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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Un modèle d'industrialisation méconnu | | | Jean-Pierre Locci Mémoires d’industries vauclusiennes - XIXe-XXe siècles Association pour la Sauvegarde et la Promotion du Patrimoine Industriel en Vaucluse 2004 / 30 € - 196.5 ffr. / 240 pages ISBN : 2-9502875-7-3
L'auteur du compte rendu: Natalie Petiteau, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Poitiers, est historienne de la société du XIXe siècle et de la portée des années napoléoniennes. Elle a notamment publié Napoléon, de la mythologie à l'histoire (Seuil, 1999) et Lendemains d'Empire: les soldats de Napoléon dans la France du XIXe siècle (Boutique de l'histoire, 2003).
Elle est par ailleurs responsable éditorial du site http://www.calenda.org. Imprimer
Voilà un ouvrage qui, en dépit de son titre, présente un intérêt qui va au delà de lhistoire du Vaucluse. Car Jean-Pierre Locci, excellent connaisseur du patrimoine industriel, ajoute ici une pierre essentielle à la connaissance de lhistoire économique et sociale des provinces françaises, histoire dans laquelle on oublie souvent un peu hâtivement le Vaucluse, sans doute parce quil obéit à un modèle dindustrialisation qui nest guère celui de la révolution industrielle. Et cest donc bien là un des atouts de ce beau livre, que de rappeler et de montrer, photos à lappui, ce que fut la réalité dactivités économiques de modeste envergure et pourtant essentielles au maintien de tout un tissu social.
Il nest donc pas étonnant de découvrir lancienneté de ces activités, souvent organisées au fil de leau, abondante en cette terre de sorgues, ce qui na nullement empêché la révolution industrielle de faire naître de nouvelles dynamiques : si le département compte 667 établissements industriels en 1835, ceux-ci sont au nombre de 1737 en 1886, et de 2414 actuellement. Le Vaucluse apparaît ainsi comme un cas décole qui pourra être mis en évidence avec profit par tout historien de léconomie et de la société. Il pourra sappuyer avec confiance sur cet ouvrage, fruit dune patiente synthèse de tous les travaux menés en Vaucluse depuis plus de 30 ans, tant par des érudits locaux que dans le cadre de travaux universitaires. Mais Jean-Pierre Locci a également patiemment réuni une riche collection de photographies et darchives dentreprises, sources auxquelles sajoutent celle darchives départementales assez bien pourvues et conservées, comportant y compris tous les papiers de la chambre de commerce ou du tribunal des prudhommes.
Après avoir présenté la condition ouvrière dans le département, en mettant en relief les spécificités vauclusiennes qui ne sont en fait que spécificités provinciales - un temps de travail supérieur de 2 heures à celui des ouvriers parisiens par exemple -, Jean-Pierre Locci insiste sur le rôle essentiel de leau dans cette industrialisation : en 1862, le département compte 443 sites usiniers hydrauliques. La célèbre rue des Teinturiers dAvignon connue localement sous le nom de rue des Roues témoignait de cette densité dexploitation du réseau des voies deau : elle était bordée de 23 roues hydrauliques en 1817.
Vient ensuite la présentation des principaux secteurs dactivité : lun des plus anciennement développés, précisément grâce aux moulins à farine ou à huile, est celui que lon nomme aujourdhui lagroalimentaire. Mais aux moulins sajoutent lactivité des conserveries de fruits ou de salaisons ou encore des fabriques de réglisses, de pâtes alimentaires ou de biscuits. Cette tradition se maintient aujourdhui, par exemple avec les activités du groupe Ducros. Lun des autres fleurons de lindustrie vauclusienne est lactivité textile : la soie est présente notamment à Avignon, dans lorbite lyonnaise, avec ateliers de filature et de tissage, mais aussi teinturiers. Après le déclin des soieries, le travail de fibres nouvelles a pris le relais, comme la ramie ; puis apparaît la soie artificielle dans les années 1920. Notons aussi que la production de la garance a également animé le Vaucluse durant une bonne partie du XIXe siècle, jusquà la découverte de lalizarine synthétique, à la fin des années 1860. Lindustrie papetière et celle du cartonnage ont elles aussi occupé une place importante dans la vie industrielle du département.
On ne saurait ici rendre compte de toute la richesse de cet inventaire précis et exhaustif. On ne peut quinviter lamateur dhistoire industrielle à sy reporter, tout en le prévenant quil reste à attendre de nouveaux travaux pour avoir une synthèse sur les entrepreneurs, les financements ou la main-duvre. Mais avec ce magistral point de départ, que signe ici Jean-Pierre Locci, nul doute que lhistoire de lindustrie vauclusienne donnera encore naissance à de belles pages.
Natalie Petiteau ( Mis en ligne le 24/11/2004 ) Imprimer
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