|
Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| André Rauch Histoire du premier sexe - De la Révolution à nos jours Hachette - Pluriel 2006 / 14 € - 91.7 ffr. / 646 pages ISBN : 2-01-279338-X FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
L'auteur du compte rendu: titulaire dune maîtrise de Psychologie Sociale (Paris X-Nanterre), Mathilde Rembert est conseillère dOrientation-Psychologue de lEducation Nationale. Imprimer
Cet ouvrage réunit Le Premier sexe. Mutations et crise de l'identité masculine (1789-1914) et L'Identité masculine à l'ombre des femmes, parus chez Hachette respectivement en 2000 et 2004. André Rauch, professeur dhistoire culturelle à luniversité de Strasbourg, qui travailla sur la question des loisirs (sports et vacances) avant de se pencher sur laventure du genre masculin, y démontre, sur deux siècles, l'affirmation, puis l'effacement progressif d'une figure du masculin et de la virilité.
LIdentité masculine à lombre des femmes : voilà un titre assez sombre. Le lecteur nest pas rassuré en ouvrant la table des matières : «la grande peur des femmes», «les boucliers modernes du masculin», «menaces sur le genre», «révolution dans les ménages», «les vicissitudes des obligations domestiques», «les épreuves de lidentité», «la barrière des genres», «violences et ripostes» sont au menu du deuxième essai. Le précédent, Le Premier sexe, décrit au contraire la fraternité citoyenne promue par la Révolution, qui excluait les femmes, la conscription généralisée, qui devenait une épreuve significative dans la construction du masculin, et la montée en puissance du bourgeois daffaires au XIXe siècle. Notre homme est alors bien loin dimaginer ce qui lattendait au siècle suivant !...
Pas facile en effet, pour les poilus revenus des tranchées, de reprendre leur pouvoir face à des femmes qui ont investi les domaines masculins en leur absence. Cest avec le talent de conteur quon lui connait quAndré Rauch amène le lecteur dans les célébrations à la gloire des soldats morts pour la France : «Laprès-midi sest tenue la cérémonie civile. A 14 h 30, un cortège mené par la compagnie de sapeurs-pompiers, bannière dressée, sest dirigé de la mairie vers lentrée du village pour accueillir les officiels. (
) Les trompettes ont alors sonné. (
) A lappel de chaque nom, le sergent Fourrier a répondu : Mort pour la France». Mais rien ny fait : les rapports femmes/hommes sont définitivement transformés, comme le montrent les débats autour du roman La Garçonne (Victor Margueritte), qui fit scandale en 1922. La hantise du déclin provoque la réaction du fascisme, marqué par un mythe de la virilité qui met en valeur le corps masculin. Les écrivains Brasillach ou Drieu la Rochelle sinscrivent dans ce mouvement.
Lémancipation des femmes nen ira pas moins croissante après la Seconde Guerre mondiale, avec lobtention du droit de vote en 1944, lintroduction de la mixité et de léducation sexuelle dans lenseignement dans les années soixante et la maîtrise de la fécondité par les femmes, symbolisée par la loi Veil de 1975. Lidentité masculine na plus grand-chose à voir avec celle du Premier sexe. On en arrive au 25 juin 1995, jour de Gay Pride quAndré Rauch, passant de lHistoire, nous conte avec la même verve que lorsquil décrit les cérémonies à la gloire des soldats de la Grande Guerre : «cet après-midi-là, (
) avant que napparaisse sous le ciel ensoleillé de Paris limmense cortège dansant, la sono a littéralement embrasé les pavés de la capitale, métamorphosant en caisses de résonance spectateurs et promeneurs curieux». Lauteur na pas la naïveté daffirmer que lhomophobie a disparu mais, constate-t-il, elle ne constitue plus un argument politique acceptable. Il ne nie pas non plus le repli viriliste exprimé durement dans des milieux défavorisés, donnant la parole à Fadela Amara, présidente du mouvement Ni Putes Ni Soumises né en 2003.
A cette lecture, certains ne manqueront pas de décréter la fin de la domination masculine, et de pleurer sur la condition de ces «pauvres hommes» qui ne trouvent décidément plus leur place, comme on a pu plaindre il y a peu les «pauvres femmes» du 19ème ou du 20ème siècle, dont on découvrait le sort peu enviable en lisant des ouvrages dhistoire des femmes. La tentation est forte, dans un sens comme dans lautre, de sombrer dans le misérabilisme. Il est vrai quAndré Rauch met plus laccent sur les aspects négatifs des évolutions pour le genre masculin ce qui fait parfois sourire. Il aurait pu montrer les bénéfices que de nombreux hommes (et pas les seuls manifestants de la Gay Pride) en tirent. Etre dominant nest pas toujours confortable !
La compilation de ces deux titres nen perd pas pour autant son intérêt : ses insuffisances appellent avant tout de nouvelles recherches dans le domaine de lhistoire du masculin, chantier historiographique pour lequel André Rauch peut faire figure de précurseur.
Mathilde Rembert ( Mis en ligne le 25/10/2006 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Les Hommes aussi changent de Daniel Welzer-Lang Les hommes en crise ? de collectif Masculin-féminin de collectif | | |
|
|
|
|