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La préscolarisation au XIXe siècle | | | Colette Cosnier Marie Pape-Carpantier - Fondatrice de l'école maternelle Fayard 2003 / 25 € - 163.75 ffr. / 415 pages ISBN : 2-213-61527-6 FORMAT : 16x24 cm
L'auteur du compte rendu : professeur d'histoire contemporaine à Paris IV-Sorbonne, Jean-Noël Luc est spécialisé en histoire sociale et culturelle de la France des XIXe et XXe siècles, avec deux champs particuliers: l'enfance, la jeunesse et l'éducation d'une part, gendarmerie, maintien de l'ordre, régulation sociale et Défense nationale de l'autre. Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont L'Invention du jeune enfant au XIXe siècle (Belin, 1997) ou Gendarmerie Etat et société au XIXe siècle (Publications de la Sorbonne, 2002). Imprimer
Marie Pape-Carpantier a été lune des principales responsables du développement de la préscolarisation française au XIXe siècle, qui commence, à partir de la fin des années 1820, avec louverture des salles dasile les ancêtres des écoles maternelles à linitiative dun membre de la haute société protestante : Émilie Mallet. Enfant posthume dun gendarme tué par les Chouans en 1815, elle devient, après une formation largement autodidacte, directrice de la salle dasile de la Flèche, puis du Mans. En 1847, elle est appelée à la tête de lécole normale des salles dasile, ouverte à Paris, et quelle dirigera jusquen 1874. Auteur dune quarantaine douvrages pédagogiques, conférencière, grâce à Victor Duruy, devant les instituteurs réunis à la Sorbonne à loccasion de lExposition universelle de 1867, inspectrice générale des salles dasile à partir de 1868, Mme Pape-Carpantier est, avant Pauline Kergomard, la première grande figure féminine de lInstruction publique française. Elle pratique la religion catholique, mais ses sympathies libérales, maçonnes et fouriéristes, et ses responsabilités universitaires, lui attirent linimitié des catholiques conservateurs. En 1863, la Congrégation de lIndex condamne lun de ses manuels. Dix ans plus tard, le gouvernement de «lordre moral» la révoque en laccusant dêtre une libre penseuse. Bouleversée par cette épreuve, Mme Pape-Carpantier saffaiblit, malgré une réhabilitation partielle. Elle participe à lExposition de 1878 et meurt avant davoir reçu la médaille dor attribuée par le jury.
Grâce au dépouillement de nombreuses archives, dont plusieurs inédites, Colette Cosnier montre les apports de Mme Pape-Carpantier à la pédagogie enfantine : refus dune morale fondée sur la crainte de Dieu, vulgarisation précoce du savoir à lintention des enfants pauvres, promotion des leçons de choses (inscrites en 1882 seulement au programme des écoles primaires), emprunts à la méthode Froebel. Mais elle fait plus en éclairant les inspirations fouriéristes et maçonnes de cette pédagogue, et notamment en décryptant les codes de plusieurs textes qui font allusion à «lapprenti errant dans les ténèbres» ou à la «géométrie de la nature». Au-delà de la responsable de la préscolarisation, on découvre aussi une femme énergique, luttant pour léducation de ses semblables, par la plume et ses projets de réforme du système éducatif. Mme Pape-Carpantier na pas «fondé» lécole maternelle, qui résulte plus dune création continue à laquelle Mme Kergomard a pris la plus grande part. Mais il faut comprendre le souci de léditeur déclairer le public. Et il faut remercier lauteur davoir tiré de lombre une personnalité remarquable, dont le destin intéresse à la fois lhistoire de lenseignement, des femmes et de la libre pensée.
Jean-Noël Luc ( Mis en ligne le 12/03/2004 ) Imprimer
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