| Elisabeth Pommiès Vincent d’Indy (1851-1931) - Au service de la Musique Séguier - Carré Musique 2001 / 12.21 € - 79.98 ffr. / 193 pages ISBN : 2840492202
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Ma vie. Journal de jeunesse. Correspondance familiale et intime 1851-1931, Vincent d’Indy
Biarritz, Séguier, 2001, 895 p. 300 FF. Choix, présentation et annotation de Marie d’Indy. Imprimer
A loccasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance, Vincent dIndy sort de loubli, sans doute injuste, mais explicable, dans lequel il se trouvait enfermé. Grand compositeur et chef dorchestre français de la Belle Epoque, le fondateur de la Schola Cantorum, importante institution musicale catholique et traditionaliste (Erik Satie fut lun de ses élèves les plus illustres), vécut et se déploya aux limites de la République.
Le personnage intéresse autant le musicologue que lhistorien des idées. Musicien, il appartient aussi à de nombreux milieux traditionalistes du début du siècle. Proche de la Ligue de la Patrie française, collaborateur à lOccident dAdrien Mithouard, il est membre du comité de rédaction de LIndépendance, revue traditionaliste et nationaliste des années 1910, et subit les avances intéressées de lAction française. Le discours musical de la Schola Cantorum, école quil fonde en 1896 avec Charles Bordes et Alexandre Guilmant, repose sur des credos catholiques, traditionalistes et régionalistes qui ne peuvent que servir, par le biais culturel, la théorie maurrassienne et, de manière générale, lantidreyfusisme. Daucuns verront dailleurs dans son opéra La Légende de Saint Christophe une uvre antisémite à la symbolique antidreyfusarde.
Deux ouvrages lui sont consacrés. Elisabeth Pommies, musicographe spécialiste des compositeurs de la Belle Epoque, propose une biographie de dIndy à la fois complète et synthétique. A partir des correspondances du compositeur, de son journal et de divers témoignages, elle reconstitue litinéraire de lhomme en sattachant plus particulièrement à la dimension purement musicale de son uvre : lempreinte de lAllemagne et de Wagner, le prédilection pour le chant grégorien et les efforts développés pour le ressusciter, les relations avec Debussy, Fauré, Saint-Saëns, maîtres de la musique contemporaine, etc.
Cet ouvrage doit être complété par la consultation dun document très précieux. Epouse de Jacques dIndy, petit-fils de Vincent, Marie dIndy publie une somme considérable rassemblant de nombreuses correspondances du compositeur, ainsi que son journal de jeunesse. Document brut accompagné de quelques témoignages de proches, cet ouvrage met au jour litinéraire et les sociabilités du maître dévoilé également dans son intimité familiale. Cest à cette dernière que léditrice avoue avoir voulu se concentrer, pour cerner le « vrai dIndy ». Lintention est louable, compréhensible et tout à fait légitime. Elle conduit cependant à un écueil, lhagiographie, et à un regret, celui de ne pas voir figurer dans cette imposant ouvrage les lettres dautres proches plus lointains, si lon peut dire, intellectuels et figures importantes de lépoque avec lesquelles le compositeur a pu sentretenir. Les lettres publiées sont en outre tronquées ; ayant subi de nombreuses coupes, elles masquent une partie du personnage et desservent donc sans doute quelque peu sa vérité.
Le point de vue ici est donc essentiellement musicologique et intime - c'est-à-dire favorable. Le dIndy traditionaliste et politique, dont il ne faut malgré tout pas exagérer le côté réactionnaire, sefface derrière le compositeur, lami et le chef de famille. Il est permis de le regretter car le chef dorchestre, figure maîtresse de la musique de la Belle Epoque, illustra dans son domaine la très forte proximité entre les discours esthétiques et politiques à lépoque de lAffaire. Patent en littérature à travers lavènement de lIntellectuel, ces accointances existent également dans les domaines plastiques et musicaux, ce que lon méconnaît davantage.
Thomas Roman ( Mis en ligne le 19/02/2002 ) Imprimer | | |