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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Insaisissables sectes
Jean-Pierre Chantin   Des sectes dans la France contemporaine - 1905-2000 Contestations ou innovations religieuses ?
Privat - Hommes et communautés 2004 /  23 € - 150.65 ffr. / 157 pages
ISBN : 2708968556
FORMAT : 16x24 cm

L'auteur du compte rendu : Etudiante en histoire, Thérèse Krempp termine cette année un DEA à l'Ecole des hautes études en sciences sociales sur l'armée française d'Orient pendant la Première Guerre mondiale. Avec Jean-Noël Grandhomme, elle a publié Charles de Rose, pionnier de l'aviation de chasse (éditions de la Nuée Bleue, septembre 2003).
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Peut-on écrire un livre sérieux sur les «sectes» ? S’intéresser aux «sectes» semble parfois déjà suspect en soi, et d’emblée, l’on recherchera derrière le sociologue, l’idéologue, derrière l’avocat, le défenseur de groupuscules, derrière le politique, le défenseur d’une laïcité combattante. Peut-on écrire un livre sérieux sur les «sectes», quand en définitive, sur ce sujet polémique, le seul point d’accord est l’absence de définition – ce que nous prouvent, s’il en était nécessaire, les guillemets souvent utilisés ? Peut-être faut-il un historien, et la rigueur de cette discipline, pour tenter d’appréhender avec justesse et équité un sujet aussi miné par les a priori.

C’est sans aucun doute l’un des apports majeurs du livre de Jean-Pierre Chantin, spécialiste d’histoire religieuse contemporaine, et membre de l’Institut d’histoire du christianisme (université Lyon-III). L’auteur conserve en effet tout le long de son ouvrage une neutralité absolue et fait preuve d’une connaissance très précise de l’histoire interne d’un certain nombre de mouvements «en marge».

Après un rapide exposé des différentes définitions données aujourd’hui au mot «secte», Jean-Pierre Chantin présente, dans un développement chronologique, plusieurs mouvements – de l’original à l’excentrique – en se limitant aux expériences françaises. Le premier chapitre est un rappel de «l’héritage du XIXe siècle» où, dans une France de plus en plus laïcisée mais encore dominée par le catholicisme, se développent plusieurs tendances religieuses, des anticoncordataires aux vieux-catholiques (qui refusent le dogme de l’infaillibilité pontificale) en passant par divers groupes millénaristes ou ésotériques.

Dans les quatre chapitres suivants, l’auteur expose les différents mouvements qui ont jalonné le XXe siècle. Selon lui, la première moitié du siècle correspondrait à une transition entre la période concordataire et «l’individualisation des croyances». Les «sectes» qui se développent après la Seconde Guerre mondiale, bien que prenant chacune une voie originale, comportent plusieurs similitudes. Dans un contexte mondial considéré comme difficile – ère nucléaire, guerre froide –, ces mouvements apportent une réponse «de type apocalyptique» et une quête d’un monde meilleur.

Jean-Pierre Chantin met ensuite en scène certaines prises de positions face à la crise de l’Eglise et au concile Vatican II. Il présente tout d’abord plusieurs mouvements «traditionalistes», qui refusent «l’héritage conciliaire» : Contre-Réforme catholique, Fraternité Saint-Pie X, sédévacantistes ; sont évoquées les Eglises indépendantes, comme les Eglises gallicanes et le renouveau charismatique. La troisième partie de ce chapitre est consacrée à quelques tendances plus dissidentes, liées à un recours anarchique au surnaturel et intégrant de plus en plus des éléments non chrétiens. Le cinquième chapitre est consacré à des groupes dont la spiritualité s’éloigne de plus en plus – voire totalement – de la «sphère catholique». Ces «sectes», nombreuses, attirent tous ceux qui se détournent des Eglises chrétiennes mais restent cependant à la recherche d’une certaine spiritualité. Trois voies différentes peuvent se distinguer en France : «un mouvement de revitalisation des religions du Livre», qui se fonde sur les trois religions monothéistes (le mouvement Arès) ; «un syncrétisme des traditions occidentales et orientales» (dirigé par le messie cosmoplanétaire de Castellane) ; «une spiritualité à base prétendument scientifique» (Raël). Ces trois «sectes», selon Jean-Pierre Chantin, s’inscrivent à la fois dans une ouverture aux «autres traditions mondiales» et dans la civilisation occidentale à laquelle elles sont irrémédiablement liées. L’auteur présente enfin le rapport parlementaire adopté le 20 décembre 1995 et analyse son impact. Il souligne que le débat va bien au-delà de la question des «sectes» et met en cause une véritable recomposition du fait religieux.

Si la présentation des différents mouvements est rigoureuse, si l’auteur prend soin de s’effacer derrière les faits et de rappeler avec un ton très juste les problèmes soulevés, en terme de libertés publiques, par la «lutte anti-secte», il n’en demeure pas moins que l’on attendrait de lui une explication plus précise de sa démarche, et surtout une justification de sa sélection parmi les «sectes» présentées. N’est-ce pas en soi une arme redoutable que l’assimilation, par la juxtaposition, de mouvements inoffensifs et dangereux ? Mêler scientologues, raëliens et catholiques attachés au rite pré-concilaire contient un jugement que rien, a priori, ne semble expliquer.

Ce n’est qu’après la lecture de ce livre, et en y réfléchissant, que l’on peut supposer la démarche de son auteur. Ce qui peut donner l’impression d’un jugement, comme nous venons de le voir, ne semble être en fait qu’une nécessité dictée par la volonté de l’auteur de démontrer que le sentiment religieux de la France contemporaine s’écarterait progressivement d’une foi monolithique traditionnelle vers une croyance composite à l’image d’une époque scientiste, universaliste et relativiste. La démonstration de cette thèse exige alors en effet de juxtaposer des mouvements de natures différentes, et d’en omettre d’autres inutiles à la démonstration, comme les mouvements gnostiques.

Le livre de Jean-Pierre Chantin est fort bien documenté, neutre dans sa présentation de chaque mouvement mais souffre de ce que son parti pris méthodologique n'est pas expliqué d’emblée. L’introduction, d’une page et demi sur un livre qui en compte plus de cent cinquante, plus développée, aurait pu servir à cela.


Thérèse Krempp
( Mis en ligne le 09/11/2004 )
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