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Aux sources de la judéïté | | | Elisabeth Antébi Edmond de Rothschild - L’homme qui racheta la Terre Sainte Editions du Rocher 2003 / 21.50 € - 140.83 ffr. / 584 pages ISBN : 2268044424 Imprimer
Prix Zadoc-Kahn 2000, cet opus se propose de mettre en corrélat la singularité de la biographie avec lenjeu identitaire de la cause collective. Spécialiste des question moyen-orientales, Elisabeth Antébi propose ici, et à un lectorat des plus variés, un portrait haut en couleurs du richissime baron qui a su faire rimer patrimoine familial et destin national. Assurément, les voies de lhistoire senchevêtrent parfois comme autant de réseaux sentimentaux : comment Edmond de Rothschild le bien-né, «Père du Yishuv», héritier dun puissant lignage, entreprend la mission historique de transformer lhumble commerçant, le petit épicier en pionniers primitifs de la colonisation agricole sur les confins incultes de Palestine, et duvrer ainsi à la résurrection dun Etat dIsraël aux frontières bibliques recouvrées.
Au fil dun ouvrage, qui, hélas, tombe à maintes reprises dans lapologie et les méandres éthérés de lhistoire-saga, on aborde simultanément les grands jalons dune existence, consacrée dans sa presque totalité à laffermissement de la notion même de judéïté, mêlant savamment philanthropie et réhabilitation de la nation juive. Après avoir mis en relief le rôle influent des maîtres à penser du jeune baron (tels Albert Cohn ou Zadoc Kahn) et sappuyant sur des correspondances épistolaires soustraites à loubli, lauteur dépeint méticuleusement les aléas de la grande migration en analysant le génie dun « français », qui a su revêtir dun habitus national et dun mode de vie uniformisé ses co-religionnaires, prolétaires et bourgeois persécutés par les pogromes, ainsi que sectateurs étroits dun culte desséché.
En dépit de descriptions bien trop prosaïques, Elisabeth Antébi entend aussi, pour un sujet charriant à travers les Juifs, lOrient et la Terre sainte tant de représentations et de mythes, accorder une place essentielle à cette «force profonde» capitale quest, au sens large, la culture hébraïque comme soubassement et source dinspiration plus ou moins consciente de la décision politique. Ce livre-bilan est enfin lexpression du lien entre «le Bienfaiteur Bien connu» (comme on aimait à lappeler), homme de lOccident imbu de laïcité fin de Siècle, et les colons idéalistes originaires de Russie et de Roumanie, entreprenant conjointement la réalisation dun rêve bi-millénaire, véritable centre de gravité de ces quelques six cent pages documentées. Qualifiée excessivement d «edmondesque» par celle qui la relate, loeuvre du baron met toutefois en exergue le lent processus dappropriation et de mise en valeur du sol national, la gamme des vecteurs de territorialité chez les représentants de la Diaspora, et donc, par conséquent, la consubstantialité entre nation et citoyens.
Au terme dun récit biographique que lon pourrait volontiers arrimer à lactualité troublée du jour, inégalité des interlocuteurs, divergence et concurrence des intérêts suffisent-elles à expliquer des rapports géopolitiques si constamment désaccordés? A défaut de réponses concises, Elisabeth Antébi délivre, inégalement et subjectivement, une clé de lecture à travers le filtre toujours plus évasé de la vérité historique.
Cédric Meletta ( Mis en ligne le 26/01/2003 ) Imprimer | | |