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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Alain Gouttman La Guerre de Crimée - 1853-1856. La première guerre moderne Perrin - Tempus 2006 / 11 € - 72.05 ffr. / 438 pages ISBN : 2-262-02450-2 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
L'auteur du compte rendu : Jean-Pierre Sarmant est inspecteur général honoraire de léducation nationale. Imprimer
Pour les Français daujourdhui, des noms tels que lAlma ou Malakov évoquent surtout un pont parisien et une commune de banlieue. Si le nom de Sébastopol représente plus que celui dun boulevard, le souvenir de la guerre de Crimée se réduit le plus souvent au siège de cette ville. Le mérite de louvrage dAlain Gouttman, où le fameux siège noccupe quune petite moitié du récit, est donc de restituer cette guerre oubliée, longue et acharnée, dans la plénitude de ses enjeux, de son étendue géographique et de sa modernité.
Les enjeux sont ceux de la grande politique internationale. Pour lAngleterre, la guerre contre la Russie a été loccasion de donner un coup darrêt à lexpansion redoutable dun empire qui sétendait déjà de la Pologne et de la Finlande à lAlaska et dont lintention de réduire la Turquie à létat de protectorat ne faisait plus de doute. Pour la France, au-delà de la «querelle des lieux saints» et de la satisfaction donnée à lopinion catholique, la guerre fut loccasion, attendue depuis Waterloo, de reprendre place parmi les grandes puissances.
La dimension géographique de la guerre va bien au-delà du théâtre dopérations de Crimée. Sans être mondial, le conflit nen eut pas moins une extension considérable dans lespace : débarquements alliés en Finlande et au Kamtchatka, occupation des principautés roumaines par les Autrichiens, envoi au Pirée de troupes destinées à intimider une Grèce que la solidarité orthodoxe rapprochait de la Russie. Enfin, la guerre de Crimée peut, sans abus de langage, être désignée comme une première guerre «moderne». Pour la première fois, les inventions de lâge industriel, navires à vapeur, obus explosifs, télégraphe, furent utilisées sur une grande échelle, et le conflit fut le premier à bénéficier dune «couverture médiatique» de type contemporain. Des journalistes accompagnèrent les troupes et réalisèrent les premiers reportages photographiques de guerre.
Cest bien la supériorité industrielle franco-anglaise qui finit par mettre à genoux lempire russe, malgré lhéroïsme de ses soldats et le génie défensif dun Todleben. A lopposé de ses traditions, la Russie avait eu le tort daccepter le combat sur un abcès de fixation périphérique, perdant ainsi lavantage que lui conférait son immensité face à des adversaires qui navaient aucune envie de recommencer la campagne de 1812.
Sans négliger analyse et mise en perspective, La Guerre de Crimée ne dédaigne pas lanecdote, et possède toutes les qualités dun récit alerte et bien mené. Lauteur ne cache pas son aversion pour ce quil appelle «la légende noire de Napoléon III» et, pièces à lappui, croise le fer avec dautres historiens, surtout ceux de la IIIe République, pour qui la honte de Sedan a fait oublier léphémère gloire de Sébastopol. Il nest donc pas surprenant quAlain Gouttman ait reçu pour cet ouvrage le Grand prix
de la Fondation Napoléon.
Jean-Pierre Sarmant ( Mis en ligne le 05/05/2006 ) Imprimer
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