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Les hussards noirs… en cohortes rangées | | | Guy Brucy Histoire de la FEN Belin - Histoire de l'éducation 2003 / 33.50 € - 219.43 ffr. / 635 pages ISBN : 2-7011-3694-6 FORMAT : 17x24 cm
Préface d'Antoine Prost. Imprimer
Il convient dabord de saluer avant toutes choses- le travail monumental sur la Fédération de l'Education Nationale auquel sest livré lauteur. Cest une fresque dune extrême richesse que G.Brucy nous présente, un tableau dont la précision le dispute à la largesse du panorama considéré. Détaillés dans une introduction très claire, les enjeux liés à la délimitation temporelle du sujet sont mis en avant, et permettent de jeter les jalons dune réflexion politique dans le cours brouillon de lHistoire du syndicalisme, qui charrie bien des projets avortés, et des événements sans suite.
Le paysage du syndicalisme enseignant est effectivement riche, mais surtout varié, idéologiquement et historiquement. Cest sans doute ce qui est à lorigine du principal défaut du livre : lauteur a ici préféré reculer devant la difficulté que, précisément, il mettait en avant, celle qui consiste à opérer un découpage chronologique. Nayant pas osé (par souci de neutralité, probablement) se livrer à cet acte, il est vrai hautement subjectif, G.Brucy se retrouve dès lors contraint de raconter lhistoire, non de la FEN, mais du syndicalisme dans le milieu éducatif en France, depuis ses origines. Ceci nest pas a priori un point si négatif.
Pour autant, cette confusion est gênante, tout dabord du simple point de vue de la neutralité quelle entendait protéger ostensiblement, et pour des raisons évidentes : laccusation de partialité planait telle une épée de Damoclès au-dessus de luvre. Lauteur avait en effet travaillé sur les archives de la FEN (et parfois celles, privées, de militants), à la demande de celle-ci. Il serait absurde de le lui reprocher, mais la nature du groupe de travail sur lequel il sest appuyé (composé pour moitié dhistoriens, et pour lautre de militants), et qui a validé chacune des six cents pages quil nous propose, a peut-être provoqué ce flou autour de la définition même de ce quest la FEN. Non quil sagisse dune apologie du syndicat dont il narre les multiples péripéties, loin de là.
Mais il eût été normal, justement, que comme historien, lauteur se soit laissé aller à prendre position, trancher, bref, à interpréter ces faits quil nous présente sous un aspect extrêmement heuristique. Or cette indécision, qui caractérise un travail où le jugement est refusé, permet peut-être dacquérir une neutralité du point de vue de la philosophie politique. Cependant la tâche de lhistorien (comme du sociologue) est de mesurer limportance relative des événements, de les peser, et de reconstituer le passé de façon à ce que la scientificité de son travail soit effective
cest-à-dire, aussi, communicante.
Et précisément il nen est rien ; lauteur semble vouloir, parfois, nous laisser faire ce travail dinterprétation à sa place. Il nous livre donc une incroyable quantité de faits quil nous met en mesure dévaluer politiquement dune manière neutre. Mais il est éminemment difficile pour le lecteur de juger, à travers le prisme historique, ces mêmes faits en étant certain de restituer leur dynamique sans quintervienne notre subjectivité. Dautant que le côté «interactif» de ce livre se heurte à un autre problème : celui de sa facilité daccès.
Sous plusieurs aspects, celle-ci est loin dêtre évidente. Quoique la langue de lauteur soit généralement limpide, celui-ci part du principe que le vocabulaire proprement syndical est connu de tous, et que lon sen désole ou sen réjouisse, on ne peut que constater que ce nest pas exactement le cas, et que cela lest vraisemblablement de moins en moins. Demander à un non-syndiqué, qui ne soit pas non plus un spécialiste de la question, de comprendre pourquoi lon parle de confédération ou de fédération nationale, de syndicat local ou de base syndicale, ce nest peut-être pas très réaliste. Se lancer dans de longs développements sur les problèmes de double affiliation na pas non plus beaucoup de sens quand les différentes organisations auxquelles il est possible dadhérer ne sont pas connues dans leurs rapports hiérarchiques et concurrentiels.
De plus, dun simple point de vue pratique, lutilisation de sigles (même si lon ne peut tout de même pas le reprocher à lauteur !) ne facilite guère la compréhension, surtout quand il sont si nombreux, du fait de limpressionnante érudition ici mise en uvre ; cela ne signifie pas que le livre soit dépourvu de qualités, bien au contraire. Et il faut noter que les défauts relevés ci-dessus sont nettement moins présents dans la deuxième moitié de louvrage. Néanmoins celui-ci apparaît plus comme un document de travail dédié aux historiens que comme une synthèse adressée au «grand public», lequel, il est vrai, nétait sans doute pas le lectorat visé.
Aurore Lesage ( Mis en ligne le 08/03/2004 ) Imprimer | | |