on se prend à trouver que l’allégresse de la typographie utilisée pour les titres, si élégante soit-elle, est souvent peu en situation pour ponctuer le récit de fusillades, noyades et autres incessantes tueries dont le bilan s’élève du côté vendéen à 170 000 morts… Point n’est besoin de prendre parti pour ou contre, de dénoncer : les archives révèlent les faits, la lecture critique qu’en fait Alain Gérard démonte l’implacable logique de la mécanique terroriste.
Pour rester en marge de l’émotion qui peut résulter de la description de l’horreur, prenons l’exemple des Mémoires du «bon» général Turreau, celui des colonnes infernales, rédigées pour servir à sa défense à partir d’une source unique par lui détenue, sa correspondance privée avec M. de Saint-B. où éclatent sa modestie et sa modération et dont Alain Gérard n’a guère de mal à démonter la supercherie. Mais avant lui, on ne s’était guère préoccupé de leur datation systématiquement fautive en l’an I au lieu de l’an II, et on ne s’était guère soucié de l’impossibilité d’identifier le destinataire et on ne s’était point privé d’utiliser certaines comme étant destinées au ministre de la Guerre en escamotant un pour le moins curieux «je vous embrasse» final. C’est du grand art de la part du général - qui n’hésitera pas à publier son ouvrage en 1795 en le complétant d’une préface intimant à «ceux qui ont le secret de [sa] vie politique» de lui en épargner la justification -, mais de la crédulité complaisante de la part des historiens qui l’ont suivi !
Mais, entrant dans la logique de l’extermination, Alain Gérard remonte beaucoup plus haut ; la démonstration est radicale : le déni précède un crime qui n’a point d’ordonnateur, puisque les victimes en sont les responsables et les auteurs des hommes ordinaires épris d’une vertu qui les livre à la dévoyante logique terroriste d’une Révolution à qui il appartient de régénérer l’humanité et de les justifier. En regard de ces «hommes nouveaux» qui, à l’exception de Carrier, échappent finalement à toute responsabilité et condamnation, il appartient à Alain Gérard de restituer les victimes autrement que comme des caricatures plates et fades de catholiques royalistes combattant pour Dieu et leur roi. Bien que disposant de beaucoup moins de sources, il n’en parvient pas moins, en quelques pages essentielles, à restituer aux vaincus leur place face à leurs vainqueurs. La logique du Vendéen, telle qu’il la médite alors, relève non de la mièvre logique d’un pardon de faibles, mais de la force de la grâce d’un don où sa fragilité se mue en force de résistance, mais aussi de pardon qui permet à son histoire de continuer.
Pour finir, il faut insister à nouveau sur la construction de l’ouvrage. La formule inédite mise en œuvre par Alain Gérard, qui confronte sa lecture au document, n’est en rien redondante ; c’est une somme d’érudition et une source d’honnêteté historique qui suppose la maîtrise véritable du sujet. Elle bénéficie du travail d’exhumation d’archives réalisé autour des Archives de la Vendée (Thierry Heckmann et Jacques Hussenet - http://archives.vendee.fr/) et se relie à une véritable école d’historiens tenaces et modestes qui, en marge des modes universitaires et autour du Centre vendéen de recherches historiques dirigé par Alain Gérard, se sont attachés à comprendre la personnalité du révolutionnaire (Jean Artarit pour Robespierre et Lequinio) ou à faire le bilan exact de l’extermination vendéenne (Jacques Hussenet). Il est donc juste que la synthèse qui paraît aujourd’hui - sous un titre sans doute trop modeste - soit une publication «locale», mais il est indispensable qu’elle connaisse une audience plus que nationale, tant le cas vendéen et son décryptage sont riches de clés historiques et spirituelles de très large portée.
Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 12/03/2013 )
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