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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

L'enfance comme observatoire
Stéphane Audoin-Rouzeau   La Guerre des enfants - 1914-1918
Armand Colin 2004 /  24 € - 157.2 ffr. / 253 pages
ISBN : 2-200-26732-0
FORMAT : 16x24 cm

Deuxième édition.

L'auteur du compte rendu : Etudiante en histoire, Thérèse Krempp termine cette année un DEA à l'Ecole des hautes études en sciences sociales sur l'armée française d'Orient pendant la Première Guerre mondiale. Avec Jean-Noël Grandhomme, elle a publié Charles de Rose, pionnier de l'aviation de chasse (éditions de la Nuée Bleue, septembre 2003).

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Stéphane Audoin-Rouzeau, directeur d’études à l’EHESS et codirecteur du centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, cherche à montrer dans son ouvrage «l’effort dont l’enfant fut l’objet au cours des années de guerre». Plus que d’étudier les enfants à travers les productions qui leur étaient destinées, il se livre à une étude de la culture de guerre à travers ce qui fut enseigné aux enfants et produits pour eux.

Au sein de la dimension nouvelle prise par la guerre 14-18 et de la "totalisation" du conflit, l’enfant devient un enjeu caché, cependant majeur. La propagande de guerre pour enfants offre une version stylisée du discours réservé aux adultes et son étude permet d’appréhender ce qui constituait «le noyau dur des cultures de guerres nationales». L’auteur espérait ainsi «atteindre une version simplifiée et résumée de ce que les sociétés en guerre pensaient le plus indispensable de faire connaître à leurs enfants au sujet de cette immense épreuve».

Le premier chapitre de l'ouvrage évoque l’encadrement de l’enfant durant la guerre : il est pris à partie – il donne à la guerre son «sens véritable» - par les adultes. L’école et les loisirs furent parmi les principaux vecteurs de cette «culture de guerre» bien spécifique, et le catholicisme, selon Stéphane Audoin-Rouzeau, donna un sens particulier à cette attitude en insistant sur la prière bien sûr, mais aussi sur la notion de «sacrifice». Dans un deuxième chapitre, intitulé «Apprendre la guerre», l’auteur analyse la façon dont la guerre est présentée aux enfants. En Allemagne, elle est dite défensive alors que, du côté français, apparaît un enjeu plus vaste : sauver la civilisation française, et, au-delà, l’humanité tout entière. La guerre, présentée comme horrible, n’est faite que pour permettre l’accessibilité à un monde meilleur. Elle sous-entend pour cela la victoire complète et définitive de la «civilisation» française contre la «barbarie» allemande. «La guerre mondiale, souligne l’auteur, était donc présentée comme l’étape finale d’un processus civilisateur incarné d’abord par la France et ayant vocation à l’universalité».

En Allemagne et en Angleterre, les ouvrages pour enfants ont à cœur de transmettre à ces derniers des informations, même très partielles, sur la guerre, alors que cette volonté didactique se retrouve beaucoup moins en France. Quelles que soient ces différences, la guerre présentée aux enfants est souvent «falsifiée», «c’est une guerre de rêve», constate Stéphane Audoin-Rouzeau, mais elle peut parfois revêtir des aspects extrêmement brutaux, notamment par la fréquente évocation de la mort, des blessures et de la souffrance.

Le chapitre suivant développe le concept de «l’enfant héroïque», très fréquent dans la littérature enfantine. Garçons et filles, animés de sentiments patriotiques élevés, deviennent acteurs, à l’arrière mais aussi sur le front, et prennent ainsi leur place au sein du conflit en réalisant parfois des actions d’éclats. La propagande de presse française met d’ailleurs en scène nombre de cas «d’enfants-héros» présentés comme absolument authentiques. Soulignons que «l’enfant-héros» de la Première Guerre mondiale n’était pas une innovation, car, depuis 1870, il était devenu «une composante essentielle de l’éducation patriotique sous la IIIe République».

Le dernier chapitre, «Epilogue : ce qu’enfant pense», tente de mesurer, avec toutes les difficultés que cela implique, l’impact de cette culture de guerre sur les enfants, montrant bien l’investissement de plusieurs enfants dans la guerre, même s’il ne faut pas nier l’existence probable d’un certain «conformisme scolaire» et d’une «soumission naturelle à ce que les enfants perçoivent de l’attente du monde adulte à leur égard». Quoi qu'il en soit, on assiste pendant cette période à une intégration poussée de l’enfance dans le conflit.

Dans la préface de cette nouvelle édition, Stéphane Audoin-Rouzeau fait son autocritique et regrette de n’avoir pas suffisamment étudié les enfants eux-mêmes, leur expérience de guerre, leur appropriation du conflit et le rôle joué par la cellule familiale. N’oublions pas que cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1993, à une époque où la notion de «culture de guerre» n’avait pas encore fait l’objet d’un travail approfondi (quelques années plus tard, elle est définie comme «le champ de toutes les représentations de la guerre forgées par les contemporains : de toutes les représentations qu’ils se sont donnés de l’immense épreuve, pendant celle-ci d’abord, après celle-ci ensuite»). En définitive, ces remarques rendent le livre encore plus intéressant car elles sont le reflet même du travail de recherche de l’historien.


Thérèse Krempp
( Mis en ligne le 05/01/2005 )
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