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Auguste & Caroline
Auguste Comte   Caroline Massin   Auguste Comte, Caroline Massin : correspondance inédite - (1831-1851)
L'Harmattan - Commentaires philosophiques 2006 /  28.50 € - 186.68 ffr. / 326 pages
ISBN : 2-296-00725-2

Texte établi par Pascaline Gentil.

Notes de Bruno Gentil.

Introduction de Mary Pickering.

L'auteur du compte rendu: Chercheur au CNRS (Centre d'analyses et de mathématiques sociales - EHESS), Michel Bourdeau a publié divers ouvrages de philosophie de la logique (Pensée symbolique et intuition, PUF; Locus logicus, L'Harmattan) et réédité les conclusions générales du Cours de philosophie positive (Pocket) ainsi que l'Auguste Comte et le positivisime de Stuart Mill (L'Harmattan).

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Les mésaventures sentimentales de Comte, partagé entre son amour platonique pour Clotilde de Vaux (1815-1846), morte phtisique quelques mois après leur rencontre, et ses infortunes conjugales, ont beaucoup contribué à discréditer l’homme et, par contrecoup, sa pensée. Voilà par exemple le genre d’anecdote qui pouvait circuler dans l’intelligentsia parisienne de la Troisième République à ses débuts : «Madame de Vaux mourut et, tous les jours, il allait porter des fleurs sur sa tombe. Sa femme, dont il était séparé et à laquelle il ne payait pas sa pension, se cacha derrière le tombeau et, imitant la voix de Mme de Vaux, lui ordonna de mettre de l’exactitude dans ses payements. Auguste Comte eut une peur de tous les diables et ne revint jamais au cimetière» (E. de Goncourt, Journal, 10 octobre 1879). Inutile de dire que tout cela est pure fantaisie. Ce qui est vrai en revanche c’est qu’à la suite de leur maître, les disciples de Comte ont réservé aux deux femmes un traitement fort contrasté. Dans un mouvement manichéen bien connu, l’auteur du Cours a idolâtré Clotilde, dont il prétendait faire une nouvelle Béatrice, et diabolisé Caroline (1802-1877), allant jusqu’à accuser son épouse d’avoir été prostituée. Fidèles à ces images, les disciples ont continué à entretenir le souvenir de Clotilde, lui faisant ériger par exemple un petit monument Boulevard Beaumarchais à Paris, alors qu’ils occultaient soigneusement la correspondance que Bruno et Pascaline Gentil ont exhumée des archives de la Maison Auguste Comte où elles était enfouies depuis plus de cent ans.

Il est rare de disposer d’une correspondance entre époux, ceux-ci n’ayant d’ordinaire pas besoin de s’écrire ; l’existence de ces lettres s’explique par les séparations du couple, et par les tournées en province que Comte devait effectuer en tant qu’examinateur d’entrée à l’Ecole Polytechnique. La correspondance comprend environ deux cents lettres, étalées sur une période de vingt ans (1831-1851) et écrites pour plus des trois-quarts par Caroline ; celles de Comte, — du moins celles qui ont été conservées, car une bonne partie a disparu — nous étaient connues depuis longtemps mais l’ensemble, tel qu’il nous est maintenant accessible, constitue un document exceptionnel. Son principal mérite est de sortir de l’ombre la figure, attachante, de Madame Comte. La personne que l’on découvre au fil de ces pages correspond peu au tableau que nous en avait laissé son époux. «Votre dernière lettre m’avait réjoui le cœur, celle-ci m’a mise au lit». L’amour de Caroline pour son mari semble sincère. On savait depuis longtemps que, après leur séparation, elle avait continué à assister au cours public qu’il donnait chaque année ; on ne savait pas par contre que, sans elle, cet enseignement aurait peut-être cessé et qu’elle avait usé de ses relations, allant jusqu’à solliciter un ministre, afin d’obtenir une salle pour son époux. Mais vivre tous les jours avec Comte n’était certainement pas une partie de plaisir. Conscient d’être investi d’une haute mission, celui que ses camarades d’école appelaient «Sganarelle» se montrait jaloux, autoritaire et indifférent aux soucis d’une maîtresse de maison. Caroline a autant souffert que lui de ne pas le voir occuper la position académique à laquelle il pouvait légitimement aspirer. Nulle part ailleurs le contraste des deux tempéraments n’apparaît de façon aussi manifeste. Fort de ce qu’il croit son bon droit, le répétiteur d’analyse à Polytechnique fait preuve d’une maladresse insigne, se brouillant sans raison avec tous ceux dont dépendait son avenir ; en femme pleine de bon sens, Caroline, elle, voit tout le tort qu’il se fait à lui-même et lui conseille, sans succès, de se montrer plus diplomate.

D’un point de vue proprement philosophique, l’apport de cette correspondance est plus que restreint, pour ne pas dire inexistant. Au plan biographique, il n’ajoute rien à la gloire de Comte, qui n’y apparaît pas sous son jour le plus favorable. La valeur de l’ouvrage vient donc avant tout de ce qu’il nous apprend sur la difficulté d’exister comme femme en ce milieu du dix-neuvième siècle, en Europe. Caroline aimait son époux, mais elle ne voulait pas être soumise ; tout son malheur vient de ce que ce dernier, et leur époque avec lui, ne l’entendait pas de cette oreille. Pour faire triompher son point de vue, elle a donc lutté avec les moyens dont elle disposait, et elle en a payé le prix. A cent cinquante ans de distance, nous sommes enclins à lui donner raison : elle se battait pour la bonne cause et c’est à des personnes comme elles, dont l’histoire n’a le plus souvent pas retenu le nom, que la situation doit d’avoir évolué.

Ceux qui s’intéressent de près ou de loin à Auguste Comte (mais combien sont-ils ?) voudront lire ce livre, qui commence par une excellente introduction de Mary Pickering, à qui nous devons une monumentale biographie du philosophe, et s’achève par une série de notices fort utiles sur les principaux personnages cités dans la correspondance. Plus généralement, il s’adresse à tous ceux et à toutes celles qui s’intéressent à l’histoire des femmes et qui aimeraient avoir davantage de témoignages comme celui-ci.


Michel Bourdeau
( Mis en ligne le 19/07/2006 )
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