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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Etre étudiant en France au XIXème siècle | | | Pierre Moulinier La naissance de l'étudiant moderne (XIXème siècle) Belin - Histoire de l'éducation 2002 / 22.50 € - 147.38 ffr. / 330 pages ISBN : 2-7011-3065-4 FORMAT : 17x24 Imprimer
Le XIXe siècle voit en France lapparition de létudiant au sens contemporain du terme. Si Christophe Charle considère que ce groupe social et culturel nexiste en tant que tel quà lorée du siècle suivant, comme cohorte intellectuelle propulsée par laffaire Dreyfus, Pierre Moulinier démontre en effet dans le présent ouvrage que cest le XIXe siècle dans son entier qui met en scène socialement, économiquement et culturellement cette jeunesse.
La littérature de l'époque abonde dimages sur ces jeunes, créant, à partir de la Restauration, le mythe du Quartier Latin.. Du Bachelier de Vallès aux Déracinés de Barrès, de létudiant aisément identifiable dans la fameuse "Liberté" de Delacroix, à la retentissante - mais discutée depuis -, enquête dAgathon sur Les Jeunes gens daujourdhui (1911), létudiant, parisien avant tout, devient une figure visible dans le paysage social.
Pierre Moulinier inspecte cette jeunesse dans ses multiples facettes. Le grand mérite de louvrage est de reconstruire limage de létudiant dans ses nuances. Létudiant en question est celui de luniversité, des facultés de droit, de médecine et de pharmacie, des lettres et des sciences. Ne sont pas concernés les jeunes des grandes écoles et classes préparatoires. Ne sont pas abordés non plus les étudiants en Province, Paris concentrant numériquement la jeunesse estudiantine française et nombreux provinciaux venant y faire leurs études. Létudiant parisien est souvent un étudiant de Province.
Les informations pullulent sur cette jeunesse concentrée sur un Quartier Latin que lauteur exhume dans sa beauté pré-hausmanienne. Il sintéresse aux conditions administratives, économiques et sociales de la vie étudiante, leur dépendance envers leurs familles, les petits boulots que certains peuvent effectuer, les hôtels, pensions et chambres où ils vivent. Les espaces de sociabilité sont reconstitués : les cabinets de lecture (citons celui de Mme Cardinal, près de Saint Sulpice, que fréquentent les jeunes Lacordaire, Flaubert ou Dumas), les cafés et les loisirs typiquement estudiantins (sports, théâtre, danse, carnavals et cavalcades), les feuillets littéraires et politiques, etc. Lethos estudiantin est dépeint de manière précise et saisissante : la mode, largot, le régime estudiantin, les amours - pensons à lemblématique grisette! La montée, lente et heurtée, du monde associatif universitaire est abordée dans un chapitre captivant. Le point dorgue de cette histoire est la naissance de lAGEP (Association Générale des Etudiants de Paris) en 1883. Les femmes et les étrangers, nouveaux acteurs de cette vie étudiante, ne sont pas négligés.
Le lecteur pourra regretter que laccent ne soit pas mis sur lengagement politique et intellectuel dune jeunesse qui fit tant parler delle. Tel nest pas le propos de lauteur qui pose dailleurs la question de la dimension véritablement étudiante de ces manifestations. Traitant de la dimension spécifiquement estudiantine de ces cohortes, il nentre pas dans le détail dengagements qui seront poursuivis bien après le temps des études et qui, de manière générale, les dépassent. Jean-Claude Caron a consacré un ouvrage de référence sur la jeunesse romantique (Générations romantiques. Les étudiants de Paris et le quartier latin (1814-1851), Armand Colin, 1991) cependant quune thèse en cours sintéresse à la jeunesse nationaliste à la « Belle Epoque ».
Pierre Moulinier propose un découpage en trois temps de cette histoire. La première époque ou « phase épique » concerne lEmpire et la Restauration. Ce temps de la refonte des facultés et des écoles française voit laffirmation dune identité étudiante, la construction dun mythe. La « phase critique » lui fait suite jusqu'à la IIIe République. Cest le moment dune légende noire de létudiant parisien parfois assimilé aux « classes dangereuses ». Paresseux et jouisseur, létudiant apparaît alors comme un contestataire. Le dernière phase, dite « corporative », correspond à la nouvelle vague de réformes universitaires et aux premières expériences dorganisations étudiantes. Cest sans doute le moment le plus important dans le genèse de létudiant moderne, celui où quantitativement et qualitativement sannonce létudiant en fait du XXe siècle.
Fondé sur des sources universitaires (la sous-série AJ16 des Archives Nationales rassemble les fonds versés par les facultés et lécole de pharmacie), statistiques et littéraires (manuels, physiologies, romans et souvenirs danciens étudiants), la somme de Pierre Moulinier apparaît comme un ouvrage de référence. Dans la lignée des travaux de Paul Gerbod, déjà anciens, il faut espérer quelle suscitera des études plus précises, régionales, disciplinaires, encore insuffisantes aujourdhui.
Thomas Roman ( Mis en ligne le 20/06/2003 ) Imprimer | | |
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