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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Donner à César ce qui est à Dieu ?... | | | Emilio Gentile Pour ou contre César ? - Les religions chrétiennes face aux totalitarismes Aubier - Historique 2013 / 28 € - 183.4 ffr. / 481 pages ISBN : 978-2-7007-0425-9 FORMAT : 15,2 cm × 24,0 cm
Stéphanie Lanfranchi (Traducteur) Imprimer
Professeur dhistoire à lUniversité de Rome, Emilio Gentile est un fin spécialiste des rapports entre les pouvoirs spirituel et temporel, la religion et la politique. Il est lauteur de différents ouvrages sur ce sujet, tels que Religions de la politique (Seuil, 2005) et LApocalypse de la modernité (Aubier, 2011). Les éditions Aubier viennent de publier la traduction en français de Pour ou contre César ? Les religions chrétiennes face aux totalitarismes (2011).
Dans les années 1930, explique le professeur Emilio Gentile, nombre de chrétiens allemands pensaient quil nétait pas blasphématoire de rapprocher Adolf Hitler du
Christ ! La plupart des protestants tenaient la révolution national-socialiste pour un évènement dinspiration divine. Le Bavarois était considéré comme un messie envoyé par la Providence pour sauver lAllemagne du péril bolchevique. Dans cette perspective, le Führer devait ramener le christianisme outre-Rhin pour mettre un terme à la décadence du pays. A cet égard, les Catholiques nétaient pas non plus en reste.
Toutefois, certains firent preuve de lucidité et rejetèrent cette vision extrêmement biaisée et fausse de la révolution nazie. Ainsi, le père franciscain Ingbert Naab contestait tout cela et se demandait, sans ambages, si Hitler était chrétien. Pour lui, la réponse était on ne peut plus simple : non, le Führer nétait pas chrétien. Pis, celui qui déclarait vouloir éradiquer chaque année sept cent mille ou huit cent mille individus jugés trop faibles pour être Allemands sapparentait plutôt à une sorte dAntéchrist.
Dans cet ouvrage, le professeur Emilio Gentile sintéresse à la vision du national-socialisme et des autres totalitarismes, comme le fascisme et le communisme, en tant que mouvements antichrétiens et aussi aux présentations qu'on a pu en faire. Ceux qui y ont réfléchi, rappelle lauteur, croyaient véritablement et avaient été les témoins des persécutions antireligieuses, auxquelles se livrèrent les différents systèmes totalitaires dEurope. Par exemple, le communisme qui se fondait notamment sur un athéisme militant entendait extirper la religion de la conscience humaine.
Le fascisme et lhitlérisme eurent, quant à eux, des rapports à la religion nettement plus complexes. Doù un traitement particulier dans cet ouvrage extrêmement érudit et fort bien écrit. Leurs relations furent excessivement équivoques et évolutives, allant de lhommage au mépris et de la condescendante flatterie à la franche hostilité. Si Mussolini et Hitler se déclaraient publiquement les amis du christianisme, il en allait tout autrement en pratique. Ils sopposaient vigoureusement aux fins et aux principes de la religion, mais parvinrent à duper nombre dindividus de toutes les conditions.
Certes les plus hautes autorités de lEglise catholique comprirent la menace que représentait la révolution national-socialiste pour la religion, et ce avant même larrivée au pouvoir dAdolf Hitler, mais elles sefforcèrent dentretenir des relations avec lAllemagne nazie. Un concordat fut même signé. Il sagissait de contraindre le nouveau pouvoir à respecter certains principes réglés par laccord et, aussi, dattirer le pays hors de la sphère dinfluence du libéralisme et du communisme. Lun des buts de lEglise était de reconquérir le magistère moral qui fut autrefois le sien.
Naturellement, les plus hautes autorités ecclésiastiques sillusionnaient, mais elles durent adopter un comportement extrêmement ambivalent. Si certains principes des régimes nazi et fasciste furent dénoncés, comme notamment le totalitarisme et le racisme, ces régimes ne firent jamais lobjet dune condamnation intégrale comme le régime soviétique. Emilio Gentile note, toutefois, quil y eut des minorités catholiques et protestantes luttant ouvertement contre ces systèmes totalitaires, la liberté religieuse et la liberté politique simpliquant mutuellement selon elles.
Comme les régimes soviétique, fasciste et hitlérien souhaitaient rendre à César ce qui revenait à Dieu, ainsi que lindique le professeur Emilio Gentile, ils sefforcèrent détablir le culte de nouvelles idoles (meurtrières) comme la classe, la race, le sang, la nation, la force et la guerre. Les régimes totalitaires se caractérisèrent par un évident retour au paganisme. Le «César totalitaire», comme lappelle lauteur, établissait, selon certaines voix chrétiennes dissonantes, «une religion du diable, [une] religion de lAntéchrist» (Nicolas Berdiaev). La défaite française consomma la tombée dune «nuit mystérieuse, métaphysique, semblable à celle qui régnait avant la création» (Adolf Keller).
Fort agréable à lire, cet ouvrage est une remarquable réussite !
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 26/03/2013 ) Imprimer
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