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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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A la recherche de la porte détournée de l’Allemagne nazie | | | Jean Lassaque Guerre navale en Norvège - 8 avril - 28 juillet 1940 Gerfaut 2003 / 23 € - 150.65 ffr. / 336 pages ISBN : 2-914622-29-5 FORMAT : 15x22 cm
L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II. Imprimer
Lhistoire des «stratégies périphériques» imaginées par les Alliés pour abattre lAllemagne (aussi bien au cours de la Première que de la Seconde Guerre mondiale) est encore assez peu étudiée de nos jours. Confrontés à une situation en bien des points comparables immobilité du front à lOuest en raison de son inviolabilité, démontrée par plusieurs tragiques offensives (automne de 1914 - printemps de 1918) ou supposée telle (septembre 1939 - mai 1940) Français et Britanniques ont développé des stratégies de contournement dans le but daffaiblir ou même dabattre lennemi en entrant chez lui - lexpression est de Churchill à la fin de 1914 - par une «porte dérobée». Si la première expérience du genre, lexpédition des Dardanelles en 1915-1916, constitua pour lEntente un fiasco retentissant, le point dappui de Salonique, dabord base de repli puis point de départ dune vigoureuse offensive (en septembre 1918) joua un rôle non négligeable, sinon primordial, dans leffondrement final du Deuxième Reich.
Afin de gêner le Troisième, les Franco-Britanniques enlisés dans la Drôle de guerre échafaudèrent au cours de lautomne et de lhiver de 1939-1940 les plans les plus audacieux. Gamelin songea ainsi à une attaque de flanc de lAllemagne par une coalition dEtats balkaniques, puis au bombardement des installations pétrolières soviétiques du Caucase Staline étant le partenaire dHitler dans le cadre du pacte germano-soviétique par des avions venus de Syrie. Seul de ces projets parfois piccrocolins à avoir connu un début de matérialisation, lexpédition de Norvège ou plus exactement ses aspects maritimes - fait lobjet du présent ouvrage de Jean Lassaque.
Passionné dhistoire, de stratégie et de technique navales, lauteur commence par nous présenter les enjeux géopolitiques du futur champ de bataille, la Scandinavie, dressant également un tableau de la guerre navale en mer du Nord au tournant des années 1939 et 1940. Lintervention franco-britannique en Norvège (11 avril) se veut une réponse quasi-instantanée à linvasion du pays par les troupes allemandes (910 avril). Jean Lassaque nomet pas de rappeler la participation aux opérations dun contingent polonais, nation dont on redécouvre également ces derniers temps, à juste titre, lengagement sur le front français en mai et juin 1940 et en Normandie en 1944 (sans parler de la campagne dItalie). Ponctuée par les débarquements alliés à Namsos puis Narvik, la campagne de Norvège gêna considérablement les Allemands dans leur quête de leau lourde (indispensable à leur programme nucléaire, notamment), mais ne parvint pas, en dépit de réels succès, à sauver la Finlande (agressée par lURSS et finalement réduite à merci au printemps après son héroïque résistance de la «guerre dhiver») ; elle conforta de ce fait la neutralité plus quambiguë de la Suède.
Cet épisode, qui remet en cause un certain nombre de lieux communs sur la «passivité» des soldats de 1940, a aussi le mérite de redonner une place aux marins français dans un conflit dominé par laffrontement germano-britannique (puis aussi américain) dans lAtlantique. Létude très complète, à la fois vivante et rigoureusement documentée de Jean Lassaque, ravira tous les curieux dhistoire militaire «dépoussiérée».
Escamotés par linvasion de lEurope occidentale par la Wehrmacht le 10 mai 1940, les combats de Norvège ne prennent véritablement fin quen juillet lorsque les derniers soldats français, polonais et britanniques quittent la région. Le destin de ces «héros de Narvik», qui avaient fait les gros titres de la presse pendant plusieurs jours, se confond alors avec celui des autres marins de 1940 : la plupart se résignent à larmistice, renforcés dans leurs convictions par le tragique bombardement de la flotte française à Mers-el-Kébir, tandis quune minorité décide tout de même de rejoindre le général De Gaulle dans cette Angleterre qui vient de retrouver pour beaucoup dofficiers et de marins de la Royale son rôle séculaire d«ennemi héréditaire». Ceux à qui lhistoire donnera finalement raison formeront ainsi à Londres le noyau de ce qui deviendra peu après les FFNL (Forces françaises Navales Libres).
Jean-Noël Grandhomme ( Mis en ligne le 05/02/2005 ) Imprimer | | |
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