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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

L’aiglon
Guillaume Gonin   Robert Kennedy
Fayard 2017 /  22 € - 144.1 ffr. / 294 pages
ISBN : 978-2-213-70118-9
FORMAT : 13,5 cm × 21,5 cm

Thomas Snégaroff (Préfacier)
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Dans la famille Kennedy, il y eut Robert, Bobby, Bob, le cadet de JFK, celui qui fit mentir Marx en connaissant, peu de temps après son frère, une fin aussi triste : l’histoire ne se répète pas toujours à la manière d’une farce, contrairement à ce que l’auteur du 18 Brumaire de Louis Bonaparte prétendait dans sa célèbre introduction.

Robert Kennedy est resté dans l’ombre, il est le petit frère, celui qui reprit le flambeau sans atteindre le bureau ovale, et son passage à l’histoire pâtit de ce qui, dans le clan Kennedy, pourrait être assimilé à un échec, autant que de l’ombre portée de son frère… Et pourtant, le personnage fut le porteur, au lendemain de Dallas, d’un espoir immense autant que d’une conception nouvelle de la politique, distincte de la ''Frontière'' chère à JFK. Une politique compassionnelle autant que spectaculaire, également dans le ton Kennedy. La famille Kennedy aura, dans les années 60, tutoyé le pouvoir, mais avec un prix terrible. Au-delà de ces drames, la «malédiction» des Kennedy est aussi le reflet d’une mise en spectacle de la politique, dont on observe encore les conséquences. Comme John, dont il fut l’un des proches conseillers, Robert incarna une certaine manière de faire de la politique comme une croisade, et en paya sans doute le prix.

Mais avant de disserter sur la fin, il faut comprendre les débuts : avec Guillaume Gonin, on découvre un jeune homme à la fois tenace et écrasé par ses aînés, désespérément en quête de reconnaissance paternelle, confit en dévotion et d’une pugnacité presque obsessionnelle… un pur Kennedy, un peu différent de JFK mais parfaitement complémentaire. Formé au droit, il aime la justice, la règle, la norme, et s’engage, jeune, au service des causes familiales : la réussite politique de ses aînés, mais également l’anticommunisme. On le voit ferrailler aux côtés du sénateur McCarthy, avant de s’éloigner d’un homme jugé instable. Le même esprit de justice l’anime lorsqu’il s’engage dans une guerre contre le crime organisé, heurtant au passage quelques puissances dont le patron du syndicat des camionneurs, Jimmy Hoffa, et le boss du FBI, J. Edgar Hoover. Mais le jeune homme est aussi tenace que motivé, et sait mettre cette qualité au service de son aîné : dans la conquête des premiers mandats, comme dans celle de la Maison blanche, John ne peut se passer de Bob, lequel, en coulisse assume les mauvais coups.

Et tout naturellement, c’est Bob que John choisit comme attorney general (ministre de la justice) : un conseiller qui a fait ses preuves lors des campagnes, d’une fiabilité absolue, et d’une intransigeance implacable… et tant pis pour les accusations de népotisme. Les deux frères travaillent ensemble, notamment lors des crises (Baie des cochons, crise des missiles, etc.) et des grands projets (la déségrégation). Avec Bob Kennedy, on entre dans les coulisses du mythe JFK, mais également dans ses projets avortés : la déségrégation, la défense des minorités. Épris de justice sociale et animé par un esprit aussi entêté que chevaleresque, Bobby Kennedy fut, plus que la part d’ombre de son frère, l’homme qui sut, sur le terrain social, prolonger le legs Kennedy en allant au-devant des oubliés du rêve américain, de ceux qui sont restés au-delà de cette nouvelle frontière qui fit voter les électeurs de 1960. Les noirs, les hispaniques, les amérindiens trouvèrent en lui un défenseur, qui sut sans doute accorder sa foi catholique et sa vocation politique, et osa porter, jusqu’en Afrique du Sud, sa conception d’un monde juste (et du rôle qu’un sénateur américain peut y exercer). Le récit de ses combats comme de sa campagne – dramatiquement interrompue – vers l’investiture démocrate, sont à cet égard une démonstration de communication autant que d’efficacité politique. Si JFK fut un mythe, Bobby fut un espoir, et cet ouvrage sait, habilement lui rendre hommage.

Cette biographie d’un personnage important, majeur même sur bien des points, mais dans l’ombre du frère aîné, manquait : Guillaume Gonin rétablit l’importance historique d’un homme d’Etat un peu trop simplement assimilé au petit frère de JFK. On y découvre un homme complexe, au caractère à la fois habile et entier, négociateur roué (voir son rôle lors de la crise des missiles) et procureur pugnace jusqu’à l’obsession (cf. le duel avec Jimmy Hoffa, le patron des camionneurs). C’est l’occasion de redécouvrir non seulement Bob Kennedy, mais également tout son clan, à commencer par les parents, par Joe, le père.

A cet égard, la biographie est, selon un style américain, en sympathie : des positions parfois radicales de Joe, de ses amitiés douteuses, rien n’émerge, et si l’auteur ne lésine pas sur les réflexions psychologiques, éclairantes, il écarte un peu rapidement quelques aspects sordides de la puissance des Kennedy (à commencer par les sympathies totalitaires du père et les influences mafieuses). Mais l’enjeu, il est vrai, n’est pas là ; il est dans la tentative, réussie, de ré-éclairer un destin passé resté dans l’ombre et de redonner de l’éclat à celui qui porta, à un moment, les espoirs des minorités.

Le style, très agréable en ce qu’il entraîne le lecteur dans l’intimité du personnage, fait beaucoup pour le plaisir de lecture, et l’auteur, visiblement en empathie avec son héros, a l’art des formules saillantes. Il ne s’agit pas là d’une grande biographie historique, érudite et universitaire, ni d’un outil de recherche (pas de notes, ni de références ou d’index, peu de sources primaires, une bibliographie qui va à l’essentiel…) mais plutôt d’une évocation, réussie, d’une personnalité importante et attachante, un essai historique. Un récit bien mené et bien écrit, un épisode à la fois beau et tragique du rêve américain.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 26/06/2017 )
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