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L'Isère et les Juifs
Tal Bruttmann   Au bureau des Affaires juives. - L'administration française et l'application de la législation antisémite (1940-1944)
La Découverte - L'espace de l'histoire 2006 /  23 € - 150.65 ffr. / 286 pages
ISBN : 2-7071-4593-9
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm

L’auteur du compte rendu : Mathilde Larrère est maître de conférences en Histoire contemporaine à l'université Paris XIII et à l'IEP de Paris.
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Pour trouver place dans l’abondante – et permanente - production historiographique sur la «Solution finale», la collaboration et Vichy, Tal Bruttmann, chercheur auprès de la Commission d’enquête de la ville de Grenoble sur la spoliation des biens juifs, joue la carte de l’histoire administrative et locale en publiant ce livre. En dépit de son titre général, Au bureau des affaires juives est l’histoire de l’application par les administrations de l’Isère (préfecture, police, justice) de la politique antisémite.

L’ouvrage suit trois grandes démarches qui se recoupent dans les chapitres d’un plan thématique ordonné suivant les institutions mobilisées ou les types d’action antisémite. L’auteur est particulièrement attentif aux sources qu’il utilise, et dont il nous présente par le menu détail les conditions d’élaboration, les utilisations possibles par l’historien, les limites comme les pièges, les richesses comme les silences. Ce faisant, l’ouvrage tient parfois du manuel d’utilisation des sources administratives en général et en particulier des sources locales (instructions, circulaires, correspondance interne, fiches, rapport de polices… documents très largement reproduits) de la politique antisémite sous Vichy, ce qui sera d’une grande utilité pour le néophyte qui touche là un peu la fabrique de l’histoire, mais qui semblera plus pesant au chercheur plus chevronné. On retiendra cependant une étude intéressante du vocabulaire utilisé par l’administration sous Vichy (est-ce la même chose d’écrire Juif ou Israélite, race juive ou religion juive ?).

Au bureau des affaires juives est ensuite, et avant tout, une analyse minutieuse de l’application, par les différentes institutions de l’Isère, de la politique antisémite. Le choix de l’Isère, que l’auteur dit ne devoir qu’au hasard dans son introduction, se révèle fort intéressant. Le département a connu des situations différentes au long des années noires : département de zone libre au début de la période, il subit ensuite à partir de novembre 1942 une double occupation italienne et allemande (les deux se partageant le territoire), avant que de passer après la signature de l’armistice avec l’Italie sous seule occupation allemande en septembre 1943. T. Bruttmann suit ainsi les étapes de la politique antisémite conduite en Isère, du fichage des juifs (au nom de quels critères ? suivant quelles modalités ?), à la spoliation de leurs biens ; des interdictions professionnelles à la mise au travail forcé ; des rafles à la déportation. Le chapitre sur la mise au travail des Juifs non concernés par le STO, mais affectés de force à l’opération Todt, est particulièrement intéressant sur cet aspect moins souvent évoqué de la politique antisémite. Il montre aussi que l’occupation italienne s’est révélée salutaire pour les juifs qu’elle a un temps protégés.

Mais surtout, l’historien pose les questions nécessaires et attendues de l’initiative, et partant de la responsabilité, des administrations et donc des acteurs locaux dans la discrimination puis dans l’extermination des juifs de France. Il démontre minutieusement combien était grande la marge de manœuvre des pouvoirs locaux, combien l’antisémitisme de la France des années noires est aussi l’œuvre de fonctionnaires zélés (et ce particulièrement dans le département de l’Isère, seul département, par exemple à se constituer pour ses propres services un fichier départemental des juifs !), combien l’antisémitisme d’Etat est devenu une norme administrative banale, intégrée aux tâches quotidiennes des agents publics, nous donnant à toucher la «banalité du mal» d’un antisémitisme consciencieux et quotidien. Un antisémitisme qui met aussi en contact direct l’agent et la victime. Les résistances, qui font l’objet d’un chapitre final, sont restées isolées, marginales et tardives.

L’ouvrage, qui aurait gagné à ce que l’auteur élague un peu sa copie parfois roborative, reste une étude minutieuse et fort utile dans la connaissance des processus de la "Solution finale" et dans le procès de la responsabilité des institutions françaises.


Mathilde Larrère
( Mis en ligne le 23/08/2006 )
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